1. Une responsabilité difficile à mettre en œuvre contre les enseignants et le personnel de l’Education nationale

Si cela était le cas il est indispensable de rappeler qu’il n’existe aucune présomption de responsabilité ou de culpabilité à l’égard des fonctionnaires de l’Education nationale dans l’exercice de leur fonction. Bien au contraire, pour que ces procédures puissent prospérer il faudrait qu’une faute de service soit démontrée et que cette faute ait un lien direct avec l’état de santé de l’élève. Cette preuve sera particulièrement difficile à établir devant les juridictions administratives ou pénales.

Deux types de procédures peuvent cependant être déclenchées en cas de maladie occasionnée à un élève :

1.1. Une responsabilité civile sur la base de l’article 1242 du Code civil (ancien 1384) selon laquelle, les instituteurs sont responsables du dommage qui est causé par les élèves pendant le temps où ces élèves sont sous leur surveillance ou des dommages qu’ils causent eux-mêmes par leur propre fait.
Dans ce cas d’atteinte à la santé d’un élève, les familles auront à démontrer que les protocoles de sécurité mis en place dans l’établissement scolaire n’ont pas été respectés et que ce manquement est en relation directe avec la pandémie qui a touché leur enfant.
A relever que depuis la loi du 5 avril 1937, article L911-4 du Code de l’éducation, l’Etat se substitue dans ce type de procès à la responsabilité de l’enseignant, et l’action qui sera engagée par la victime devant la juridiction civile sera en fait dirigée contre l’Etat représenté par le préfet ; Etat qui devra prendre en charge le montant des dommages et intérêts qui seraient éventuellement accordés à la victime.

1.2. Une plainte déposée par les familles devant le Procureur de la République sur la base l’article 121-3 du Code pénal
Dans cette hypothèse les plaignants devront encore démontrer que « l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu le cas échéant de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que des pouvoirs et des moyens dont il disposait ».

Enfin, s’il n’est pas l’auteur direct des dommages, l’enseignant peut être accusé d’avoir contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage. Les plaignants devront alors établir que les professeurs ou le personnel ont violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité.
Ou encore s’il est prouvé contre eux qu’ils ont commis une faute caractérisée, cette faute exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer.

Comme on le voit, ces textes rassemblés sous la Loi Fauchon depuis 2000, réclamés et obtenus par l’Association des Maires de France, protègent relativement les fonctionnaires car, en cas de crise sanitaire, il faudrait établir qu’un professeur, qu’un directeur, qu’un principal de collège ou qu’un proviseur ont délibérément violé les textes recommandant les gestes barrières ou le port d’un masque s’il est imposé ou d’autres obligations stipulées dans un protocole sanitaire.

Le risque de mise en cause existe mais il a peu de chance d’aboutir.


2. Quelle protection et quel recours pour un fonctionnaire de l’Education nationale victime du virus dans l’exercice de sa mission ?

Indépendamment de toute procédure qui rechercherait la responsabilité d’un membre de la communauté éducative concernant le fait qu’un enseignant contracte le virus dans l’exercice de sa mission, la responsabilité de l’Etat pourra être recherchée.

La procédure la plus classique consistera en une déclaration d’accident du travail suivant les procédures adéquates et accompagnée d’un solide dossier médical.

Enfin, en fonction des séquelles qui peuvent s’ensuivre, le fonctionnaire victime pourra saisir l’administration d’une demande d’imputabilité au service.

En cas de silence ou de refus des instances académiques ou rectorales, l’enseignant victime pourra saisir dans un délai de 2 mois, la juridiction administrative pour faire constater la responsabilité de l’Etat et la contagion dont il a été victime comme imputable à son service.

L’avis négatif du Conseil scientifique ne manquera pas alors d’être avancé.

Cependant, dans cette période exceptionnelle, il n’est pas impossible que l’Etat sorte son joker habituel et décide qu’il y aura une responsabilité sans faute à établir concernant les maladies consécutives au virus du covid-19.

Comme il l’a fait pour l’amiante et le sida, il pourra mettre en place un fonds d’indemnisation auquel pourront s’adresser les victimes.

3. Le bouclier juridique indispensable de L’Autonome de Solidarité Laïque

Pour faire respecter les protocoles sanitaires qui seront mis en place dans chaque établissement scolaire, les fonctionnaires de l’Education nationale, s’ils sont en présence d’un danger grave et imminent menaçant leur sécurité et leur vie ainsi que celle de leurs élèves, pourront user de leur droit d’alerte puis de leur droit de retrait.

Cette assistance psychologique et cette mobilisation juridique pourront se faire avec le soutien des présidents délégués de L’Autonome de Solidarité Laïque dans chaque département qui sont d’ores et déjà mobilisés quotidiennement avec leur avocat conseil.

Ce bouclier juridique sera fort utile si ce droit de retrait est contesté par l’administration. D’autant que celle-ci n’accordera aucune protection fonctionnelle lorsque ses propres décisions sont contestées.

En cas de besoin, la procédure de référé-liberté prévue par l’article L521-2 du Code de la Justice administrative, engagée devant le juge administratif en urgence pourra en 48h contraindre les régions, les départements et les communes à assurer véritablement leurs obligations de protection sanitaire dans les locaux scolaires.

Soyons optimistes ; la menace de la mise en œuvre de ces différentes procédures prévues par la loi devrait suffire à ce que chacun assume pleinement et concrètement les responsabilités qui lui incombent.

A défaut, l’école sera à nouveau fermée suivant le principe de précaution, ce que ni les parents, ni les enseignants, ni les personnels ne souhaitent indéfiniment.

 

Vincent BOUBA
Président de
L’Autonome de Solidarité Laïque
Bâtonnier Francis LEC
Avocat conseil national de
L’Autonome de Solidarité Laïque