Le délit de mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle est un volet pénal complémentaire aux attaques en ligne contre les personnels de l’Éducation. Il a été créé par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 à la suite du drame de l’assassinat du professeur Samuel Paty.
La pratique de divulguer des données personnelles mettant en danger la vie d’autrui dans l’intention de nuire, communément appelée « doxxing », est un délit pénal.
Ce délit est défini à l’article 223-1-1 du Code pénal comme étant : « Le fait de révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser aux fins de l’exposer ou d’exposer les membres de sa famille à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens que l’auteur ne pouvait ignorer. »
Pour que le délit soit constitué, il est nécessaire de réunir les éléments suivants :
- un acte consistant à révéler, diffuser ou transmettre des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne ;
- des informations qui doivent permettre d’identifier ou de localiser cette personne ou les membres de sa famille ;
- un acte qui doit avoir pour finalité d’exposer la victime ou ses proches à un risque direct d’atteinte à leur intégrité physique, psychique ou à leurs biens. Ce dernier point est d’ailleurs important, car il doit être démontré que l’auteur de l’infraction a agi intentionnellement, c’est-à-dire avec la volonté que son acte expose la victime ou ses proches à un risque direct, ce qui n’est pas toujours simple à démontrer devant la juridiction.
La sanction encourue pour ce délit est de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
Contrairement à l’infraction de harcèlement en ligne, on observe que les peines sont aggravées lorsque les faits sont commis au préjudice d’une personne chargée d’une mission de service public, puisqu’elles sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende.
Certaines pratiques associées au harcèlement en ligne peuvent également relever d’autres infractions, telles que l’atteinte à la vie privée (article 226-1 et suivants du Code pénal), qui réprime l’enregistrement, la conservation ou la diffusion d’informations touchant à la vie privée d’autrui sans consentement, mais aussi l’infraction de provocation publique à la commission de crimes ou de délits (article 24 de la loi du 29 juillet 1881), notamment lorsque la diffusion vise à inciter à des actes violents contre le personnel – ce qui fut récemment le cas du proviseur du lycée parisien Maurice-Ravel, victime d’un véritable « déchainement » contre lui sur le réseau X.
La loi SREN du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique : un renforcement de la protection des personnels
“ La loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique, dite loi SREN, marque un tournant dans la régulation de l’espace numérique français et dans la lutte contre les violences en ligne. ”
La loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique, dite loi SREN, marque un tournant dans la régulation de l’espace numérique français et dans la lutte contre les violences en ligne.
La loi « visant à sécuriser et réguler l’espace numérique » (SREN) entend « restaurer la confiance nécessaire au succès de la transition numérique » en installant une cybersécurité anti-arnaque, en durcissant les sanctions contre le cyberharcèlement, en restreignant l’accès aux sites pornographiques et en intensifiant la lutte contre la désinformation et les ingérences étrangères. Parmi le dispositif mis en place, certaines actions sont de nature à mieux protéger les personnels d’éducation.
Lutter contre les arnaques
La loi SREN déploie un « filtre de cybersécurité anti-arnaque » destiné à protéger contre les accès frauduleux aux coordonnées personnelles. Ce dispositif, qui doit être précisé par décret, permettra aux personnes qui reçoivent un SMS ou un courriel frauduleux d’être alertées dès qu’elles se dirigent vers un site malveillant.
Ce filtre pourra constituer un outil supplémentaire au service des personnels victimes d’hameçonnage et d’usurpation d’identité.
Renforcer la répression des violences numériques
Le texte renforce « les sanctions contre le cyberharcèlement », ce qui favorise une meilleure réponse pénale lorsque des personnels sont pris pour cible en ligne.
Les juridictions peuvent désormais condamner l’auteur à une peine complémentaire de suspension, ou « peine de bannissement », des réseaux sociaux pour six mois – un an en cas de récidive. Le réseau social s’expose quant à lui à une peine d’amende de 75 000 € s’il ne procède pas au blocage du compte suspendu. Par ailleurs, cette peine peut également être prononcée comme alternative aux poursuites.
