Préambule

Avant la réforme de la garde à vue qui interviendra le 15 avril 2011 la personne placée en garde à vue ne bénéficiait de la présence de son avocat que dans la première heure ; le rôle de celui-ci était d’ailleurs modeste et son entretien, limité à une demi heure, l’assimilait davantage à une assistance sociale, à un psychologue ou à un membre suppléant de la famille.

Ce contact consistait à informer le gardé à vue de ses droits, de prendre connaissance sommairement de sa version et de repartir avec le numéro de téléphone des proches qu’il convenait de contacter …. pour les rassurer.

Pour la suite la personne était confiée « aux bons soins » des services de police qui dans le cadre de la procédure inquisitoriale étaient formés à rechercher « l’aveu », cette preuve royale de notre droit. Cette pratique était depuis plusieurs années contraire à l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme et il faudra une ardente mobilisation des avocats, des magistrats, du conseil constitutionnel et de la Cour de Cassation pour contraindre le législateur à enfin changer la loi ; comme on le constatera c’est un progrès mais beaucoup d’observateurs considèrent que la réforme de la garde à vue n’est pas encore achevée.

 

I – 15 avril 2011 : mise en place de la garde à vue

La Cour de Cassation a décidé le 15 avril que les nouvelles règles de la garde à vue, règles prévoyant notamment la présence des avocats lors de tous les interrogatoires, devaient s’appliquer immédiatement.

En conséquence pour toute garde à vue à compter du 15 avril la présence de l’avocat est nécessaire et obligatoire ; sommairement cette loi garantit également :

• le droit au silence

• le droit de choisir son avocat

• le droit de poser des questions lors de l’interrogatoire de garde à vue

• de solliciter l’arbitrage du bâtonnier en cas d’incident

En cas de difficultés lors de la garde à vue, il conviendra bien évidemment de les faire acter et d’informer immédiatement par écrit le Bâtonnier en cas de besoin.

En outre le Conseil National des Barreaux, en vertu de la jurisprudence de la CEDH considère que les avocats doivent solliciter d’ores et déjà la consultation de l’entier dossier existant et de prendre des notes au cours de ces gardes à vue.

 

II – Sur la présence de l’avocat des Autonomes aux côtés des victimes durant les gardes à vue :

Nous attirons votre attention sur les nouvelles dispositions de l’article 63-4-5 ainsi libellées :

« si la victime est confrontée avec une personne gardée à vue elle peut demander à être également assistée par un avocat choisi par elle ou par son représentant légal si elle est mineure ou à sa demande désigné par le Bâtonnier. La victime est informée de ce droit avant qu’il soit procédé à la confrontation. A sa demande l’avocat peut consulter les procès-verbaux d’audition de la personne qu’il assiste. »

Il résulte de ces dispositions que les avocats des autonomes pourront être présents aux côtés des adhérents qui sont victimes de violences scolaires et qui peuvent être confrontés à l’auteur des faits durant la garde à vue.

Les Présidents des autonomes et leurs avocats ne manqueront pas de rappeler ce droit et de le mettre en œuvre par la meilleure information possible auprès de chaque adhérent.

 

III – Sur la rémunération de l’avocat : « le prix des droits de la défense »

Comme vous avez pu le constater le volet financier de la réforme de garde à vue est particulièrement inadmissible puisque le Garde des Sceaux envisage une indemnisation forfaitaire versée aux Barreaux sur la base d’une somme de 300 euros HT pour les 24 premières heures de garde à vue , tandis que la journée supplémentaire sera indemnisée sur la base d’une somme de 150 euros HT.

Cette perspective financière est insuffisante et l’ensemble des Barreaux ont manifesté leur mécontentement le 4 mai dernier à Paris.

L’indemnité pour la garde à vue a été fixée en 1993 à 61 euros HT, pour une demi-heure d’assistance, soit un tarif horaire de 122 euros. Sur la base de trois heures de présence effective (la profession estime que cinq heures seraient plus réalistes), ils réclament 366 euros, d’autant que la majoration pour le déplacement et la nuit ont été supprimées.

