Selon vous, quelles sont les problématiques en lien avec l’autorité parentale dans les établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) ?

« La première [problématique] que l’on rencontre concerne l’inscription de l’enfant : on va chercher à savoir si les parents sont tous deux titulaires de l’autorité parentale. […] Les autres problématiques rencontrées concernent les situations de conflit entre les deux parents qui vont amener au sein de la structure leurs désaccords sur l’organisation de la vie de l’enfant. »

La première que l’on rencontre concerne l’inscription de l’enfant : on va chercher à savoir si les parents sont tous deux titulaires de l’autorité parentale. Cela se vérifie via le livret de famille. La plupart des enfants, du moment où ils sont reconnus par leurs deux parents, disposent d’une autorité parentale conjointe. La question qui se pose ensuite : l’inscription relève-t-elle d’un acte usuel ou non usuel ? L’acte usuel organise la vie de l’enfant, mais n’impacte pas son devenir. Dans ce cas de figure, une seule signature suffit. L’acte non usuel modifie l’avenir de l’enfant, on exige alors la signature des deux parents. Pour savoir, on se réfère à la jurisprudence. En matière scolaire, elle est très claire, par exemple, le choix d’un établissement privé relève du non usuel. Pour plus de sécurité juridique, on considère de la même façon l’inscription en crèche comme un acte non usuel, et on demande la signature des deux parents.

Les autres problématiques rencontrées concernent les situations de conflit entre les deux parents qui vont amener au sein de la structure leurs désaccords sur l’organisation de la vie de l’enfant. Cela va du refus d’un parent de le confier à l’autre parent (par exemple dans un contexte de violence conjugale ou de très gros conflit) au refus d’inscription dans la structure ou encore au refus que l’enfant soit raccompagné par le nouveau compagnon ou la nouvelle compagne de l’autre parent.

 

Quelles sont les obligations d’un EAJE vis-à-vis de l’autorité parentale ?

« Il faut se référer à la définition même de l’autorité parentale et replacer les parents dans leurs obligations vis-à-vis de l’enfant, bien remettre l’enfant au centre des préoccupations. »

Il faut se référer à la définition même de l’autorité parentale et replacer les parents dans leurs obligations vis-à-vis de l’enfant, bien remettre l’enfant au centre des préoccupations, rappeler qu’il est important que les parents puissent communiquer pour prendre les décisions nécessaires à son éducation, son développement.

La réforme des modes d’accueil a modifié les missions des EAJE. On parle aujourd’hui d’un vrai rôle d’accompagnement à la parentalité concernant toutes les questions liées à l’éducation et au développement de l’enfant.

En cas de conflit, il faut avoir à l’esprit que L’EAJE n’est pas un lieu de médiation. Si le conflit semble insoluble par le dialogue, il va être géré par la direction.

À chaque fois, il ne faut pas hésiter à renvoyer les parents devant le Juge aux affaires familiales (JAF) pour trancher leur conflit.

 

Pour quels actes y a-t-il obligation d’information et/ou obligation d’autorisation ?

« Tout ce qui est prévu dans le règlement de fonctionnement de l’établissement ne requiert pas d’autorisation spécifique et va aussi s’imposer aux parents. »

De manière générale, il faut comprendre que tout ce qui est prévu dans le règlement de fonctionnement de l’établissement ne requiert pas d’autorisation spécifique et va aussi s’imposer aux parents. Au moment de l’admission, le parent accepte le mode de fonctionnement de la structure. A contrario, tout ce qui n’a pas été prévu dans le cadre du règlement devrait faire l’objet d’une autorisation. Imaginons par exemple une sortie au parc : l’établissement a l’obligation d’informer les parents de celle-ci, mais n’a pas besoin d’autorisation spécifique. Lorsqu’ils confient leur enfant à la structure, les parents acceptent de facto l’organisation prévue dans le cadre du projet de l’établissement.

 

Un professionnel de crèche est-il tenu absolument de suivre les consignes parentales ? Quelles sont les limites, finalement, de l’autorité parentale ? Pouvez-vous nous donner des exemples ?

