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Entretien avec une ergonome Sorties scolaires : comment mieux prévenir les risques ?Mieux connaître les dangers d’Internet, un avocat au collège

« Quel usage faites-vous d’Internet ? » Me Segard interroge du regard les dix-neuf délégués de classe, représentant les élèves de 4e et de 3e, réunis dans le CDI. L’assistance n’est pas encore très réactive. Me Segard insiste, demande aux élèves s’ils pensent à demander l’autorisation à leurs copains avant de mettre en ligne une photo d’eux, il parle de droit à l’image. L’étonnement se lit sur les visages des collégiens… « Internet n’est pas un média sur lequel on peut écrire n’importe quoi ! » explique l’avocat. « Sur Internet, comme dans la vraie vie, on doit s’abstenir de propos à caractère méprisant ou discriminant. C’est une faute, cela peut même constituer une infraction pénale ! Il faut tous avoir conscience de l’importance d’Internet comme moyen de communication et du mal qu’il peut causer à autrui.
Me Segard consulte alors le lourd volume rouge qu’il a posé sur la table, un Dalloz, et lit l’article 225-1 du Code Pénal, dans le chapitre des atteintes à la dignité de la personne. Impressionné, l’un des élèves interpelle Me Segard : « Monsieur, vous connaissez tout le Code Pénal ? ». Réponse de l’intéressé : « Ce qui est important, c’est de défendre les gens, pas de connaître le Code par cœur… »
Des délégués formés en début d’année
Tous les termes juridiques employés par Me Segard pendant son intervention seront repris et décryptés lors d’une prochaine séance de formation des délégués. « Nous prenons sur le temps du midi » précise Nora Amelin, professeur documentaliste, « pour retravailler avec les délégués sur les termes juridiques qu’ils auront notés au cours de l’intervention de Me Segard. Ils pourront ensuite restituer le contenu de la conférence aux autres élèves, au cours d’une heure de vie de classe. » Avec Corinne Decru, professeur d’EPS, Yasmina Koudri et Dalila Hamoudi, CPE, Nora Amelin est chargée chaque année de former les délégués de classe. Elles disposent pour cela de plusieurs outils : une journée de formation en début d’année, une assemblée générale au cours de laquelle ils posent des questions sur l’établissement et un cahier de délégué, remis à chaque délégué en début d’année. Ce sont ces quatre jeunes femmes qui ont demandé il y a deux ans à Dominique Lantiez, la principale du collège, d’organiser pour les délégués une séance avec Me Segard. Ce dernier était en effet déjà intervenu dans l’établissement pour informer les personnels sur leur responsabilité professionnelle, à l’initiative de l’Autonome de Solidarité Laïque du Nord. « Les deux heures d’intervention de Me Segard avaient alors semblé trop courtes, tellement il y avait de questions. »
La prévention porte ses fruits
Retour au CDI, où le groupe de délégués de 4e et des 3e a laissé la place à leurs homologues de 6e et de 5e. Le groupe est plus vif, plus réactif… « Je suppose que vous êtes tous utilisateurs d’Internet » lance Jean-François Segard. MSN, les blogs, Facebook, les adolescents qui lui font face sont presque nés dedans ! « Internet est entré dans nos vies et a des implications juridiques. C’est un nouveau moyen de communication qui peut comporter des obligations » précise Me Segard en guise d’entrée en matière. « Quand on écrit sur Internet, ce n’est pas réservé aux trois ou quatre meilleurs amis pour lesquels on écrit » poursuit-il avant d’évoquer le droit à l’image, la liberté d’expression et le secret des correspondances. « C’est à vous d’essayer de fixer des limites, en vous posant la question : Si c’était de moi que l’on parlait ainsi, est-ce que je l’accepterais ? » Jean-François Segard s’attarde sur la notion de préjudice, émaille son propos d’exemples concrets ou d’anecdotes. Il ne perd cependant pas de vue son propos initial et conclut son intervention par un message contre la violence.
L’intervention de Me Segard est l’un des maillons d’une politique de prévention entreprise depuis l’arrivée de Dominique Lantiez au Collège Mendès-France en 2007. Dans ce collège de 500 élèves classé Ambition Réussite, situé en plein cœur du quartier de La Marlière, et recrutant ses élèves dans la ZUP de La Bourgogne, cette politique commence à porter ses fruits. Une vingtaine de conseils de discipline ont eu lieu depuis le début de l’année, mais tous n’ont pas débouché sur une exclusion définitive sans sursis. « Les délégués savent désormais dire à l’un de leur camarade « Ne t’énerves pas maintenant contre le prof, on ira le voir après le cours ! » » se réjouit la principale. « Nous avons également mis en place un Intranet qui permet à chaque enseignant de signaler les incidents en deux catégories : Main Courante, traités par la vie scolaire ou Plainte, traités par moi ou mon adjoint. » Les résultats scolaires aussi suivent, puisque les élèves de Mendès-France sont ceux qui accusent le moins de baisse dans leurs notes en arrivant au Lycée Gambetta, le bon lycée de Tourcoing. Autant d’éléments positifs qui font dire avec confiance à Dominique Lantiez : « Nos élèves sont des élèves, pas des voyous. »