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Entretien avec une ergonome Sorties scolaires : comment mieux prévenir les risques ?La souffrance, une maladie mentale ?

Parmi ces adhérents mutualistes figurent un certain nombre d’enseignants victimes de “burn out”, de troubles de l’adaptation avec manifestations anxieuses et dépressives ou de stress post-traumatique. « Je vois aussi des patients qui, en plus, ont des antécédents personnels de troubles psychopathologiques » explique le Dr Mario Horenstein. Il récuse le terme de “souffrance” qui ne correspond pas à une réalité psychiatrique.
« Il y a dans le monde du travail un certain nombre de facteurs de risques psychosociaux. Deux maladies découlent directement de ces facteurs de risque : les troubles de l’adaptation et l’état de stress post-traumatique ».
Mais le Dr Horenstein n’hésite pas à élargir les motifs de consultation médicale au “stress” et au “burn out”, mal traduits par “surmenage” dans la classification médicale. « Le “burn out” correspond à cette notion de fatigue, d’épuisement physique, d’épuisement émotionnel, de dévalorisation… ressentis par certains enseignants. La notion de “stress” en tant que perception du décalage entre nos ressources et les contraintes du travail peut aboutir à un certain nombre de manifestations, y compris physiques (insomnies, ulcère, migraines…), fréquentes chez les personnels de l’Éducation nationale ».
Dans son cabinet, le Dr Horenstein n’a pas constaté d’épidémie de consultations. Cependant, il constate que, face aux troubles du comportement ou de la personnalité observés chez des élèves de plus en plus agressifs, les enseignants chevronnés ont commencé, eux aussi, à avoir des problèmes avec les élèves.
« Face à la multiplication des gestions de conflits à répétition au sein de la classe, les enseignants finissent dans un état de “burn out”. Nous sommes alors dans le cadre du stress professionnel ».
Le Dr Mario Horenstein, tout comme son collègue, le Dr Richard Rechtman, médecin chef d’établissement à l’Institut Marcel-Rivière à La Verrière, dénonce un glissement sémantique. « Le mot “enseignant en difficulté” commence à évoluer doucement vers le mot “enseignant en souffrance” et de glisser vers “souffrance enseignante”. C’est une discrimination ! » tempête-t-il. « Aujourd’hui, la seule façon d’entendre la souffrance sociale des enseignants est de se réfugier derrière la souffrance psychique ».
« Le trouble psychique est audible, même s’il n’est pas si réel que cela… » renchérit le Dr Richard Rechtman. Selon lui le trouble psychique est le plus audible aujourd’hui, parce que c’est celui qui remet le moins en cause les rapports sociaux. « La souffrance va individualiser le problème sans remettre en cause les modalités d’organisation hiérarchique. Il faut sortir de l’individualisation de la souffrance psychique pour aller vers une recollectivisation des rapports sociaux ».
La psychiatrie n’est pas la fin du monde !
Interview du Dr Richard Rechtman
« Il n’y a pas de troubles spécifiques engendrés par le métier d’enseignant », estime le Dr Richard Rechtman, médecin chef d’établissement de l’institut Marcel-Rivière, à La Verrière dans les Yvelines.
« Mais c’est un métier exposé où ceux qui sont déjà vulnérables le seront encore plus s’ils souffrent de dépression, de troubles des conduites (alimentaire ou alcoolique) ou de troubles de la personnalité », autant de troubles classiques justifiant une hospitalisation à La Verrière. « Dans l’ensemble, on récupère des gens qui sont malades depuis trop longtemps. Ils sont hospitalisés pour des maladies certes sévères, mais dont le pronostic une fois traité est dix fois meilleur » ajoute-t-il, considérant que la pathologie mentale est une pathologie comme les autres. « La psychiatrie, ce n’est pas la fin du monde ! On soigne les gens et on les soigne bien ».
L’Iinstitut Marcel-Rivière est un hôpital psychiatrique appartenant à la MGEN dont une part de l’activité est réservée aux mutualistes, dont les enseignants.
Avec l’ouverture de l’hôpital au secteur, la proportion d’enseignants parmi les patients a baissé au fil du temps. Ils forment aujourd’hui beaucoup moins de la moitié des résidents des quatre pavillons disséminés dans le parc. « Ce qui nous a servi à soigner les enseignants nous sert aussi à soigner les autres patients » explique le Dr Rechtman. Établissement réputé pour sa psychothérapie institutionnelle, l’Institut Marcel Rivière vise à remettre le sujet dans une dimension relationnelle, en favorisant l’accès à la culture. Un théâtre et une bibliothèque, ainsi que de nombreuses activités artistiques à visée thérapeutique, permettent aux patients de renouer avec des valeurs collectives.