« C’est le projet éducatif qui va définir les modalités d’accueil de l’enfant, pas les consignes des parents. […] La limite, c’est le risque encouru par l’enfant. »

Le terme « consignes parentales » s’accorde mal selon moi aux modes d’accueil de la petite enfance. C’est le projet éducatif qui va définir les modalités d’accueil de l’enfant, pas les consignes des parents. Le Code de l’action sociale et des familles prévoit que les modes d’accueil de la petite enfance « contribuent à l’éducation des enfants accueillis dans le respect de l’autorité parentale. »

Le projet de l’établissement et le règlement de fonctionnement définissent les modalités d’accueil et les parents les acceptent au moment de l’admission.

Bien évidemment, pendant l’adaptation, les parents vont échanger avec les professionnels autour des besoins de leur enfant et comment la collectivité y répondra.

Tout ce qui est en lien avec des spécificités en matière de santé pourra faire l’objet d’une adaptation en fonction des besoins de l’enfant, mais elle se fera dans le cadre d’un PAI (projet d’accueil individualisé, ndlr).

La limite, c’est le risque encouru par l’enfant. Par exemple, un t-shirt doudou, une barrette, des boucles d’oreilles ou un collier, autant d’objets pouvant exposer l’enfant ou les autres enfants à des risques, seront proscrits quelle que soit la « consigne » du ou des parent(s).

Autre exemple : des parents dont l’enfant a des problèmes d’endormissement le soir qui demanderaient que l’enfant soit réveillé dans l’après-midi. Le professionnel ne se conformera pas à cette demande non respectueuse du rythme de l’enfant. Mais cela doit faire l’objet d’un accompagnement à la parentalité. Le professionnel doit être en capacité de donner des pistes pour résoudre le problème, tout en faisant comprendre que si l’enfant dort l’après-midi, c’est qu’il en a besoin.

L’enfant est au cœur des préoccupations du professionnel qui a une responsabilité à rappeler les bonnes pratiques et à communiquer sur l’état de la connaissance actuelle concernant le développement de l’enfant.

 

Quels sont ses recours en ce cas ?

« En cas de conflit, le professionnel a l’obligation de mettre en place un dialogue qui revient sur les raisons du refus. […] Si les parents persistent, en cas d’injonction, il est possible de rompre le contrat d’accueil. »

En cas de conflit, le professionnel a l’obligation de mettre en place un dialogue qui revient sur les raisons du refus. Suivant l’organisation, il peut offrir aux parents la possibilité de rencontrer la psychologue, le référent santé et accueil inclusif (anciennement médecin de crèche), et d’échanger avec l’équipe disciplinaire.

Si les parents persistent, en cas d’injonction, il est possible de rompre le contrat d’accueil. La structure ne doit pas se conformer aux demandes de parents qui seraient contraires aux données de la science en termes de développement et de sécurité de l’enfant.

Par exemple, même si un enfant s’endort sur le ventre à la maison, en aucun cas le professionnel ne doit accepter la demande du parent de faire de même lors de la sieste en crèche, alors que la science en l’état actuel indique que cette position peut être responsable de mort subite. Il engagerait sa responsabilité. On constate de nombreux cas d’assistantes maternelles qui se sont conformées aux demandes des parents et qui ont été condamnées pour homicide involontaire suite au décès de l’enfant couché dans cette position.

 

Dans le cadre d’une séparation, quels sont les éléments et documents indispensables à l’organisation de l’accueil de l’enfant et à sa prise en charge dans de bonnes conditions ?

« La séparation est sans incidence sur la dévolution de l’autorité parentale. Les parents restent un couple parental et sont tenus aux mêmes obligations. »

Aucun. La séparation est sans incidence sur la dévolution de l’autorité parentale. Les parents restent un couple parental et sont tenus aux mêmes obligations.

Il est rare qu’il y ait un seul titulaire de l’autorité parentale, car l’intérêt de l’enfant est d’être éduqué par ses deux parents.

Si l’enfant a sa résidence principale chez un parent, c’est souvent ce dernier qui signera le contrat. Mais aujourd’hui, on retrouve beaucoup de cas de résidence alternée. Il est préférable de conclure un contrat avec chacun des parents. Et toujours avoir en tête que même lorsque le parent « n’est pas dans sa semaine », il reste titulaire de l’autorité parentale en continu, et peut donc venir chercher l’enfant si l’autre parent, que l’on aura contacté, donne son accord.

Tant que l’autorité parentale est conjointe, il n’y a pas besoin de documents particuliers.

En revanche, dans le cas où un seul parent est titulaire de l’autorité, il est nécessaire d’obtenir l’extrait du jugement du JAF.

