Pouvez-vous vous présenter ?

Après une première mission au parquet de Bobigny, où j’étais en charge des relations avec l’Éducation nationale, des relations institutionnelles et de la création d’un observatoire de la violence en milieu scolaire, j’ai pris la direction de la CRIP de l’Essonne. J’ai ensuite travaillé à la direction de la Protection maternelle et infantile (PMI). Désormais, je dispense des formations à destination des agents pour les aider à réaliser des écrits d’aide à la décision.

Pouvez-vous nous parler de la création des CRIP et de leur rôle ? Au niveau national, les CRIP fonctionnent-elles toutes de la même manière ?

La loi de 2007 a rendu obligatoires les CRIP et a imposé une obligation de résultats. Avant 2007, toutes les informations faisaient l’objet d’une évaluation directement par les agents en charge des situations, ce qui générait une surcharge de travail et un engorgement des services. Le travail de la CRIP est donc de filtrer l’information pour s’assurer de ce qui relève du champ de la protection de l’enfance au niveau du département.

Quelle que soit la CRIP, un vrai travail de qualité est réalisé. Bien entendu, chaque CRIP dépend de son département et, selon la politique de celui-ci, elles ont des organisations et des moyens différents bien que la même responsabilité soit engagée. Chaque département a sa particularité et applique sa propre méthode. Par exemple, en Essonne, la CRIP est très engagée dans le respect des délais. Il serait donc intéressant aujourd’hui que le conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) identifie les bonnes pratiques de chacune et mette en réseau les CRIP afin qu’elles puissent grandir et s’améliorer ensemble.

Pouvez-vous nous expliquer plus en détail en quoi consistent les missions du responsable de la CRIP ?

Le responsable de la CRIP représente le département qui voit systématiquement sa responsabilité engagée sur toutes les situations de protection de l’enfance. Et comme il y a un volume important d’informations, il faut savoir gérer les urgences. Le responsable du CRIP oriente donc les décisions. Il suit et sécurise également l’entrée dans le dispositif de l’information préoccupante en construisant avec les partenaires des documents qui permettront de mieux identifier la situation afin d’agir plus rapidement.

Le responsable de la CRIP se charge aussi du suivi des dossiers. Par exemple, dans le cas où des recherches complémentaires sont nécessaires sur un dossier, alors le responsable de la CRIP doit s’assurer que l’on peut accorder un délai supplémentaire. Nous sommes dans la rigueur professionnelle et non pas dans la rigidité du respect des procédures.

Dans l’urgence, la CRIP est souvent la première porte d’entrée. Par la suite, nous ne connaissons pas forcément l’aboutissement du dossier, ce qui peut aussi être difficile à vivre pour les équipes. Le responsable de la CRIP doit donc avoir une vigilance toute particulière face à ses agents qui occupent des postes psychologiquement très exposés.

Quels conseils pourriez-vous donner aux personnels lorsqu’ils sont face à une information préoccupante ?

Face à une situation préoccupante, le personnel d’Éducation nationale peut ressentir de la peur ainsi que de la solitude. Ce sont des professionnels de l’enseignement mais à certains moments, on leur demande d’être des experts du monde éducatif. Ils ne sont pas suffisamment formés à cela et il est donc important que face à ces situations, ils ne restent pas seuls. Il y aura toujours des professionnels en capacité de les entendre, les aider et les conseiller.

Ils ne doivent pourtant pas hésiter : une situation qui préoccupe un personnel d’éducation est en soit une information préoccupante. Il ne faut pas se poser d’autres questions, c’est la CRIP qui déterminera ensuite si cela s’avère être vraiment le cas.

Nous constatons également des périodes de « pics d’activité » dans la transmission d’informations préoccupantes, notamment à la veille des vacances scolaires. Les enseignants peuvent s’inquiéter car ils ne voient plus certains enfants quotidiennement pendant cette période. Il est donc important de mettre en garde les personnels de l’Éducation nationale en leur précisant de rester en vigilance toute l’année et pas seulement pendant ces périodes critiques.

Quelles pistes d’amélioration pourriez-vous proposer ?

Parmi les améliorations possibles, il faut mettre en place un management adapté fondé sur la confiance et la bienveillance. De plus, il faut que les professionnels soient mieux formés sur la gestion des signalements et des informations préoccupantes. Du point de vue de la hiérarchie, une fois la personne formée, elle doit rester vigilante et contribuer à nourrir cette formation régulièrement.

Il faut également mettre en place des temps d’échange. Lorsque le professionnel reste passif face à une situation qu’il ne sait pas gérer, celle-ci risque de se dégrader. Alors, ce qui aurait pu être traité à titre préventif risque finalement de l’être dans l’urgence. Pourquoi ne pas mettre en place, par exemple, une commission d’analyse des situations complexes au niveau des départements, de l’école, etc. ?