Une protection qui couvre trois aspects

 

« C’est désormais le Code général de la fonction publique (CGFP) qui encadre la protection fonctionnelle de l’agent public. »

 

  • Une protection contre les condamnations civiles prononcées à raison d’une faute de service qui n’aurait pas un caractère personnel détachable de l’exercice de ses fonctions (articles L134-1 et L134-2 du CGFP), mais qui peut prendre la forme de mesures diverses ;
  • Une protection lorsque la responsabilité pénale du fonctionnaire est mise en cause à l’occasion de faits commis dans l’exercice de ses fonctions et qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle (L134-4 du CGFP) ;
  • Une protection de l’administration contre les attaques dont sont victimes les fonctionnaires et la réparation du préjudice qu’ils subissent.

Cette protection ne concerne pas seulement les fonctionnaires titulaires, mais aussi d’autres catégories de personnes.

 

1/ Les garanties à raison d’une faute de service

La protection financière

Dans le cadre de son activité professionnelle quotidienne, tout agent public peut voir engager sa responsabilité personnelle alors même qu’il ne fait qu’exécuter ses fonctions.

Dans cette hypothèse, si un agent bénéficiant de la protection fonctionnelle fait l’objet d’une condamnation par une juridiction pénale ou civile, il va pouvoir solliciter son employeur pour qu’il prenne en charge la condamnation.

L’idée est d’éviter que l’agent public ne supporte la responsabilité qui devrait normalement incomber à son employeur pour des fautes du service. Bien entendu, cette possibilité n’est envisageable que si l’agent n’a pas commis une faute personnelle détachable du service, c’est-à-dire sans lien avec l’exercice de ses fonctions.

Par ailleurs, et en cas de procédure, l’agent public va être amené à exposer des frais de procédure pour se défendre.

La protection fonctionnelle peut aussi conduire l’administration à prendre en charge les frais de procès avancés par le bénéficiaire ou avancer elle-même ces frais.

En parallèle de ce dispositif, les agents publics peuvent également bénéficier d’un dispositif de protection particulier lorsque leur responsabilité civile est mise en cause dans le cadre des dispositions de l’article L911-4 du Code de l’éducation qui dispose que « dans tous les cas où la responsabilité des membres de l’enseignement public se trouve engagée à la suite ou à l’occasion d’un fait dommageable commis, soit par les élèves ou les étudiants qui leur sont confiés à raison de leurs formations, soit au détriment de ces élèves ou de ces étudiants dans les mêmes conditions, la responsabilité de l’État est substituée, à celle desdits membres de l’enseignement qui ne peuvent jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants ».

Pour autant, la protection ne peut être octroyée que dans les hypothèses prévues à l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983, aujourd’hui articles L134-3 et L134-4 du Code général de la fonction publique (CGFP), à savoir :

  • Le garantir des condamnations prononcées par les juridictions civiles (L134-3 du CGFP) ;
  • L’assister dans le cadre des procédures pénales (L134-4 du CGFP) ;
  • Les atteintes volontaires à l’intégrité de l’agent, les violences, les faits de harcèlement moral, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages et tous les préjudices qui peuvent en résulter (L134-5 du CGFP)

Il convient enfin de rappeler que la circulaire du 5 mai 2008 a rappelé que le fonctionnaire injustement mis en cause qui bénéficiait d’un non-lieu ou d’une relaxe peut obtenir une protection juridique pour engager une procédure de dénonciation calomnieuse ou pour demander des dommages et intérêts devant la juridiction civile.

En dehors de ces cas, le mécanisme de la protection fonctionnelle ne peut être mis en œuvre.

Un arrêt du Conseil d’État, du 9 décembre 2009, l’a rappelé, confirmant le rejet de la protection en matière disciplinaire, conformément à une jurisprudence établie.

En effet, la plus haute juridiction administrative a relevé que l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 n’a « ni pour objet, ni pour effet d’ouvrir droit à la prise en charge par l’État des frais qu’un fonctionnaire peut engager pour sa défense dans le cadre d’une procédure disciplinaire diligentée à son encontre par l’autorité hiérarchique dont il relève ou des frais qu’il expose pour contester devant la juridiction administrative une sanction disciplinaire prise à son encontre » (CÉ, 9 décembre 2009, Vavrand, req. n° 312483).

