La lutte contre le harcèlement scolaire est aujourd’hui un enjeu majeur de la protection des élèves au sein des établissements d’enseignement. Elle constitue une priorité nationale et les pouvoirs publics déploient un ensemble de mesures afin de permettre aux élèves de suivre leur scolarité dans une école apaisée.

Les personnels de l’Éducation nationale, en tant qu’acteurs du quotidien auprès des élèves et des établissements scolaires, jouent un rôle prépondérant dans la prévention, la détection, et la gestion de ces situations. Leur rôle est encadré par un dispositif juridique strict, dont la méconnaissance ou l’inaction peut engager leur responsabilité.
Me Florence lec, avocat-conseil national de L’ASL nous apporte son éclairage juridique sur le sujet.

Cadre juridique général : définition et sanctions du harcèlement scolaire

“ La jurisprudence a reconnu le droit pour les élèves de ne pas être soumis à un harcèlement comme constituant une liberté fondamentale. ”

En vertu de l’article L 111-6 alinéa 1 du code de l’Éducation1, « Aucun élève ou étudiant ne doit subir de faits de harcèlement résultant de propos ou comportements, commis au sein de l’établissement d’enseignement ou en marge de la vie scolaire ou universitaire et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de dégrader ses conditions d’apprentissage. Ces faits peuvent être constitutifs du délit de harcèlement scolaire prévu à l’article 222-33-2-3 du code pénal2. »

La jurisprudence a reconnu le droit pour les élèves de ne pas être soumis à un harcèlement comme constituant une liberté fondamentale3.

Le délit de harcèlement scolaire est prévu à l’article 222-33-2-3 du code pénal.

Ainsi, « Constituent un harcèlement scolaire les faits de harcèlement moral définis aux quatre premiers alinéas de l’article 222-33-2-24 lorsqu’ils sont commis à l’encontre d’un élève par toute personne étudiant ou exerçant une activité professionnelle au sein du même établissement d’enseignement. »

Pour mémoire, le harcèlement moral est constitué de propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale4.

Quels actes ?

Il peut s’agir d’insultes, moqueries, brimades, exclusion, menaces, violences physiques, ou encore du cyberharcèlement. Concrètement, le harcèlement porte atteinte à la dignité de l’élève harcelé et crée un environnement hostile, humiliant, intimidant ou dégradant au sein de l’établissement. Cette répétition est essentielle : un acte isolé même grave, ne constitue pas juridiquement un harcèlement mais peut être sanctionné autrement.

Quelle (s) sanction (s) ?

Le harcèlement scolaire est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende lorsqu’il a causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’a entraîné aucune incapacité de travail ;
Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende lorsque les faits ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours et à dix ans d’emprisonnement et, à 150 000 € d’amende lorsque les faits ont conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider.

Obligations des personnels face au harcèlement entre élèves

“ Les personnels sont soumis à une obligation de surveillance et de prévention renforcée. ”

Les personnels sont soumis à une obligation de surveillance et de prévention renforcée.

Ainsi, l’article L111-6 du Code de l’éducation1 prévoit que :

« Les établissements d’enseignement scolaire et supérieur publics et privés ainsi que le réseau des œuvres universitaires prennent les mesures appropriées visant à lutter contre le harcèlement dans le cadre scolaire et universitaire. Ces mesures visent notamment à prévenir l’apparition de situations de harcèlement, à favoriser leur détection par la communauté éducative afin d’y apporter une réponse rapide et coordonnée et à orienter les victimes, les témoins et les auteurs, le cas échéant, vers les services appropriés et les associations susceptibles de leur proposer un accompagnement. Une information sur les risques liés au harcèlement scolaire, notamment au cyberharcèlement, est délivrée chaque année aux élèves et parents d’élèves. »

Cette obligation implique une vigilance active et une réaction appropriée dès la connaissance des faits.

Le programme pHARe

Parmi les outils de lutte contre le harcèlement à l’école5, pHARe est le programme de prévention et de lutte contre le harcèlement scolaire qui est articulé autour de 5 piliers :

  1. Eduquer pour prévenir les phénomènes de harcèlement ;
  2. Former une communauté protectrice de professionnels et de personnels pour les élèves ;
  3. Intervenir efficacement sur les situations de harcèlement ;
  4. Associer les parents et les partenaires et communiquer sur le programme ;
  5. Mobiliser les instances démocratiques (telles que les CVC – Conseil de Vie Collégienne -, le comité d’éducation à la santé etc…)

Ce programme, impose dans les écoles et les établissements scolaires une démarche proactive de sensibilisation, prévention, et accompagnement à travers les protocoles de prise en charge d’une situation de harcèlement déclinés pour les écoles et les établissements scolaires6 .
Ces protocoles donne le cadre des actions à engager tout au long de la procédure qu’il s’agisse de la révélation de la situation (ex : accueil de l’élève victime, mise en place de mesure de protection, échange et information avec les parents de la victime, de l’auteur), à la prise en charge de la situation (en cas de harcèlement ou cyberharcèlement, signalement de la situation par un fait établissement niveau 2, dans les cas les plus graves, il sera effectué un signalement au Procureur de la République, mesure de traitement immédiat de la situation, accompagnement et suivi à long terme, mise en place d’action spécifique auprès des classes concernées voire de l’école/ l’établissement.

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Bon à savoir

En outre, le décret du 16 août 20237 donne des moyens supplémentaires aux directeurs d’école et aux chefs d’établissement pour mettre en place des mesures appropriées pour lutter contre certains comportements et notamment en cas de harcèlement. Par exemple, le chef d’établissement devra engager une procédure disciplinaire qui peut aller jusqu’à l’exclusion définitive de l’élève harceleur.