 

Et en cas de conflit, quel rôle pour le professionnel de la petite enfance ? Quelle attitude adopter ?

« La place du professionnel sera de dire que l’intérêt de l’enfant doit primer, que cette obligation va perdurer jusqu’à la majorité de l’enfant, et même au-delà, jusqu’à son indépendance. »

On est dans le rôle d’accompagnant à la parentalité. La place du professionnel sera de dire que l’intérêt de l’enfant doit primer, que cette obligation va perdurer jusqu’à la majorité de l’enfant, et même au-delà, jusqu’à son indépendance. Les parents ont tous deux des obligations éducatives.

La manière d’aborder l’autorité parentale a évolué en même temps que la société. Historiquement, le droit civil, qui trouve son origine dans la Rome antique, disait que le père avait le droit de vie et de mort sur sa famille. Jusqu’en 1970, l’autorité à l’égard de l’enfant était confiée uniquement au père. Les années 1970-1980, avec l’explosion du nombre de divorces et de familles hors mariage, ont abouti à des situations où ce sont les mères qui exercent seules les responsabilités éducatives à l’égard de leur enfant. En effet, le droit civil prévoyait à cette époque qu’en cas de divorce l’autorité parentale soit confiée au parent qui avait la résidence principale. De la même manière, pour les naissances hors mariage, il fallait que le père fasse une demande spécifique pour être titulaire de l’autorité parentale aux côtés de la mère. Dans les années 1990, on fait machine arrière. Le divorce devient sans incidence sur la dévolution de l’autorité parentale et, par strate, jusque dans les années 2000, on met en place l’autorité parentale conjointe quasi systématiquement. Aujourd’hui, il y a vraiment un distinguo entre le couple conjugal et le couple parental. Quand le couple conjugal n’existe plus, le couple parental perdure.

 

Comment gérer la situation lorsqu’une décision d’un Juge aux affaires familiales (JAF) a été rendue et que l’un des parents se voit retirer l’autorité parentale ? Le professionnel de crèche doit-il systématiquement faire référence au jugement ?

« La responsabilité de la structure est alors de transmettre l’information au professionnel. »

Le parent titulaire de l’autorité parentale doit en informer la structure.

La responsabilité de la structure est alors de transmettre l’information au professionnel que l’enfant ne pourra pas repartir avec l’autre parent.

 

Que risque un professionnel de la petite enfance qui ferait fi d’un jugement ?

« [Si] la structure a mal organisé la transmission de l’information, elle est dans ce cas responsable. »

Soit la structure a mal organisé la transmission de l’information, et elle est dans ce cas responsable.

Soit on constate une faute du professionnel qui risque la sanction disciplinaire. Mais c’est une situation assez improbable. Les professionnels font très attention, et une structure où la communication est bonne n’engendre pas ce type de problème.

 

Existe-t-il une ou des formation(s) pour les professionnels de la petite enfance sur ce sujet de l’autorité parentale ? Si oui, sont-elles obligatoires ? Sinon, quels seraient les besoins des professionnels selon vous ?

« Dans les formations initiales EJE, une partie du programme de droit civil aborde l’autorité parentale. Mais la formation initiale doit être complétée continuellement avec les évolutions de la société. Il faut arriver à discuter avec les professionnels des situations qu’ils rencontrent. »

Dans les formations initiales éducateurs de jeunes enfants (EJE), une partie du programme de droit civil aborde l’autorité parentale.

En pratique dans les EAJE, c’est plus souvent sous l’appellation « la relation avec les familles » que cet aspect est évoqué.

Aujourd’hui, il y a une meilleure information des professionnels sur les cas de séparation, et de moins en moins de structures se sentent légitimes à refuser à un père de chercher son enfant, par exemple lorsque les parents sont en cours de séparation.

Mais la formation initiale doit être complétée continuellement avec les évolutions de la société. Il faut arriver à discuter avec les professionnels des situations qu’ils rencontrent. Travailler sur l’accompagnement à la parentalité, c’est être au clair sur les droits et obligations de chacun.

Dans le secteur de la petite enfance, il n’y a pas d’obligation quantifiée de se former. Chaque structure a un projet d’établissement qui décline le projet de formation continue des professionnels. Mais toutes les structures n’ont pas encore des plans de formation continue extrêmement formalisés.