Les autres formes de la protection fonctionnelle

 

L’article L134-6 du CGFP prévoit que :
« Lorsqu’elle est informée, par quelque moyen que ce soit, de l’existence d’un risque manifeste d’atteinte grave à l’intégrité physique de l’agent public, la collectivité publique prend, sans délai et à titre conservatoire, les mesures d’urgence de nature à faire cesser ce risque et à prévenir la réalisation ou l’aggravation des dommages directement causés par ces faits. Ces mesures sont mises en œuvre pendant la durée strictement nécessaire à la cessation du risque. »

 

La protection fonctionnelle ne se limite pas à une simple prise en charge financière dans un certain nombre de situations.

Il appartient donc à l’administration non seulement d’assurer une réparation adéquate des torts subis, mais aussi de faire cesser les attaques que ce dernier subit.

Il peut s’agir de toutes formes d’attaques, quel que soit leur auteur.

Cela implique que l’administration peut mettre en œuvre des actions de prévention et de soutien au bénéficiaire de la protection afin d’assurer sa sécurité :

  • Permettre le changement de numéro de téléphone, d’adresse e-mail ou de service et en informer les autorités compétentes afin d’organiser une mesure de surveillance du domicile dans les cas les plus graves :
  • Demander à l’auteur des actes de les cesser et, s’il s’agit d’un autre agent, engager une procédure disciplinaire ;
  • Favoriser la prise en charge médicale par un dispositif d’aide particulier ;

Ce genre d’action peut être collective et concerner l’ensemble d’un service.

2/ Des possibilités de refus limités

Lorsqu’un agent se trouve dans un cas d’octroi de la protection, seuls deux motifs peuvent justifier qu’elle lui soit refusée : l’intérêt général ou la faute personnelle de l’agent.

L’intérêt général

Le refus au nom de l’intérêt général ne fait l’objet d’aucune définition précise.

Il doit s’agir d’un motif susceptible de discréditer l’administration ou de faire obstacle de façon particulièrement grave à la bonne marche des services publics.

C’est un cas de rejet particulièrement rare que l’on trouve peu en pratique.

La faute personnelle

La définition de la faute personnelle est, quant à elle, mieux connue. L’article 11 de la loi du 13 juillet 1983, aujourd’hui article L134-4 du Code général de la fonction publique, prévoit, à son quatrième alinéa, que « la collectivité publique est tenue d’accorder sa protection au fonctionnaire ou à l’ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle ».

La distinction entre la faute de service et la faute personnelle repose sur une jurisprudence ancienne du Tribunal des conflits, selon laquelle la faute personnelle est la faute d’un agent « comportant une intention de nuire ou présentant une gravité inadmissible » (TC, 30 juillet 1873, arrêt Pelletier).

Le Conseil d’État a jugé qu’en l’absence de faute personnelle de l’agent, l’administration est tenue d’accorder sa protection en cas de poursuites pénales (CÉ sect., 14 mars 2008, Portalis).

Il faut également indiquer qu’en vertu du principe d’autonomie des notions de faute personnelle et de faute pénale (TC, 14 janv. 1935, Thépaz, n° 00820, Lebon), une infraction pénale ne constitue pas nécessairement une faute personnelle.

Cela signifie que ce n’est pas parce que l’enseignant est poursuivi devant une juridiction pénale qu’il commet une faute personnelle détachable du service.

Seul le juge administratif est à même de dire ce qui est une faute personnelle détachable du service.

Pour cela, le juge se prononcera en fonction des éléments de contexte qui lui sont soumis.

Malheureusement, les accusations portées contre les fonctionnaires de l’Éducation nationale par des tiers sont souvent liées à des problématiques d’attouchements ou des violences physiques.

Dans de tels cas sensibles, l’administration fait très facilement valoir une suspicion de faute personnelle alors que le principe de présomption d’innocence devrait s’appliquer.

Bien plus, et en cas de mise en examen de l’enseignant, l’administration est à même de le suspendre de ses fonctions par application de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 devenu L531-1 du CGFP.