Les Avocats font enfin valoir que nombre de pays européens indemnisent les Avocats au tarif horaire, et non au forfait. Au Danemark, l’indemnisation est de 200 euros l’heure, en Suède de 127 euros, au Luxembourg de 87 euros, en Angleterre de 58,50 euros chaque heure le jour, 69 la nuit. Dernier point, ils réclament « un regroupement des lieux de garde à vue, qui relève du simple bon sens. »

De son côté le Conseil National de l’aide juridique composé de Hauts Magistrats, de membres de l’administration, de représentants de la société civile et professionnels du droit, s’est réuni le 28 avril dernier pour examiner le projet de décret relatif à l’aide à l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue et s’est prononcé à une très large majorité contre les projets de textes présentés.

Il a également émis un avis négatif sur le projet de timbre de 35 euros imposé à tout justiciable introduisant une procédure devant une juridiction judiciaire ou administrative pour financer l’aide à l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue prévue dans le projet de loi de finances rectificative 2011.

Un tel projet qui peut d’ailleurs être un frein à l’accès au droit n’est pas acceptable dans la mesure où la taxe serait réservée aux seules procédures et non aux actes juridiques.

IV – Le rappel solennel de la Cour de Cassation du 15 avril 2011 : « toute personne gardée à vue doit bénéficier d’une assistance effective et pas seulement de la présence d’un avocat »

La cour de cassation n’a pas fait dans la demi-mesure. Par quatre arrêts du vendredi 15 avril, elle impose l’application immédiate de la nouvelle loi sur la garde à vue qui rend obligatoire la présence de l’avocat et pose le principe du droit au silence. L’assemblée plénière de la plus haute juridiction considère en effet que « les Etats adhérents à la Convention de la sauvegarde des droits de l’homme et de libertés fondamentales sont tenus de respecter les décisions de la cour européenne des droits de l’homme, sans attendre d’être attaqués devant elle, ni à avoir modifié leur législation ».

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil avait considéré en juillet 2010 que les règles applicables à la garde à vue, qui ne prévoyaient pas la présence de l’avocat dans les commissariats tout au long de la procédure, n’assuraient pas le respect des libertés fondamentales et, en conséquence, n’étaient pas conformes à la Constitution. Il avait cependant reporté au 1er juillet 2011 les effets de cette déclaration d’inconstitutionnalité afin de permettre au Parlement de modifier la loi. Un projet de loi a donc été déposé et soumis aux deux assemblées afin d’être adopté dans les délais fixés.

De son côté, la Cour européenne des droits de l’homme, après une longue série d’arrêts, a condamné la France (arrêt Brusco du 14 octobre 2010) en considérant que sa procédure de garde à vue n’était pas conforme aux règles du procès équitable, l’accusé doit être informé de son droit de se taire, et bénéficier de l’assistance « effective » et pas seulement de la présence d’un avocat dès le début de la mesure…

Dans ses arrêts, la Cour de Cassation constate que le droit au procès équitable prévu par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme n’est pas respecté mais elle estime que ces droits doivent être « effectifs et concrets ».

En conséquence, souligne-t-elle ni le principe de « sécurité juridique » ni les « nécessités d’une bonne administration de la justice » ne peuvent être invoqués, pour priver un justiciable de son droit à un procès équitable.

 

V – Une loi à peine votée déjà remise en cause

1) – Annulation de toutes les procédures sans avocat antérieures au 15 avril 2011.

La nouvelle loi ne satisfait déjà pas grand monde ni les avocats, qui la jugent trop timide, ni les policiers qui y voient une entrave à leurs enquêtes : « Cette loi est au seul bénéfice des voyous » explique le secrétaire général du syndicat Synergie officier. « Il n’y a pas plus de coercition pour équilibrer les choses, ni de contrepartie pour les victimes ».

