Existe-t-il des obligations règlementaires concernant l’usage d’internet et/ou des réseaux sociaux par un personnel d’éducation ?

« Les propos tenus par le personnel d’éducation sur internet et les réseaux sociaux ne peuvent aller à l’encontre de leurs obligations, notamment leur devoir de réserve, leur obligation de discrétion professionnelle et le respect du secret professionnel. »

Les propos tenus par le personnel d’éducation sur internet et les réseaux sociaux ne peuvent aller à l’encontre de leurs obligations, notamment leur devoir de réserve, leur obligation de discrétion professionnelle et le respect du secret professionnel.

Au titre du devoir de réserve, le personnel d’éducation doit faire preuve de réserve et de retenue dans l’expression écrite et orale de ses opinions personnelles afin d’éviter de « porte[r] atteinte à l’intérêt du service, à sa neutralité ainsi qu’au bon fonctionnement de l’administration(1) ». Cette obligation s’applique pendant et en dehors du temps de travail.

Ensuite, le personnel d’éducation « doit faire preuve de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont il a connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions(2) ».

Cette obligation de discrétion a été rappelée par un arrêt du Conseil d’État du 20 mars 2017(3) qui précise que l’agent public qui divulgue sur Internet, au moyen d’un blog personnel et/ou d’un compte ouvert à son nom sur un réseau social, des éléments détaillés et précis sur son activité manque à son obligation de discrétion.

Le Conseil d’État a considéré à plusieurs reprises qu’un forum, un blog ou un profil sur un réseau social accessible au public n’était pas un espace privé. Il est à souligner que l’anonymat sur Internet a ses limites, et l’utilisation d’un pseudonyme ne fait pas obstacle à l’application d’une sanction disciplinaire si la neutralité, la moralité ou la discrétion ne sont pas respectées par un agent public.

Contrairement à l’obligation du secret professionnel, qui vise à protéger les usagers de l’administration, l’obligation de discrétion professionnelle, elle, prémunit l’administration contre la divulgation d’informations relatives au service qui pourrait nuire à l’accomplissement normal des tâches qui lui incombe.

 

Lorsqu’on parle de risques et de violences numériques, de quoi s’agit-il ? À quels types d’infractions un enseignant est-il exposé ?

« La violence numérique s’exerce à l’encontre des personnels par des propos écrits, des vidéos, des montages photo visant à les menacer, les diffamer et les calomnier. »

Tout d’abord, il convient de souligner que cette violence numérique s’exerce principalement à l’encontre des personnels, et non par eux.

La terrible affaire de l’assassinat du professeur Samuel Paty nous rappelle que, tragiquement, toute l’affaire a commencé à cause d’une « cabale » mensongère contre le professeur qui s’est amplifiée sur les réseaux sociaux.

La violence numérique s’exerce à l’encontre des personnels par des propos écrits, des vidéos, des montages photo visant à les menacer, les diffamer et les calomnier. Ils peuvent être victimes d’usurpations de compte, et aussi de harcèlement moral. La difficulté est que ces attaques peuvent se diffuser très rapidement, très massivement à un large public, au-delà même de l’école, et qu’il est parfois difficile d’en identifier les auteurs.

Il arrive de manière très marginale qu’un enseignant puisse être l’auteur sur les réseaux sociaux d’un comportement pénalement répréhensible. Cela peut être des faits de diffamation ou d’outrage à l’encontre d’un collègue ou d’un supérieur hiérarchique, des menaces, du harcèlement moral.

Enfin, tout personnel qui dans l’exercice de ses fonctions a connaissance de faits de violence (outrage, diffamation, insultes…) diffusés sur les réseaux sociaux a le devoir de le signaler au procureur de la République conformément aux dispositions de l’article 40 du Code de procédure pénale(4).

 

Comment les personnels d’éducation peuvent-ils s’en prémunir ?

« Il est particulièrement recommandé de ne pas dialoguer avec des élèves mineurs sur des messageries privées (type MSN, Snapchat etc.). […] Et d’utiliser les réseaux sociaux avec prudence : il conviendra de sécuriser le profil de ses réseaux sociaux et de paramétrer leurs confidentialités afin de privilégier le statut « privé » et de limiter toute divulgation d’informations personnelles. »

Il est difficile pour les personnels d’éducation de se prémunir des violences numériques qui pourraient être exercées contre eux. Dans une telle hypothèse, il conviendra bien entendu d’en avertir immédiatement sa hiérarchie, de faire appel à la délégation départementale de L’ASL qui orientera le personnel vers un avocat afin de faire cesser au plus vite ces cyberattaques.

Cependant, à la suite de l’assassinat de Samuel Paty en 2020, la loi confortant le respect des principes de la République en date du 24 août 2021(5) sanctionne désormais les discours de haine sur les réseaux sociaux.

C’est ainsi que la loi crée un nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne, permettant de l’identifier ou de la localiser dans le but d’exposer elle-même ou les membres de sa famille à un risque immédiat d’atteinte à la vie, à l’intégrité physique ou psychique ou aux biens (article 223-1-1 du Code pénal(6)).

Il est à souligner que lorsque les faits sont commis au préjudice d’une personne chargée d’une mission de service public, les peines sont portées à 5 ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.

Ce texte, qui prévoit également une procédure d’urgence pour sanctionner l’infraction de mise en danger de la vie d’autrui sur les réseaux sociaux, devrait désormais protéger les enseignants victimes d’agressions par l’intermédiaire des réseaux sociaux.

L’assistance de l’avocat-conseil de L’ASL sera alors indispensable.

Enfin, il convient de se référer à la circulaire du garde des Sceaux du 5 septembre 2023 qui prévoit que « la commission d’actes de violences, d’intimidation, de harcèlement, de menaces à l’encontre des enseignants ou personnels de l’Éducation nationale appelle une réponse pénale ferme, rapide et systématique, tenant compte de la nature des faits et des antécédents du mis en cause, et privilégiant la voie du défèrement ».

Bien évidemment, dans leur utilisation des réseaux sociaux, les personnels d’éducation doivent faire preuve de prudence et de bon sens.

Ce qui est interdit dans la « vraie vie » l’est aussi sur Internet ! Il est particulièrement recommandé de ne pas dialoguer avec des élèves mineurs sur des messageries privées (type MSN, Snapchat, etc.). Les conversations qui touchent à l’intimité ou à la vie privée entre une ancienne élève et un enseignant sur MSN ont d’ailleurs pu être analysées comme constitutives de faits de corruption de mineur (CA Versailles du 2 février 2015).

Une utilisation des réseaux sociaux avec prudence : il conviendra de sécuriser le profil de ses réseaux sociaux et de paramétrer leur confidentialité afin de privilégier le statut « privé » et de limiter toute divulgation d’informations personnelles. On évitera par exemple de diffuser ses photos de vacances sur un profil Facebook non sécurisé.

Par ailleurs, les personnels sont invités à être vigilants et à ne pas communiquer d‘informations sur leurs réseaux sociaux concernant l’organisation du service, l’école, les élèves.

Enfin, le personnel d’éducation devra faire preuve de retenue dans les propos tenus publiquement. Il convient de préciser que s’exprimer anonymement sur les réseaux sociaux n’empêche pas d’engager la responsabilité des auteurs de propos litigieux, la levée de l’anonymat étant une pratique fréquente.

 

Textes de référence

(1) CAA de Paris, 2e chambre, 8 mars 2017

(2) Code général de la fonction publique : articles L121-1 à L125-2

(3) Arrêt du Conseil d’État du 20 mars 2017

(4) Code de procédure pénale : article 40

(5) Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République

(6) Code pénal : article 223-1-1