 

3/ La protection de l’agent contre les atteintes à sa personne

 

« Depuis la loi du 16 décembre 1996, le statut général de la fonction publique prévoit que la protection est due aux fonctionnaires, mais aussi aux agents non titulaires, aux stagiaires ainsi qu’aux retraités. »

La protection de l’agent lui-même

Cette protection s’applique enfin aux agents placés en disponibilité, détachés ou mis à la disposition d’un organisme privé si la demande de protection résulte de faits qui ont été commis dans l’exercice de leurs fonctions au sein d’un organisme public.

Les agents contractuels de droit privé et de droit public (assistants d’éducation) recrutés par le chef d’établissement (proviseur ou principal) bénéficient également de la protection juridique.

La protection des proches de l’agent

La loi du 20 avril 2016 (aujourd’hui à l’article L134-7 du CGFP) a étendu la protection fonctionnelle au conjoint, au concubin, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité à l’agent public, à ses enfants et à ses ascendants directs pour :

  • les instances civiles ou pénales qu’ils engagent contre les auteurs d’atteintes volontaires à l’intégrité de la personne dont ils sont eux-mêmes victimes du fait des fonctions exercées par l’agent public ;
  • Les instances civiles ou pénales contre les auteurs d’atteintes volontaires à la vie de l’agent public du fait des fonctions exercées par celui-ci.

Dans l’hypothèse où il n’y aurait pas d’action engagée par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, la protection de la collectivité publique peut être accordée aux enfants ou, à défaut, aux ascendants directs de l’agent public qui engagent une telle action.

De même, dans sa dernière rédaction, l’article L134-1 du CCFP dispose que l’ancien agent peut bénéficier de la protection fonctionnelle.

Il faut néanmoins que les faits pour lesquels la protection est demandée se rattachent à ses anciennes fonctions.

4/ Les modalités de mise en œuvre

  • Le fonctionnaire, victime d’une agression ou poursuivi devant une juridiction répressive, doit en informer son administration et présenter une demande motivée. Aucun délai précis ne lui est imposé pour formuler sa demande. Il appartient cependant à l’agent de se réserver la preuve d’avoir bien formulé une demande et que cette dernière a bien été reçue par l’administration. Si les moyens modernes de communication comme les courriels simplifient les échanges, rien ne permet de justifier qu’ils ont été convenablement adressés et surtout reçus. À ce jour, il s’agit de la position du Conseil d’État. Il convient donc de proscrire l’usage du courriel ou à tout le moins le doubler par un envoi en lettre recommandée avec accusé de réception.
  • La demande doit exposer les faits et clairement indiquer ce qui est souhaité par l’agent.

Le simple fait de demander le bénéfice de la protection fonctionnelle risque d’exposer l’agent à un refus pour défaut de précision.

Les agents sont donc invités à bien préciser ce qu’ils attendent de leur employeur (une prise en charge financière de la procédure, une mesure à prendre pour préserver la situation comme un déplacement d’office, une délégation, une procédure disciplinaire, etc.).

Spécialement, concernant les agressions physiques ou verbales subies par un fonctionnaire de l’Éducation nationale, il s’agira pour l’agent victime d’une telle agression de la déclarer à son chef d’établissement dans les meilleurs délais.

L’agent victime de tels faits, qu’il soit ou non en service, et quel qu’en soit le lieu, devra pour se voir attribuer le bénéfice de la protection, établir le lien d’imputabilité au service entre le dommage subi et ses fonctions d’agent.

L’agent doit préciser la nature de la protection qu’il souhaite et qui lui parait à même d’être effective dans sa situation (prise en charge de frais d’avocats, mise à l’abri d’un usager ou d’autres agents, mesures de soutien administratives, etc.).

Le chef d’établissement n’a pas, en principe, à porter plainte en tant que tel. Il transmettra directement au Rectorat (service juridique) avec copie à l’inspecteur d’académie :

  • la demande écrite de protection juridique du fonctionnaire victime accompagnant ;
  • la description des faits ;
  • la copie de son dépôt de plainte ;
  • son propre rapport circonstancié.

Le Recteur dispose d’une compétence exclusive pour accorder la protection statutaire dès lors qu’un lien avec le service est établi dans le dossier.

Le Recteur pourra, une fois la protection fonctionnelle accordée, saisir par écrit le Procureur de la République en lui demandant d’engager une procédure judiciaire contre l’auteur de l’agression ou contre X.

