L’enseignement hybride : avenir de l’éducation ?

De quoi parle-t-on au juste lorsque l’on évoque un « enseignement hybride » ? Il ne faut pas confondre l’« enseignement hybride synchrone », évoqué récemment pour les cas où certains élèves seulement devraient suivre un cours depuis chez eux (les autres étant en classe), avec une définition plus générale : le fait de construire un enseignement pour partie en présentiel et pour partie en distanciel. Si, dans les deux cas, cela demande davantage de travail à l’enseignant, l’enseignement hybride synchrone est essentiellement vecteur de confusion (comment faire cours en même temps à des élèves en face de soi et à d’autres en ligne ?) tandis que l’enseignement hybride classique, lorsqu’il est pensé en amont, peut présenter des avantages.

Bien que la majorité du corps enseignant semble s’accorder à considérer les cours donnés en ligne comme moins indiqués pour transmettre des connaissances, le distanciel peut néanmoins s’avérer pertinent pour prolonger les cours donnés en présentiel. C’est le cas pour certaines disciplines dans lesquelles les enseignants peuvent renvoyer leurs élèves vers des ressources en ligne pour compléter leur enseignement.

Le ministère de l’Éducation nationale, lui, y voit un autre avantage : celui d’une gestion plus souple. Ainsi, dans la perspective de l’engagement 11 du Grenelle de l’éducation visant à assurer une meilleure continuité pédagogique, l’enseignement à distance pourrait venir pallier une absence de courte durée d’un professeur. Un autre exemple concerne les disciplines rares, comme certaines langues, où il est parfois difficile de trouver et de faire déplacer un enseignant : là aussi, le distanciel peut apporter une solution.

 

Pour les enseignantes et enseignants, flou et inquiétude

Pour autant, l’enseignement à distance continue de poser de nombreux problèmes qui sont loin d’être résolus en termes de protection des personnels d’éducation. On peut citer dans les grandes lignes :

  • les questions touchant aux droits des enseignants, qu’il s’agisse d’équipement, de formation, de droit à la déconnexion ou d’encadrement des horaires de travail ;
  • les problématiques plus générales telles que le droit à l’image, le respect de la vie privée, la protection des données ou celle contre le piratage ;
  • la gestion des cours eux-mêmes face aux incivilités constatées.

Si une partie de ces sujets a pu être abordée lors des États généraux du numérique, essentiellement du point de vue technique et concernant les outils, d’autres restent en revanche particulièrement sensibles et sans réponse. On peut citer à ce titre les relations avec les familles, génératrices de tensions plus fortes encore en distanciel : non seulement certains parents s’immiscent dans la pédagogie des enseignants (allant jusqu’à enregistrer leurs cours), mais leur comportement se transforme parfois en harcèlement avec des messages répétés sur les réseaux sociaux ou d’autres canaux, publics ou privés.

 

Une mission d’information parlementaire

C’est dans ce contexte de manque de protection et d’incertitude pour les personnels qu’a été lancée à la mi-juin une mission d’information parlementaire spécifique au sein de l’Assemblée nationale. Ses conclusions quant au « cadre de l’enseignement hybride et à distance » sont attendues le mois prochain, courant novembre.

S’il est trop tôt pour en connaître la teneur et savoir si la mission plaidera pour de simples préconisations ou pour une vraie réglementation, un vide réglementaire apparait néanmoins clairement quant au travail à distance des enseignants. Qu’il s’agisse du droit de la fonction publique ou du Code de l’éducation, les textes abordent très peu le sujet. Les parlementaires réfléchissent ainsi à compléter ce dernier par un cadre juridique spécifique.

 

L’ASL mobilisée pour protéger et réglementer

De son côté, L’Autonome de Solidarité Laïque (L’ASL) plaide clairement pour la définition d’un vrai cadre de protection juridique pour les enseignants, et plus largement l’ensemble des personnels d’éducation. Ce cadre de protection juridique doit venir compléter leurs droits, en particulier la déconnexion et les horaires de disponibilité, afin que tous ceux qui gravitent autour de l’École soient protégés, personnels autant qu’élèves.

Concrètement, cela pourrait prendre la forme d’une circulaire ou d’un avenant spécifique au règlement intérieur. L’objectif étant que tous les acteurs de la communauté éducative puissent trouver les repères et les limites à ne pas franchir : les personnels doivent notamment pouvoir bénéficier sans contestation de leur temps de déconnexion, et les parents doivent savoir par quel canal et sur quels horaires les solliciter.

Plus largement, L’ASL avait déjà soumis dans le cadre des États généraux du numérique les 6 grandes propositions suivantes visant à protéger les personnels :

  1. Créer un cadre de l’école du numérique
  2. Protéger les données personnelles des enseignants
  3. Protéger les personnels par le biais de la formation
  4. Mieux informer les personnels sur leur protection et leurs responsabilités
  5. Accompagner la redéfinition de la relation parents/enseignants
  6. Repenser le rôle de l’école dans la redéfinition du vivre-ensemble