Sanctions en cas d’inaction

“ (...) C’est majoritairement vers la juridiction administrative que se tournent la victime ou ses représentants légaux pour obtenir réparation du fait de l’inaction ou l’absence de mesure appropriée face à une situation de harcèlement scolaire. ”

Le manquement à ces obligations peut engager la responsabilité des personnels.

Comme vu précédemment, le code pénal sanctionne sévèrement les auteurs de harcèlement avec des peines pouvant aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende en cas de suicide ou de tentative de suicide de la victime.

Les tribunaux peuvent sanctionner également l’inaction des établissements scolaires face au harcèlement scolaire.

Lorsqu’un élève subit des faits de harcèlement au sein d’un établissement et que des carences de surveillance, d’alerte ou de traitement sont reprochées au personnel, la responsabilité peut relever, selon la nature du manquement, soit du régime judiciaire de l’article L. 911-4 du code de l’éducation8 (faute du « maître » ou défaut de surveillance), soit de la juridiction administrative en cas de « défaut d’organisation du service ».

Sur le terrain pénal, l’inaction fautive peut, selon les cas, relever d’infractions non intentionnelles en lien indirect de causalité (défaut d’organisation/surveillance ayant « laissé créer une situation dangereuse ») ou, plus rarement, d’infractions d’abstention (article 223-6 du code pénal9) si l’agent, présent et informé, s’est volontairement abstenu d’une action immédiate.

On observe que c’est majoritairement vers la juridiction administrative que se tournent la victime ou ses représentants légaux pour obtenir réparation du fait de l’inaction ou l’absence de mesure appropriée face à une situation de harcèlement scolaire.

De jurisprudence constante, la responsabilité de l’État peut être engagée devant les juridictions administratives en cas de faute dans l’organisation ou dans le fonctionnement du service, en raison des carences dans le traitement du harcèlement scolaire dont fait l’objet un élève au sein d’un établissement scolaire, en particulier si l’administration n’a pas protégé l’intéressé.

Afin de déterminer s’il existe une faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service, le juge administratif procède à un contrôle des services de l’éducation nationale et examine si ces derniers ont adopté une réaction appropriée et proportionnée aux agissements est victime l’ élève10.

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À noter

Récemment, les juges administratifs ont reconnu la responsabilité de l’État pour faute liée à la carence de l’organisation du service en cas d’inaction ou de mesures insuffisantes pour mettre fin au harcèlement subi par une élève sur une année scolaire. En l’espèce, les juges rappellent que les troubles liés au handicap de l’auteur ne peuvent exonérer l’école dès lors qu’il y a un défaut de réaction adaptée11 .

Dans une autre affaire où une collégienne s’était suicidée, victime de harcèlement scolaire, le défaut d’organisation du service avait été caractérisé par une accumulation de manquements ; de cette décision, ont pu d’ailleurs être dégagés des principes essentiels tels que l’obligation de réaction concrète face aux alertes répétées des parents ; la nécessité d’une surveillance active (a contrario la présence passive des personnels ne suffit pas) ; enfin, si les effets du cyberharcèlement se manifeste dans l’établissement, ce dernier doit agir et ne peut fermer les yeux sous prétexte qu’il s’agit de harcèlement en ligne12.

À l’inverse, la responsabilité est écartée lorsque l’administration justifie avoir pris des mesures appropriées ou lorsque la preuve du harcèlement n’est pas rapportée13 .

En conclusion, le cadre juridique impose aux personnels une obligation claire et stricte de vigilance, de prévention et d’intervention dans les cas de harcèlement scolaire. Leur inaction ou des réactions non appropriées peuvent constituer une faute engageant leur responsabilité.

Dans ce contexte, la formation des personnels est indispensable. À cet égard, L’ASL, par le biais des conventions-cadre signées avec le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de la Justice, contribue aux actions de formation initiale et continue des personnels, notamment dans le domaine du harcèlement scolaire. Enfin, au-delà des actions de formation, L’ASL et ses délégations départementales restent au quotidien à l’écoute des personnels pour leur apporter soutien et conseils dans ces situations ô combien sensibles de harcèlement scolaire entre élèves.

Sources :
  1. Article L 111-6 alinéa 1 du code de l’Éducation
  2. Article 222-33-2-3 du code pénal
  3. Cf TA Melun, 7 mai 2021, n°2104189
  4. Cf article 222-33-2-2 du code pénal
  5. Voir également pour aller plus loin sur le site de l’ASL notre article « Quelles actions pour lutter contre le harcèlement scolaire ?
  6. Pour retrouver ces protocoles, voir https://eduscol.education.fr/974/lutter-contre-le-harcelement-entre-eleves
  7. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047973978; voir également notre tribune sur le site de l’ASL « La Loi Rilhac et décrets des 14 et 16 août 2023 : une réponse aux défis des directeurs d’école ?
  8. Article L. 911-4 du code de l’éducation
  9. Article 223-6 du code pénal
  10. A.A. Bordeaux, 10 décembre 2020, n° 19BX00300
  11. TA Châlons-en-Champagne, 22 septembre 2023, n°2200061, M. et Mme R
  12. TA Versailles, 26 janvier 2017, n° 1502910
  13. Cf TA Melun, 15 décembre 2023, n° 2111662 ; TA Toulouse, 27 février 2025 n°2204307 ; TA Marseille, 9 mai 2023, n°2101794.

 

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