Pour Béatrice Pometan, professeur de lettres classiques au collège Le Hamelet à Louviers (Eure), cette matinée de visite au musée d’Orsay est une manière festive de conclure l’année scolaire. L’enseignement de l’histoire des arts a creusé tout au long de l’année la thématique « Art, Etat et pouvoir ». L’exposition « Crime et châtiment », sur une idée de Robert Badinter et signée Jean Clair, en était l’illustration idéale. Sur le parvis du Musée d’Orsay, Béatrice Pometan transmet ses dernières recommandations à ses élèves : « Jetez vos chewing-gums et fermez vos portables avant d’entrer dans le musée. Ne prenez pas de photos, ne touchez pas les œuvres, ne parlez pas fort et prenez des notes. » Puis, ils franchissent les portiques de sécurité avant de confier leurs sacs à dos, qui sont interdits dans le musée, au vestiaire des groupes. L’enseignante est sereine. « Je fais confiance à mes élèves, sinon je n’aurais pas organisé cette visite. C’est une classe enthousiaste, curieuse, qui pose beaucoup de questions. Il y a certaines classes que l’on emmène plus facilement au musée que d’autres. »

Des sanctions en cas de transgression

Le Musée d’Orsay reçoit 10 000 groupes par an, dont 60 à 70 % de scolaires, en fonction de sa programmation. « Beaucoup de contraintes, notamment de sécurité, déterminent l’accueil des groupes » explique Elvire Caupos, responsable du secteur de l’information et des réservations du Musée d’Orsay. « Dans la confirmation de la réservation à l’enseignant, qui se fait plusieurs mois à l’avance, nous intégrons un extrait du règlement de visite qui précise sa responsabilité et le comportement à faire adopter au groupe. En cas d’incident, toute atteinte aux œuvres et aux biens est de la responsabilité du professeur qui encadre le groupe. » Si le règlement est transgressé, le groupe peut être expulsé et l’établissement scolaire se voir interdire l’accès au musée pendant trois mois, voire définitivement.

Interrogés, les élèves savent qu’il faut faire preuve de calme et respecter les œuvres. A plusieurs reprises, Béatrice Pometan devra quand même leur demander de se serrer un peu pour ne pas gêner la circulation des autres visiteurs. Au cours de l’exposition, les agents de salle, qui ont autorité pour intervenir dès qu’un visiteur manque au règlement de visite, n’hésitent pas à le faire avec douceur et fermeté. Ils précisent aux visiteurs qu’ils doivent rester à distance des estrades placées le long des œuvres et veillent à ce qu’aucune main ne touche un tableau. « Nous connaissons les dégradations qu’entraîne le fait de toucher une œuvre, souligne Elvire Caupos. Le dépôt de la graisse des doigts peut avoir des conséquences dévastatrices irréversibles. »

Un message exemplaire et édifiant

Dans la première salle de l’exposition, la luminosité est très faible, à la fois pour protéger les œuvres et pour augmenter le caractère dramatique du sujet traité. Au fond de la salle trône la dernière guillotine en activité, voilée de noir, instrument de la mort égalitaire qui impressionne beaucoup les élèves. L’enseignante qui guide les élèves connaît bien l’exposition, elle l’a visité préalablement, afin de choisir les œuvres sur lesquelles elle souhaitait mettre l’accent. « Je me suis demandé en visitant l’exposition si j’allais y emmener les élèves, reconnaît Béatrice Pometan. Outre le fait qu’ils sont suffisamment âgés pour voir certaines œuvres, c’est la signature de Robert Badinter et la forte présence de dessins de Victor Hugo qui m’a convaincue. » Etudes de têtes ou de membres coupés, figures de pendus ou de grands criminels, porte de prison… l’exposition n’est pas à placer devant tous les regards. Mais les élèves de cette classe de troisième sont prêts ! « En amont, j’ai travaillé sur « Le dernier jour d’un condamné » de Victor Hugo, explique Béatrice Pometan. En aval, sur Robert Badinter et son combat contre la peine de mort.

Edifiés par le message exemplaire de cette exposition, qui retrace deux siècles de débats autour de la peine de mort à travers l’art, la presse ou l’anthropologie, les élèves quittent le musée en silence. Prochaine étape, un pique-nique au jardin des Tuileries sous une fine pluie de juin.