Le cas échéant, c’est également lui qui prendra en charge les frais de procédure du fonctionnaire (honoraires d’avocat, etc.) non pris en charge par son assureur privé.

Quant aux dégradations des biens appartenant aux fonctionnaires de l’Éducation nationale, il s’agit généralement des dégradations des véhicules automobiles.

Dans ce cas, le chef d’établissement transmettra directement, et dans les meilleurs délais, les mêmes documents que précédemment avec copie à l’inspecteur d’académie.

Comme précédemment, le lien d’imputabilité au service devra être établi.

En effet, il ne faut pas confondre le dommage causé au véhicule d’un fonctionnaire au cours de son service et le dommage causé au véhicule d’un fonctionnaire du fait de ses fonctions. Seul ce dernier cas est concerné par la protection statutaire, que le fonctionnaire soit ou non en service. Le fonctionnaire devra informer son assureur et porter plainte.

La protection fonctionnelle doit être demandée à chaque étape (première instance, appel, cassation).

En cas de vol ou de tentative de vol 

Il est nécessaire que l’acte ait eu pour mobile non un simple désir d’appropriation du bien, mais l’intention de nuire à la victime en raison de sa qualité professionnelle.

Cette condition explique que la plupart des dossiers de vol sont exclus du champ de la protection statutaire. Il est en effet très compliqué de parvenir à rapporter la preuve du lien entre le vol ou sa tentative et la volonté de nuire à raison de la qualité professionnelle de l’agent.

Par ailleurs, l’expérience de ces dossiers montre que les vengeances des tiers se traduisent la plupart du temps par des dégradations et non par des vols.

Que faire en cas de refus d’octroi de la protection fonctionnelle ?

À compter de la réception de la demande d’octroi de la protection fonctionnelle, l’administration dispose d’un délai de deux mois pour se positionner.

Les refus se matérialisent soir par :

  • Une décision expresse informant le demandeur qu’il ne sera pas fait droit à sa demande ;
  • L’écoulement du temps.

Dans le premier cas, ce refus doit être motivé et comporter la mention des voies de recours.

L’agent disposera alors de deux mois à compter de la réception du refus pour :

  • Engager un recours préalable, gracieux ou hiérarchique, par voie de lettre recommandée avec accusé de réception. Un nouveau délai de deux mois s’ouvre alors permettant à l’administration d’éventuellement réviser sa position de refus. Malheureusement, et trop souvent, le refus est confirmé de manière expresse ou implicite. L’agent disposera alors de deux mois pour saisir le tribunal administratif.

L’attention des agents est attirée sur le fait qu’il ne peut être réalisé qu’un seul recours préalable.

Juridiquement, il ne peut y avoir de cumul ou d’enchainement d’un recours gracieux, puis hiérarchique ou inversement.

Le risque est de laisser passer le délai de saisine de la juridiction administrative et donc de voir la demande contentieuse déclarée irrecevable.

  • Saisir le tribunal administratif pour qu’il statue.

Dans le second cas, une décision implicite de rejet est édictée deux mois après avoir adressé la demande.

Là encore, l’agent dispose de la possibilité d’engager un recours préalable suivant les mêmes modalités que nous venons de voir.

Dans cette situation, il convient de faire particulièrement attention aux délais et, pour éviter tout risque contentieux, de saisir à nouveau la juridiction administrative dans le délai de deux mois qui suit le rejet soit de la demande initiale soit du rejet du recours préalable adressé.

La procédure administrative contentieuse étant remplie de chausse-trappes, L’Autonome de Solidarité Laïque saura vous accompagner dans ce dédale juridique, soit directement, soit en vous orientant vers un de ses avocats-conseils.

Que faire si vous avez raté un délai ?

La sanction juridique est alors lourde de conséquences puisqu’il ne peut être fait droit à la demande de protection fonctionnelle.

Dans cette hypothèse, il existe un éventuel biais juridique.

Au lieu de demander le bénéfice des effets de la protection fonctionnelle, il est possible de demander l’indemnisation de son refus.

Il conviendra alors de démontrer la faute qui correspond au caractère infondé du refus opposé par l’employeur public et de solliciter l’indemnisation des préjudices qui en découlent.

N’hésitez pas à faire appel à L’Autonome de Solidarité Laïque qui saura vous informer et vous orienter vers l’un de ses avocats-conseils.