En quoi consiste votre métier et quelles sont les principales missions d’un professeur documentaliste ?

Le métier de professeur-documentaliste est régi par une circulaire de mission, actualisée en 2017, qui fixe trois grandes priorités liées à la culture de l’information. Il est ainsi en charge de l’EMI (éducation aux médias et à l’information), c’est-à-dire l’éducation à la recherche de documents, d’informations, à l’analyse des médias et du discours médiatique… Il a une mission d’ouverture de l’établissement sur son environnement éducatif, culturel et professionnel avec notamment l’organisation d’évènements ou d’expositions, la mise en place de partenariats. Il participe enfin à l’information sur l’orientation et s’occupe de l’organisation des ressources pédagogiques avec la gestion du CDI : commandes, mise en rayon, prêts, gestion de la base documentaire… À cela, s’ajoute l’idée de donner le goût de la lecture aux élèves notamment par la valorisation du fonds documentaire.

Toutes ces missions sont guidées et portées par ce qu’on appelle la politique documentaire.

Comment travaillez-vous avec les enseignants et les autres personnels de l’éducation ?

Afin justement de pouvoir décliner cette politique documentaire, je travaille en étroite collaboration avec les enseignants de discipline, le plus souvent avec les professeurs d’histoire-géographie ou de français.

En effet, sur les 30 heures de présence dans l’établissement, il m’est possible d’inscrire des heures régulières d’enseignement effectuées par demi-classes. Par exemple, cette année, j’ai pris en charge une classe « médias » qui me permet de travailler avec les élèves sur la production et l’analyse de médias avec la réalisation de reportages audios, photos, écrits…

Nous pouvons également, avec les enseignants de discipline, co-construire, co-animer et co-évaluer des ateliers et séquences. Les professeurs réservent alors le CDI avec leur classe pour que cette séance soit dispensée.

Enfin, je collabore avec le CPE, principalement pour organiser la formation des élèves délégués.

Qu’appréciez-vous dans votre métier et à l’inverse quelles sont les difficultés spécifiques ?

Ce que je trouve le plus appréciable est la liberté pédagogique inhérente à la fonction. Bien qu’il y ait un cadre dans lequel le travail doit s’inscrire, nous avons, en tant que professeur-documentaliste, le choix des outils à utiliser pour nos missions.

J’apprécie aussi énormément la diversité des tâches que l’on peut avoir. Une journée peut être consacrée par exemple à l’enseignement et à l’inverse, d’autres jours, la majorité du temps sera consacré à la gestion du fonds ou à la mise en place d’outils spécifiques. Chaque jour est donc différent.

Concernant les difficultés spécifiques, elles peuvent être de plusieurs ordres. La première concerne la mission d’EMI dont nous avons la charge. Celle-ci doit être traitée dans les programmes par l’ensemble des disciplines. Dans les faits, nous sommes souvent les seuls à la traiter sans pour autant avoir de créneaux attribués pour le faire. Il est donc nécessaire de négocier avec les enseignants pour bénéficier de leur quota d’heures. Comme les emplois du temps sont assez serrés, cela peut parfois être difficile.

La particularité de notre métier est aussi que nous n’avons pas d’homologue dans l’établissement, nous sommes seuls face aux problèmes que nous rencontrons au quotidien. Cela peut donc générer une certaine forme de stress.

Enfin, on peut croire que le métier est plus facile car nous ne gérons pas officiellement de classe à temps plein. En réalité, nous pouvons être amenés à gérer dans la journée un nombre d’élèves très important entre les cours dispensés, les séquences organisées et la permanence du CDI. La gestion du temps peut s’avérer assez compliquée parfois.

Y a-t-il également des risques spécifiques liés à l’exercice de votre métier ?

Comme pour les autres enseignants, il peut, en effet, y avoir des conflits avec les élèves ou les parents.

Concernant les élèves, il s’agit plutôt de risques de dérive. Par exemple, des élèves qui, lors de l’utilisation des ordinateurs du CDI, tentent de consulter certains sites internet. Malgré les différentes protections et pare-feux, une vigilance est toujours nécessaire.

Dans le rapport avec les parents, puisque nous faisons partie de l’équipe éducative, nous pouvons avoir des échanges avec eux, que ce soit dans le cadre de l’élaboration de projets pédagogiques ou encore de signalement de problèmes de comportement de l’élève au sein du CDI. Cependant, ce type de conflit est tout de même assez rare.

En tant que formateur académique, pensez-vous que la formation initiale réponde aux besoins des stagiaires et soit suffisante pour l’entrée dans le métier ?

Bien que les moyens ne soient plus les mêmes depuis quelques années, la formation initiale reste, à mon avis, d’une grande qualité. C’est d’ailleurs le retour que peuvent me faire les stagiaires lorsque je les revois sur le terrain. Pour autant, il serait illusoire de penser qu’elle est suffisante pour accompagner correctement les stagiaires dans l’entrée du métier, elle se doit d’être complétée par de la formation continue. C’est d’ailleurs clairement intégré par l’Éducation nationale qui privilégie la logique de formation tout au long de la vie (FTLV). Il faut donc voir le processus comme quelque chose d’évolutif.

Par ailleurs, les problèmes que peuvent rencontrer les stagiaires en responsabilité dans les établissements ne peuvent être réglés par la formation initiale. Contrairement aux autres enseignants, ils n’ont pas d’homologues pour les aiguiller et partager leur expérience durant cette première année. Leur tuteur n’est pas non plus dans le même établissement. Dans ces cas, le règlement se fait différemment : par un coup de téléphone, l’organisation d’une visite…

Selon vous, que peut apporter L’ASL pour la profession ?

Dans L’Autonome de Solidarité Laïque, il y a la valeur de solidarité et les dimensions militante et solidaire qui ont de l’importance dans nos métiers. Chacun de nous sait qu’il pourra être un jour confronté à des difficultés ou des conflits et que l’impact psychologique peut être grave. C’est pourquoi, adhérer à L’ASL me paraît avoir du sens. Il s’agit, d’une part, d’une précaution qui me permettra, si j’en ai un jour besoin, d’avoir accès à des informations et conseils d’ordre juridique et, d’autre part, de savoir que je cotise aussi pour que des collègues puissent être accompagnés en cas de difficulté.

Par ailleurs, connaître les différentes règles juridiques, savoir ce que l’on peut faire ou pas, est d’une importance capitale dans mon métier, notamment dans la préparation des outils pédagogiques : puis-je, par exemple, insérer une image qui n’est pas libre de droits, quels sont les droits d’auteur et qu’impliquent-ils dans l’élaboration de mes modules… Je constate pourtant que beaucoup de mes collègues ne sont pas du tout formés à ces questions. Aussi, plus ils seront formés sur leur environnement juridique, mieux ils seront armés. Sans doute seront-ils également plus aptes à dialoguer et affronter les conflits avec les familles. En cela, L’ASL peut être d’un grand soutien.