
Deux enjeux fondamentaux imposent une surveillance attentive des élèves dans la cour de récréation : la sécurité des enfants et la sécurité juridique de l’établissement. L’exercice, toutefois, est délicat, car la loi ne fixe pas de règles précises, et les juges évaluent les défauts de surveillance au cas par cas. Zoom sur les bonnes pratiques à adopter pour limiter les risques.
Obligation de surveillance dans la cour de récréation : que dit la loi ?
“ La surveillance est d’autant plus importante pendant les temps de récréation, où le risque d’accident est accru. ”
Trois textes de loi font référence à l’obligation de surveillance et de sécurité à la charge des enseignants pendant les récréations :
- L’article D321-12 du Code de l’éducation1, applicable dans le premier degré, pose le principe d’une surveillance continue, adaptée aux spécificités du lieu et des équipements.
- La circulaire n° 97-178 du 18 septembre 19972, qui apporte des précisions à propos du « devoir de surveillance qui incombe aux enseignants et aux directeurs d’école », évoque une « surveillance effective et vigilante ».
- L’article 1242 alinéa 6 du Code civil3 prévoit que les instituteurs sont responsables du dommage causé par les élèves sous leur surveillance.
La surveillance est d’autant plus importante pendant les temps de récréation, où le risque d’accident est accru.
Concrètement, la loi formule les directives suivantes :
- Il faut adapter les modalités de la surveillance à la configuration de la cour et à ses équipements, ainsi qu’au nombre et à l’âge des élèves.
- La surveillance des récréations doit faire l’objet d’une répartition entre les instituteurs, décidée en conseil des maîtres avec le directeur d’école.
- Il faut surveiller les élèves, ainsi que les équipements. Le directeur d’école surveille l’état des équipements utilisés par les élèves en récréation. En cas de risque, il informe la municipalité et met en place des mesures de sécurité dans l’attente des réparations.
La difficulté principale consiste à déterminer le nombre d’instituteurs adapté pour surveiller la cour, car aucun texte n’impose d’effectif minimum.
Que se passe-t-il sur le plan juridique en cas d’accident ?
En cas d’accident, les parents de l’élève victime vont vraisemblablement chercher un responsable pour être indemnisés de leurs préjudices. Le régime de responsabilité dépend des circonstances.
L’enfant se blesse dans la cour à cause d’un équipement : ses parents peuvent engager la responsabilité de l’école qui risque d’être retenue si un défaut d’entretien de l’équipement est en cause. L’école peut se retourner contre la municipalité si l’accident est lié à un défaut intrinsèque de sécurité de l’équipement. Quel que soit le cas de figure, le défaut de surveillance de l’enfant victime peut être invoqué.
L’enfant est blessé par un autre élève pendant la récréation : ses parents peuvent actionner la responsabilité civile des parents de l’autre élève. La compagnie d’assurance des parents de l’enfant fautif risque de se retourner contre les enseignants, considérés comme responsables du dommage causé par l’élève sous leur surveillance.
L’enfant se blesse seul : les parents risquent de rechercher la responsabilité des enseignants sur le fondement du défaut de surveillance.
Défaut de surveillance pendant la récréation : que dit la jurisprudence ?
“ La responsabilité des enseignants en cas d’accident pendant la récréation peut être recherchée quelles que soient les circonstances de l’accident. ”
La responsabilité des enseignants en cas d’accident pendant la récréation peut être recherchée quelles que soient les circonstances de l’accident. Il faut savoir que :
- La responsabilité de l’État se substitue à celle de l’enseignant4 : ce dernier ne comparaît pas devant le juge et ne paie pas de dommages et intérêts.
- La responsabilité pour défaut de surveillance dans la cour est retenue à condition de prouver une faute5.
- La faute est appréciée au cas par cas.
Voici un exemple récent de jurisprudence.
Cour d’appel de Nîmes, 20 juin 20246
1. Une élève de CP est percutée par un autre élève alors qu’elle joue dans la cour de récréation.
2. Les parents de l’élève victime demandent à être indemnisés par la compagnie d’assurance en responsabilité civile des parents de l’autre élève, en cause dans l’accident.
3. La compagnie fait appel, soutenant qu’un défaut de surveillance a causé l’accident. Son argument porte sur le nombre insuffisant d’instituteurs pour assurer la surveillance de la récréation – 2 enseignants pour 140 élèves.
4. La Cour condamne l’État français, aux motifs que (i) le nombre était en effet insuffisant eu égard à l’écart d’âge entre les différents élèves présents en même temps dans la cour ; (ii) les deux instituteurs se trouvaient dans un coin de la cour d’où il n’était pas possible de surveiller efficacement la récréation.
Surveillance des élèves en récréation : les bonnes pratiques à suivre
“ L’encadrement dans la cour de récréation doit veiller aussi bien à la sécurité des lieux qu’à la régulation des conflits entre les élèves. ”
L’encadrement dans la cour de récréation doit veiller aussi bien à la sécurité des lieux qu’à la régulation des conflits entre les élèves. La règle : les enseignants, en nombre adapté, doivent se positionner pour avoir une vue globale de la cour, de manière à anticiper un incident et à intervenir rapidement. En amont, il faut apprendre aux enfants à prévenir les enseignants en cas de problème, incident, bagarre et, bien sûr, accident. Il faut en outre leur apprendre à bien se comporter en récréation, en leur donnant des consignes claires et compréhensibles pour leur âge.
Les recommandations pratiques
- Documenter l’organisation de la surveillance telle qu’elle a été fixée en conseil des maîtres, pour être irréprochable sur le plan de la procédure.
- Veiller à l’état des équipements, alerter la municipalité en cas de doute quant à la sécurité, empêcher l’accès à l’équipement en cas de doute.
- Vérifier la présence de l’ensemble des élèves pendant toute la récréation.
- Alerter les secours sans tarder en cas d’accident, en appliquant le principe de précaution.
Les situations à risque
Certaines situations méritent une vigilance renforcée :
- Lorsqu’une partie de la cour est dissimulée par l’architecture : le surveillant doit faire attention à son angle de vue.
- Lors des allées et venues aux toilettes : des surveillants des deux sexes doivent être prévus.
- Lors de regroupements d’élèves : les surveillants doivent essayer de prévenir les conflits avant qu’ils ne démarrent. Un regroupement peut notamment être à l’origine d’un jeu dangereux.
La cohésion de l’équipe éducative joue un rôle non négligeable dans une surveillance efficace !