En outre, la loi SREN vient accroitre la répression des « deepfakes » (images ou paroles générées par l’intelligence artificielle) pouvant servir à diffamer, humilier ou usurper l’identité des personnes, notamment des personnels de l’Éducation nationale.
La loi crée de nouvelles incriminations à l’article 226-8 et l’article 226-8-1 du Code pénal.
Ainsi, l’article 226-8 du Code pénal prévoit une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende à l’encontre de celui qui « fait porter à la connaissance du public ou d’un tiers, par quelque voie que ce soit, le montage réalisé avec les paroles ou l’image d’une personne sans son consentement, s’il n’apparaît pas à l’évidence qu’il s’agit d’un montage ou s’il n’en est pas expressément fait mention. »
Par ailleurs, est assimilé à cette infraction et puni des mêmes peines « le fait de porter à la connaissance du public ou d’un tiers, par quelque voie que ce soit, un contenu visuel ou sonore généré par un traitement algorithmique et représentant l’image ou les paroles d’une personne, sans son consentement, s’il n’apparaît pas à l’évidence qu’il s’agit d’un contenu généré algorithmiquement ou s’il n’en est pas expressément fait mention. »
Ces peines sont portées à « deux ans d’emprisonnement et à 45 000 € d’amende lorsque les délits prévus au présent article ont été réalisés en utilisant un service de communication au public en ligne. »
Des peines plus sévères sont prévues à l’article 226-8-1 du Code pénal pour les montages à caractère sexuel.
Enfin, le texte crée le délit d’« outrage public en ligne », réprimant la diffusion de contenus portant atteinte à la dignité ou créant une situation intimidante, hostile ou offensante à l’encontre d’une personne ; la peine prévue est d’un an d’emprisonnement de 3 750 € d’amende.
Toutefois, après avoir été saisi par un groupe de parlementaires, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2024-866 DC du 17 mai 2024, a censuré la création du délit d’outrage en ligne.
Les membres du Conseil ont en effet considéré que la conciliation opérée par la loi SREN entre la liberté d’expression et de communication et la protection des droits des tiers n’était ni adaptée ni proportionnée à l’objectif poursuivi.
Des formations de sensibilisation dans les établissements scolaires
La loi SREN prévoit en outre un dispositif de sensibilisation destiné notamment aux collégiens sur des sujets tels que l’intelligence artificielle, ainsi que les risques liés aux outils numériques et aux contenus générés par l’intelligence artificielle et la lutte contre la désinformation.
Les personnels pourront également bénéficier d’une attestation de leurs compétences numériques professionnelles.
Une information annuelle sur l’apprentissage de la citoyenneté numérique sera également dispensée, au début de chaque année scolaire, aux représentants légaux des élèves par un membre de l’équipe pédagogique.
Enfin, la loi SREN prévoit que la formation comporte une sensibilisation à la citoyenneté numérique, aux droits et aux devoirs liés à l’utilisation d’internet et des réseaux sociaux, à la prévention des cyberviolences sexistes et sexuelles, ainsi qu’à l’usage des dispositifs de signalement de contenus illicites mis à disposition par les plateformes.
Ces formations, qui devront une fois de plus mobiliser les personnels, devraient permettre aux élèves et à leurs parents de mieux appréhender l’environnement numérique et ses dangers – sensibilisation qui, gageons-le, sera de nature à dissuader ces derniers de toute atteinte numérique contre les personnels.
Pour protéger efficacement les personnels d’éducation face au harcèlement et, plus généralement, aux atteintes en ligne, la loi SREN offre des leviers complémentaires au dispositif pénal existant : prévention technique à travers un filtre de cybersécurité, répression renforcée par le « bannissement numérique » ou par de nouvelles incriminations, et enfin prévention par la sensibilisation.