Quels sont les grands enseignements des études que vous avez menées sur les enseignants débutants du 2nd degré ?

Dès le milieu des années 90, j’ai réalisé pour la Direction de l’évaluation et de la prospective des enquêtes sur la formation et la prise de fonction des professeurs du 2nd degré. Pour cette catégorie, les conditions d’enseignement sont sensiblement différentes de celles du 1er degré. Dès les premiers travaux réalisés à partir d’enquêtes quantitatives et qualitatives, j’ai été frappé par les difficultés auxquelles sont fréquemment confrontés ces enseignants en termes d’autorité, de discipline et par conséquent de transmission.

Il est difficile pour ces enseignants débutants de faire autorité, car elle est souvent ébranlée par les élèves, et ils doivent faire preuve d’autorité. Se pose alors la question de ce qui fonde et légitime cette autorité, permet la construction d’un ordre scolaire nécessaire à l’accomplissement de sa fonction. Il ne faut pas oublier que la scolarisation est un enjeu de socialisation. Durkheim le disait : « la classe est une petite société ». Aujourd’hui, et la loi d’orientation de 1989 le soulignait, l’élève est « au centre ». Il est surtout moins disposé à se soumettre à l’autorité et au savoir, ou à l’autorité des savoirs. Le décrochage en classe est une forme passive de rejet d’un certain mode de transmission du savoir. Certains élèves vont plus loin, allant jusqu’à contester les contenus des savoirs.

 

Ces difficultés d’autorité et de transmission varient-elles en fonction des contextes d’enseignement ?

Bien sûr, ces difficultés rencontrées ne relèvent pas seulement du fait que ces enseignants sont débutants. Dans certains contextes d’enseignements, les publics et leurs difficultés créent une « situation d’empêchement d’enseigner ».

Des enseignants qui étaient pourtant très engagés au moment de la prise de fonction, font face à un souci de s’adapter aux élèves et de les motiver. Ils peuvent alors être gagnés par le découragement et un sentiment d’inefficacité. Ils avaient anticipé la difficulté face à aux élèves, mais lorsqu’il y en a trop, l’enseignant seul ne parvient pas à les surmonter.

C’est l’un des paradoxes du métier. Il est de plus en plus professionnalisé, comme c’était le cas avec l’IUFM et désormais avec la Mastérisation, mais il y a avec cette réforme un problème de préparation sur le terrain. Cependant ces enseignants qui donnent beaucoup sur le plan de l’investissement personnel, ont le sentiment d’obtenir peu en retour. L’enseignant peut alors se sentir isolé et seul face aux élèves, rendant les difficultés d’autant plus difficiles à surmonter.

 

Quels sont les soutiens vers lesquels ils se tournent ?

D’après plusieurs enquêtes qualitatives et des questionnaires, il semble que les soutiens qu’ils sollicitent ne viennent pas de l’institution, mais plutôt de leurs collègues. Il existe en quelque sorte des stratégies de « survie collective », notamment en fonction d’une proximité générationnelle.

En cas de difficultés, l’institution est rarement citée dans les ressources mobilisables. Face à cette «vacance institutionnelle », le développement d’équipes d’accompagnement pourrait être une solution. Il faudrait que les enseignants puissent avoir cette ressource disponible pour les écouter et les accompagner.

Ouvrage :
La socialisation professionnelle des enseignants du secondaire : parcours, expériences et épreuves – Codirection Pascal Guibert – Pierre Périer, Presses universitaires de Rennes.