Professeur d’EPS depuis une quinzaine d’années dans un lycée, Julien M. a récemment été confronté à une situation délicate concernant un élève transgenre. Il témoigne ici de l’accompagnement apporté par L’ASL et des solutions mises en place dans son établissement.

Depuis quand êtes-vous adhérent à L’ASL ? Et pourquoi avez-vous choisi d’adhérer ?

“ L’ ASL ne se limite pas aux problématiques juridiques (...). Il y a aussi un vrai soutien humain. ”

Je suis adhérent à L’ASL depuis un peu plus de 10 ans. J’ai connu l’association par un collègue qui était correspondant dans mon établissement. Ce qui m’a convaincu, c’est que L’ASL ne se limite pas aux problématiques juridiques ou disciplinaires. Il y a aussi un vrai soutien humain, un regard bienveillant sur notre métier. Je suis content de pouvoir compter sur une structure qui m’apporte des réponses concrètes, à la fois sur mes droits et sur la façon de gérer certaines situations complexes avec les élèves ou les familles.

Pouvez-vous nous parler de votre situation ?

“ J’ai été confronté à une situation assez sensible concernant un élève transgenre. (...) S’est posée la question des vestiaires et du barème d’EPS au baccalauréat. ”

L’année dernière, j’ai été confronté à une situation assez sensible concernant un élève transgenre, reconnu comme garçon dans son entourage et auprès de ses camarades, dont l’état civil n’a pas encore été modifié. Il est arrivé dans notre lycée dans la cadre de sa terminale. Son changement de prénom est officiel et mentionné sur sa carte d’identité, mais le sexe indiqué est toujours féminin. Sa mère a insisté dès le début de l’année pour que les équipes pédagogiques le genrent au masculin et utilisent son nouveau prénom. Sur Pronote, il est identifié comme garçon. Tout a été mis en place pour que cet élève soit reconnu dans sa nouvelle identité, à la fois de la part des élèves et des enseignants. Dans le cadre de mes cours d’EPS, plusieurs questions se sont posées. La première concernait les vestiaires. L’élève avait pris l’habitude d’arriver déjà en tenue de sport pour éviter le moment délicat des vestiaires. Mais ce n’est pas toujours évident de rester en tenue, surtout dans certaines disciplines dont l’activité est intense. Il faut bien se changer après. Il m’avait donc demandé de se changer dans les toilettes des garçons. Cela a provoqué des réactions virulentes de la part de trois élèves de seconde, qui l’ont forcé à sortir et l’ont insulté en raison de sa transidentité. Un témoin a alerté immédiatement à l’assistant d’éducation (AED, ndlr). Nous avons auditionné tous les élèves présents, et une procédure disciplinaire a été engagée contre les trois élèves auteurs d’insultes transphobes. Les parents d’un des élèves sanctionnés se sont montrés très agressifs et menaçants à mon égard, contestant la sanction jugée par eux trop sévère au regard des faits reprochés et m’accusant de partialité. Cet incident m’a questionné sur deux points : d’une part, que pouvais-je proposer à l’élève transgenre afin qu’il puisse se changer en sécurité tout en maintenant un cadre légal ? Et, d’autre part, comment gérer les tensions avec la famille d’un des élèves sanctionnés ? Les parents de l’élève transgenre m’avaient aussi demandé d’appliquer les barèmes féminins pour l’évaluer au baccalauréat, ce qui m’a mis dans une situation d’incertitude juridique. En bref, c’était une triple difficulté : respecter la demande de l’élève, maintenir un cadre légal et répondre fermement aux menaces de la famille de l’élève sanctionné.

À quel moment avez-vous pris contact avec votre délégation ? Quel a été l’accompagnement de L’ASL ?

“ Il m’a été très utile d’avoir à disposition un accompagnement qui couvre à la fois l’aspect humain et réglementaire. ”

Je les ai contactés à la suite des insultes et des menaces des parents de l’élève sanctionné. J’avais besoin d’éclaircissements sur la législation concernant les vestiaires et les barèmes, et d’être accompagné pour répondre aux parents. J’ai eu la collaboratrice technique qui a ouvert mon dossier et m’a proposé un rappel dans les jours suivants. J’ai été rappelé rapidement par la délégataire qui m’a conseillé d’utiliser un espace neutre pour que l’élève puisse se changer, comme l’infirmerie, ou encore de décaler les horaires de passage dans les vestiaires garçons, comme le préconise une circulaire.

Elle m’a également conseillé sur la marche à suivre face aux insultes des parents : faire convoquer les familles par la direction, et si besoin envoyer une lettre de mise en garde que L’ASL pouvait rédiger. Il m’a été très utile d’avoir à disposition un accompagnement qui couvre à la fois l’aspect humain et réglementaire.

Où en est votre dossier aujourd’hui ?

“ C’était la première fois que j’étais confronté à ce genre de situation, et je me sens beaucoup mieux armé pour y faire face à l’avenir. ”

Aujourd’hui, les choses se sont apaisées. Grâce aux propositions de L’ASL, on a pu mettre en place un fonctionnement qui respecte l’élève, l’infirmière ayant donné son accord pour qu’il se change à l’infirmerie. L’établissement a réagi fermement face aux insultes, et les familles concernées ont été reçues et rappelées à l’ordre par la direction. Une lettre de mise en garde a été rédigée par L’ASL à l’encontre de la famille qui m’avait menacé, ce qui a permis de leur faire prendre conscience que les insultes transphobes constituent un délit sanctionné et doivent, à l’école, faire l’objet d’un signalement et de sanctions appropriées. Mais aussi que leurs propres menaces envers moi pouvaient faire l’objet de poursuites. Cela a calmé la situation.

Concernant la question des barèmes, la délégation de L’ASL m’a donné des éléments juridiques précis. En effet, selon le cadre légal, les enseignants sont libres dans leur évaluation, les compétences attendues étant souvent transversales. Prendre en compte le genre n’est pas obligatoire. La circulaire de 2021 précise que l’accompagnement éducatif et pédagogique doit être individualisé. Certaines académies ont publié des guides d’accueil des élèves transgenres, qui contiennent entre autres des recommandations pour adapter les évaluations. Je m’en suis inspiré pour adapter les barèmes. Le ministère n’impose pas encore de cadre national standardisé pour les barèmes EPS dans le cas des élèves transgenres, mais il encourage l’adaptation individuelle.
C’était la première fois que j’étais confronté à ce genre de situation, et je me sens mieux armé pour y faire face à l’avenir. L’ASL m’a parlé d’une formation sur le sujet des transidentités. Je trouve que c’est important de former les personnels à ces thèmes. C’est dans ce genre de moments qu’on mesure vraiment l’importance d’avoir une structure comme L’ASL à ses côtés pour avoir, dans un premier temps, des renseignements et un accompagnement, si besoin.

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