École inclusive, un parcours encore en construction

L’objectif des derniers dispositifs de l’école inclusive ? Que l’enfant en situation de handicap puisse être scolarisé au maximum en milieu ordinaire et dans un établissement proche de son domicile. Malgré la loi de 2005 et l’affirmation de ce droit, les barrières ont perduré. « Il n’était pas rare que l’attente soit longue lorsque l’enfant avait besoin qu’on lui attribue une personne pour l’assister en cours, même après la notification d’aide de la MDPH (maison départementale des personnes handicapées) », confirme Stéphane Delas, chef d’établissement d’un lycée professionnel dans les Hautes-Pyrénées.

Aujourd’hui encore, tout n’est pas rose et l’on manque régulièrement de personnels compétents et qualifiés pour assister les élèves porteurs de handicap, notamment au collège : « À notre niveau, nous mettons en place des partenariats pour éviter cela au maximum, mais en règle générale nous sommes encore trop souvent contraints d’orienter par défaut les jeunes en situation de handicap vers la voie professionnelle », regrette Bertrand Cahu, professeur d’ULIS (unité localisée pour l’inclusion scolaire) d’un collège du Calvados.

 

La formation des enseignants en question

Parmi les sujets qui reviennent lorsque l’on parle d’améliorer l’accueil de ces élèves à l’école, il y a la question de la formation des enseignants. « Pour les accueillir le mieux possible en milieu ordinaire, il est important que les personnels éducatifs se sentent aptes et en confiance », insiste Stéphane Delas.

Pour répondre à cette exigence, il est prévu, à la rentrée 2021, qu’un module de 25 heures soit spécifiquement consacré à ce sujet dans la formation initiale des enseignants mais aussi dans certains plans académiques de formation. Toutefois ces dispositifs, pas entièrement nouveaux et parfois très théoriques, ne résolvent pas tout.

« À titre personnel, en tant que chef d’établissement, j’essaye de choisir pour nos formations des professionnels locaux et qui ont une forte expérience de terrain », explique Stéphane Delas. « Nous agissons d’ailleurs de la même manière lorsque nous préparons nos formations ASL, avec une attention particulière à la qualité des formateurs », ajoute celui qui est également délégataire et administrateur national de L’ASL.

 

Plus de souplesse et une meilleure coordination avec les PIAL

Outre la promesse de formation, la loi pour une école de la confiance est porteuse d’un certain nombre d’autres avancées, comme un service « école inclusive » dans chaque département, véritable guichet unique qui centralise pour les familles les démarches liées au handicap et à la scolarité.

Mais l’apport le plus marquant est sans doute la création des PIAL. Réunissant plusieurs établissements, l’objectif premier de ces pôles est de permettre une meilleure coordination pour affecter les AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) de manière plus pertinente. « On essaye ainsi de coller au plus près au projet éducatif de chaque élève, en identifiant les compétences sur lesquelles il doit progresser et en lui faisant bénéficier de la juste présence », explique Bertrand Cahu, lui-même coordinateur du PIAL dont fait partie son établissement.

Là où il n’était auparavant pas rare qu’un AESH (anciennement AVS) s’occupe d’un seul et unique élève, sa fonction est dorénavant le plus souvent mutualisée. « Comme les PIAL regroupent en théorie des établissements proches géographiquement, les AESH peuvent intervenir auprès de plusieurs élèves dans la semaine voire dans la journée, selon les besoins identifiés pour chacun », pointe Bertrand Cahu.

 

Des AESH valorisés et mieux intégrés

Désormais membres à part entière de la communauté éducative, les AESH voient leur apport reconnu. « On se concerte avec eux, parfois de façon informelle à la fin des journées, pour discuter des progrès des élèves. Nous avons aussi des réunions plus officielles en début et en fin d’année. C’est un métier particulier : vous êtes là pour aider l’élève à gagner en autonomie et pour qu’au final il n’ait plus besoin de vous », commente Bertrand Cahu.

Les AESH voient aussi leur statut progresser. D’abord, au niveau de la formation : « Ils doivent dorénavant disposer au moins du baccalauréat, et bénéficient à leur arrivée d’un module de 60 heures de formation continue », indique Stéphane Delas. L’autre point positif, c’est la forme de leur contrat qui tend vers plus de stabilité avec un CDD qui passe de un à trois ans, et la perspective d’un CDI après six ans. « On aimerait toutefois aller vers des emplois à temps plein, puisque aujourd’hui la plupart des AESH ne travaillent que 24 heures par semaine », regrette Stéphane Delas.

 

Une question de culture et de regard

La question des moyens et des dispositifs reste dans bien des cas un obstacle majeur à une école véritablement inclusive. Mais un point semble faire consensus : l’importance du regard et de l’engagement des équipes éducatives. « Nous tenons à mettre nos élèves d’ULIS au cœur de l’établissement. Nous mettons en avant leurs productions dans les couloirs, profitons des différents temps scolaires pour les intégrer au maximum… », insiste Bertrand Cahu.

Stéphane Delas abonde : « Nous veillons à valoriser nos élèves porteurs de handicap, y compris sur nos comptes de réseaux sociaux. Cela marche : enfants, parents, enseignants… tout le monde est très fier du travail accompli ensemble. Aujourd’hui, c’est une vraie culture d’établissement et on ne laisse passer aucun comportement déplacé. »

Changer de regard sur le handicap, pour voir non pas ce que ces élèves ne peuvent pas faire, mais au contraire ce qu’ils savent faire ? C’est en substance ce que propose Bertrand Cahu : « Je me souviens de cet élève porteur d’un handicap que nous avions intégré à l’équipe UNSS de rugby. Un sportif, très carré, qui forçait l’admiration des autres enfants. Ça a tout de suite changé leur regard, ce n’était plus “le pauvre petit handicapé”, mais un élève comme les autres, reconnu pour sa compétence. »

 

Des marges de progression, et un rôle pour L’ASL

Il reste néanmoins toujours d’importantes marges de progression. Parmi celles-ci, Stéphane Delas souligne la charge importante qui pèse aujourd’hui sur les coordinateurs des PIAL lorsqu’ils doivent non seulement gérer de nombreux AESH mais aussi assurer leur fonction d’enseignant. « Ils ont besoin d’un vrai soutien. Dans mon établissement, nous faisons des expérimentations pour les décharger et faire le plus possible de la coordination du PIAL une fonction à part entière », plaide-t-il.

Enfin, l’inclusion en milieu scolaire engendre son lot d’incompréhensions et de conflictualités, notamment entre collègues. Parfois, certains enseignants ont le sentiment de s’investir plus que d’autres dans le projet scolaire d’un élève en situation de handicap, « ce qui peut créer une forme de rivalité et certains reproches », explique Stéphane Delas. « Dans ce cas, L’ASL peut apporter une aide sous forme de médiation pour renouer le dialogue, dissiper les malentendus, et montrer que chacun veut avant tout bien faire », conclut-il.