De plus les arrêts de la Cour de cassation provoquent un véritable séisme pour les procédures en cours car ils ouvrent la porte à des annulations des actes déjà effectués en garde à vue.

Des décisions sont déjà intervenues mais seuls les procès verbaux d’audition sans avocat sont annulés, pas toute la procédure.

2) – Défense effective et accès au dossier :

A peine présents aux côtés de leurs clients dans le cadre de la garde à vue les avocats réclament légitimement d’avoir accès aux dossiers et aux procès-verbaux de l’enquête préliminaire.

Actuellement ils ne disposent que de quelques informations qui selon la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme et maintenant de la Cour de Cassation ne leur permet pas d’assurer selon eux une défense effective.

D’ores et déjà une procédure d’annulation des gardes à vue sans accès au dossier ont été engagées devant les juridictions et le tribunal correctionnel de GRENOBLE vient d’ailleurs de faire droit à une demande en ce sens.

A cet égard ont assiste à une nouvelle offensive des avocats qui exigent que la loi soit sur ce point soit modifiée et complétée au regard du respect de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme et de son article 6 qui exige un procès équitable.

3) Une chute attendue des gardes à vue au bénéfice des libertés :

Le Procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, avait en quelque sorte pris les devants. Avant même que la loi sur la garde à vue ne soit adoptée définitivement le mardi 12 avril par les députés, promulguée le jeudi 14 et publiée au Journal Officiel vendredi 15, le magistrat a ordonné aux services de police relevant de son ressort « de limiter dans un certain nombre de cas le placement en garde à vue des personnes soupçonnées d’avoir commis des délits ».

Dans une note qui vise « la limitation du recours à la garde à vue lors de la constatation de délits présentant un caractère de gravité modérée » adressée le 28 mars à la hiérarchie policière, M. Marin énumère la liste des délits qui « pourraient ne pas entraîner le placement en garde à vue ».

Dès lors qu’une personne en légère infraction mais sans antécédent judiciaire sera en mesure de présenter aux agents de la force publique une pièce d’identité conforme et une adresse fiable, elle pourra échapper au contraintes de la garde à vue.

Ces dispositions sont précisées dans un alinéa introduit par la réforme de la garde à vue dans l’article 73 du code de procédure pénale qui dispose que « lorsque la personne est présente devant l’officier de police judiciaire, son placement en garde à vue (…) n’est pas obligatoire dès lors qu’elle n’est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs et qu’elle a été informée qu’elle peut à tout moment quitter les locaux de police ou de gendarmerie. »

Comme on le voit on peut s’attendre à une baisse sensible des gardes à vue qui avait concerné en 2008 près de 800.000 de nos concitoyens.

La liberté du citoyen ne pourra qu’y gagner.

 

VI – Une loi qui ne modifie pas encore le statut du Parquet

La Cour Européenne, à plusieurs reprises, a rappelé que le Procureur de la République qui dépend du Garde des Sceaux hiérarchiquement ne peut être considéré comme une autorité judiciaire indépendante.

Il en résulte que les décisions prises par ce même Procureur concernant les mesures de liberté, de prolongation de garde à vue, de décision de retarder la présence de l’avocat pourront être contestées et encourir des nullités.

Il faut donc changer le statut du Parquet pour lui donner une indépendance équivalente au Juge du siège ou faire évoluer sa situation vers celle d’un fonctionnaire chargé de l’accusation comme cela se pratique aux Etats- Unis ; un exemple cependant difficile à suivre…

 

VII – L’Education nationale et l’autorité juridique doivent tirer les leçons de la disparition du professeur Bubert et la nouvelle loi

a) -Depuis le 15 avril le Professeur BUBERT aurait bénéficié de la présence d’un avocat lors de sa garde à vue.

