Une assistance juridique à géométrie variable : l’administration apprécie les moyens les plus appropriés

En cas d’agression, l’administration accorde généralement aux fonctionnaires une assistance juridique pour la procédure engagée par l’autorité judiciaire ou à la suite de la plainte déposée par le fonctionnaire.

Le montant des honoraires d’avocat peut être pris en charge partiellement ou en totalité ainsi que les frais d’huissier ou d’expertise. Les frais de déplacement rendus nécessaires par le suivi de l’affaire pourront également être pris en charge sur la base du décret du 3 juillet 2006 qui fixe les modalités de remboursement des déplacements des personnels civils de l’État.

Cependant, l’Inspecteur d’Académie ou le Recteur qui est saisi de la demande de protection peut refuser celle-ci au motif qu’une mesure plus adéquate a été adoptée. Cela a été le cas pour un fonctionnaire victime d’injures de la part d’un élève. L’administration a considéré que la comparution du mineur fautif devant le Conseil de discipline de l’établissement constituait une sanction suffisante.

 

« S’appuyant sur certaines décisions du Conseil d’État, la circulaire du 5 mai 2008 a rappelé qu’il appartient à l’autorité administrative de qualifier juridiquement les faits en cause puis, lorsque les mesures de protection susceptibles d’être mises en œuvre sont multiples et de déterminer celles qui sont les plus appropriées aux circonstances de l’espèce. »

 

Les faibles chances de succès d’un recours juridictionnel introduit par un fonctionnaire sont-elles de nature à justifier le refus de prendre en charge des frais de procédure de cette action ?

Le Conseil d’État a répondu dans un arrêt du 31 mars 2010.Tout en confirmant la possibilité pour l’administration de refuser l’octroi d’une protection dans le cadre d’une procédure manifestement dépourvue de chances de succès, le Conseil d’État a imposé à l’administration d’accorder un tel bénéfice dès lors que l’action n’est pas dépourvue de toute chance de succès (CÉ, 31 mars 2010, Ville de Paris, req. n° 318710). Par ailleurs, soulignons également qu’en matière de diffamation ou d’injures, il ne faut pas attendre d’obtenir la décision de protection fonctionnelle pour agir.

En ce domaine, le délai de prescription de l’action publique contre l’auteur des faits est de trois mois, délai à impérativement respecter pour saisir le juge et non déposer une simple plainte.

Si la décision de protection juridique intervient après l’expiration de ce délai et que l’agent l’attend pour introduire son action, son action en justice risque d’être déclarée irrecevable.

Toutes ces difficultés peuvent être atténuées lorsque le fonctionnaire concerné fait immédiatement intervenir la délégation départementale de L’Autonome de Solidarité Laïque et son avocat.

Une protection fonctionnelle plus affirmée en cas de harcèlement moral

 

« Par un arrêt du 12 mars 2010, le Conseil d’État a franchi une nouvelle étape en admettant que les “agissements répétés de harcèlement moral [sont] de ceux qui [peuvent] permettre, à l’agent public qui en est l’objet, d’obtenir la protection fonctionnelle” », (CÉ, 12 mars 2010, commune de Hœnheim)

 

Dans la pratique, pour les cas les plus simples où l’administration est en mesure d’établir la responsabilité de l’auteur du harcèlement, l’octroi de la protection fonctionnelle dans le cadre de la jurisprudence « commune de Hœnheim » peut se traduire par des mesures d’éloignement ou de suspension des fonctions, assorties d’une action disciplinaire contre l’auteur des faits.

L’administration pourra également prendre en charge les frais d’une action pénale ou civile susceptible d’être engagée par la victime devant les tribunaux judiciaires afin d’obtenir réparation de son préjudice.

Des délais parfois longs pour obtenir réparation du préjudice

Le fonctionnaire victime d’agression se constitue partie civile pour obtenir la réparation de son préjudice, la difficulté majeure survient lorsque l’auteur condamné est insolvable.

1) Un recours possible auprès de l’État en cas d’insolvabilité des agresseurs

 

Il faudra attendre un arrêt du Conseil d’État du 17 décembre 2004 pour qu’il en soit jugé : « en cas d’insolvabilité l’État doit faire face aux réparations du préjudice occasionné à son agent ».

 

Si l’affaire en question ne concerne pas un enseignant ou un éducateur, mais un policier, la solution est applicable aux adhérents de L’Autonome de Solidarité Laïque. Ce fonctionnaire, victime d’un outrage, obtient du tribunal correctionnel une somme de 610 euros de dommages et intérêts. Cependant, son agresseur est insolvable. Il s’adresse alors sans succès à l’État pour obtenir réparation. Le refus d’indemnisation est contesté devant le tribunal administratif de Pau, lequel lui donne raison et lui octroie une somme identique. Le ministre de l’Intérieur introduit alors un recours contre cette décision.

Le Conseil d’État rappelle qu’il appartient bien à l’État, saisi d’une demande en ce sens, d’assurer une juste réparation du préjudice subi.

2) Les solutions alternatives

a- La saisine des commissions d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI)

Bon à savoir

Les dispositions de l’article 706-3 du Code de procédure pénale énoncent en effet : « Toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne. »

S’agissant d’infractions pénales, les victimes peuvent obtenir par requête auprès des commissions d’indemnisation qui siègent dans chaque tribunal judiciaire la réparation de leur préjudice. Cependant, cette demande n’est recevable que si le fonctionnaire a subi un arrêt de travail de plus d’un mois ou une incapacité permanente partielle. Nb : Il faut préciser que les faits de violences volontaires n’ayant entraîné aucune incapacité temporaire totale, le détournement de mineur, d’exhibition sexuelle, ne sont pas indemnisables par la CIVI.

Quant aux accidents du travail, ils ne sont plus exclus de l’indemnisation par la CIVI depuis deux arrêts des 7 mai 2009 et 4 février 2010.

b- L’indemnisation des petits préjudices par le SARVI

Le service d’aide aux réparations des victimes d’infractions (SARVI) prévu par les dispositions des articles 706-15-1 et 706-15-2 du Code de procédure pénale s’adresse aux victimes qui ont subi de légers préjudices corporels ou certains dommages aux biens qui ne peuvent être indemnisés par les CIVI et qui ont souvent du mal à faire exécuter les décisions de justice, laissant un désagréable sentiment d’impunité et d’inefficacité.

Ce dispositif permet d’obtenir :

  • La totalité de la somme si le montant est inférieur à 1 000 euros ;
  • 30 % de la somme si le montant est supérieur à 1 000 euros, avec un maximum de 3 000 euros.

Ce dispositif offre une assistance au recouvrement, c’est-à-dire que le SARVI se charge à la place de la victime d’obtenir du condamné le reste dû sur le fondement du mandat. Pour ce faire, il sera nécessaire d’obtenir un jugement définitif émanant d’une juridiction pénale condamnant l’auteur de l’infraction au versement de dommages et intérêts.

3) Une prise en charge médicale plus volontariste pour la réadaptation des enseignants victimes

L’obligation de réparer le préjudice subi ne peut se limiter à l’allocation d’une somme d’argent. Elle passe aussi par un accompagnement par la médecine du travail pour la réparation du préjudice corporel et psychologique.

L’Éducation nationale dans ce domaine est souvent défaillante. Quant à l’application de la convention de septembre 2004 avec la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN), en vue d’apporter des solutions aux difficultés rencontrées par les personnes en situation de handicap et pour favoriser la réinsertion des personnels fragilisés, elle ne concerne que quelques départements s’agissant des violences scolaires.