A l’avenir l’autorité judiciaire devra prendre soin de supprimer « l’épreuve de la garde à vue » dans ce type d’affaire comme viennent de le rappeler le 15 avril 2011 les arrêts de la chambre réunie de la Cour de Cassation qui précisent que la présence de l’avocat est obligatoire lors de l’interrogatoire de garde à vue comme c’est désormais le cas.

Ces nouvelles dispositions qui étaient en discussion en 2008 devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme auraient sans doute sauvé le professeur BUBERT en lui apportant le soutien psychologique et juridique nécessaire.

b) – HANS… CALAMUS… BUBERT…UNE LISTE INSUPPORTABLE :

L’Education Nationale qui est restée totalement absente de ce débat devra tirer toutes les leçons de ces dénonciations calomnieuses qui peuvent être décelées rapidement à condition que l’on cesse de considérer l’enseignant accusé comme un présumé coupable, comme l’ont été tous ces professeurs disparus et que l’on applique enfin dans les commissariats les préconisations de l’affaire d’OUTREAU.

L’affaire BUBERT s’ajoute à la longue liste des enseignants qui n’ont pas supporté d’être atteints injustement dans leur intégrité professionnelle tel, Bernard HANS, professeur d’éducation physique, qui a mis fin à ses jours alors qu’il était accusé d’attouchements à l’égard d’un élève qui se rétractera quelques mois après son décès, tel Michel CALAMUS, professeur d’un lycée de VERSAILLES, qui lui non plus ne supportera pas les accusations dont il était l’objet et décidera de mettre fin à ses jours pour garder l’honneur de la famille.

 

VIII – 6 juillet 2011 : le décret relatif à l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue est paru

Est paru au journal officiel le 6 juillet 2011 le décret relatif à l’aide à l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue et de la rétention douanière et modifiant le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

Si l’enveloppe budgétaire que le gouvernement a prévu de consacrer au financement de la réforme de la garde à vue est passée progressivement de 80 à 100 M€ puis à 103 M€ en année pleine, elle reste insuffisante pour permettre aux avocats de faire face aux nouvelles charges qui leur incombent.

Les propositions de la profession n’ont en effet pas été retenues, de sorte que les forfaits de rétribution due à l’avocat selon la nature de son intervention tels que fixés par le décret seront de :

– 61 € HT lorsqu’il intervient uniquement pour un entretien avec la personne gardée à vue au début de la garde à vue ou de la prolongation de cette mesure ;

– 300 € HT lorsqu’il intervient pour s’entretenir avec la personne gardée à vue puis, pour assister cette dernière lors de ses auditions et confrontations ;

– 150 € HT lorsqu’il intervient pour s’entretenir avec la personne gardée à vue puis, pour l’assister lors de ses auditions et confrontations lors de la prolongation de la garde à vue ;

– 150 € HT lorsqu’il assiste la victime lors de confrontations avec la personne gardée à vue.

Il n’y aura ni majoration pour les interventions de nuit ni pour celles effectuées hors des limites de la commune du siège du tribunal de grande instance.

Par ailleurs la rétribution de l’avocat ayant accompli plusieurs interventions par période de 24 heures sera, quel que soit le nombre d’interventions réalisées, plafonnée. Toutefois le montant de ce plafond a été relevé à 1200 euros (au lieu de 900 € dans le projet de décret initial).

 

Conclusion provisoire

Sous les coups de boutoir de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, de la Cour de Cassation et du Conseil Constitutionnel une révolution est en marche dans le Code de procédure pénale avec une modification très importante de la mesure de garde à vue.

Les avocats des autonomes et leur Président ont été dans chaque département à la tête de ce profond changement et ils ne manqueront pas de veiller naturellement à ce que les nouveaux droits de la défense mais aussi de la victime soient renforcés.

Là encore nous pourrons démontrer que la Fédération et ses Autonomes ainsi que ses avocats sont à la pointe de la défense des libertés individuelles et collectives.