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Entretien avec une ergonome Sorties scolaires : comment mieux prévenir les risques ?L’usage des réseaux sociaux à l’école : intérêts, risques et obligations

Quel intérêt pédagogique pour les réseaux sociaux ?
La problématique de l’usage des réseaux sociaux à l’école nécessite de s’interroger à deux égards.
1. Quel usage les élèves font-ils des réseaux sociaux entre eux ?
Twitter(2), Facebook(3) ou encore TikTok(4) : les réseaux sociaux interdisent l’accès à leur plateforme aux mineurs de moins de 13 ans. Dans les faits, pourtant, l’essor de ces médias est exponentiel parmi les plus jeunes qui s’y inscrivent à l’insu ou non de leurs parents. Le réseau social est devenu un espace d’échanges privilégié entre les élèves, participant ainsi à leurs interactions sociales quotidiennes. Mais, à l’instar de tout autre contexte d’interaction sociale, les réseaux sociaux sont parfois le théâtre de dérives.
La puissance d’internet, en outre, multiplie les risques : lorsque le harcèlement scolaire prend place publiquement sur un réseau social, par exemple, les retombées sont d’autant plus préjudiciables pour la victime. Quand l’interdiction des réseaux sociaux à l’école devient complexe à mettre en œuvre, il faut envisager ces médias dans un objectif pédagogique : l’enseignant sensibilise les élèves aux dérives, pour les protéger.
À cet égard d’ailleurs, le Bulletin officiel de l’Éducation nationale(5),de la Jeunesse et des Sports communiquait déjà en 2015, à propos de la maîtrise du socle commun : « l’élève utilise les espaces collaboratifs et apprend à communiquer notamment par le biais des réseaux sociaux dans le respect de soi et des autres. Il comprend la différence entre sphères publique et privée. Il sait ce qu’est une identité numérique et est attentif aux traces qu’il laisse. » Éduquer aux réseaux sociaux se dessine comme une mission de l’École.
2. L’enseignant peut-il faire usage des réseaux sociaux ? Et, dans l’affirmative, dans quelle mesure ?
L’engouement pour les réseaux sociaux auprès d’un public de la jeune génération impose de les envisager comme un support pédagogique. Bien entendu, l’usage doit être réfléchi avec soin, prenant notamment en considération l’âge des élèves ainsi que la pertinence du réseau social. Les enseignants, en tout état de cause, constatent par la pratique que ce modèle est attractif et certains s’essaient à l’intégrer dans leur projet pédagogique pour favoriser la motivation des élèves. Les réseaux sociaux peuvent être envisagés, avec de nombreuses précautions, comme un support d’apprentissage adapté à un public par ailleurs très impliqué dans ces pratiques numériques.
L’intérêt pédagogique des réseaux sociaux est donc multiple :
- Dans un contexte où leur utilisation est massive chez les jeunes, ils constituent potentiellement des outils de motivation efficaces pour favoriser l’apprentissage.
- Comme les autres ressources digitales déjà exploitées à l’école – via les postes informatiques, les ENT ou encore les tablettes – les réseaux sociaux méritent d’être « enseignés ». Il s’agit pour l’enseignant d’élargir le champ de compétences technologiques des élèves.
- L’intérêt majeur des réseaux sociaux sur le plan pédagogique consiste à sensibiliser les élèves aux dérives de type cyber harcèlement, cyber violences ou encore diffamation. Dans la même optique, l’enseignant familiarise les élèves aux risques liés au caractère public de leurs données qui transitent via les réseaux sociaux.
Quels risques et quels cyber délits anticiper à l’usage des réseaux sociaux à l’école ?
« L’école a pour mission de sensibiliser à ces dérives répandues sur les réseaux sociaux. L’enjeu est double : éviter que les infractions aient lieu et protéger les victimes. »
Avant d’envisager d’enseigner grâce au réseau social, il faut enseigner le réseau social. À cet effet, les risques doivent être identifiés avec attention.
#1 Les délits sur les réseaux sociaux
Dans le cadre de leur utilisation entre élèves, les réseaux sociaux ouvrent la porte aux délits de droit commun, transposés dans l’environnement du web.
- Le cyber harcèlement scolaire, une réalité largement relatée dans l’actualité.
- Les cyber violences diffusées sur les réseaux sociaux.
- La diffamation, publique ou privée, qui peut être constitutive, sous conditions, de cyber harcèlement.
- La dénonciation calomnieuse.
- L’injure.
- L’outrage, dans des circonstances aggravantes lorsqu’il vise un personnel d’éducation.
- Les menaces.
- L’usurpation d’identité, pour commettre ou non un délit.
L’école a pour mission de sensibiliser à ces dérives répandues sur les réseaux sociaux. L’enjeu est double : éviter que les infractions aient lieu et protéger les victimes.
- Pour éviter la survenance des cyber délits, il faut rappeler les bases de la bonne conduite dans un environnement social. Il s’agit non seulement d’expliquer ce qui ne se fait pas, mais aussi d’informer sur les sanctions. Ex. : un élève n’est peut-être pas conscient que propager une rumeur en identifiant un camarade sur Facebook est constitutif de cyber harcèlement ; en avertissant des sanctions, l’enseignement est d’autant plus percutant. Empêcher les délits permet d’éviter des victimes, mais protège également les potentiels auteurs de l’infraction contre de lourdes sanctions pénales.
- Pour protéger les victimes de cyber délits, il faut enseigner la marche à suivre et se tenir à l’écoute. Il est à noter que les enseignants sont également concernés : ils peuvent, comme les élèves, être victimes de cyber harcèlement, de menaces ou encore d’injures sur les réseaux sociaux.
#2 Le risque d’addiction aux réseaux sociaux
Ce risque n’est pas constitutif d’atteinte à la personne, mais mérite d’être appréhendé. Cela implique non seulement d’informer sur le risque d’addiction, mais aussi de limiter le temps d’utilisation des réseaux sociaux.
- Les réseaux sociaux, s’ils sont utilisés par l’enseignant dans le cadre d’un projet pédagogique, ne doivent pas se substituer aux autres supports d’enseignement.
- Si le règlement intérieur n’interdit pas les smartphones dans l’enceinte de l’école, il peut être recommandé d’en limiter l’utilisation.
#3 La volatilité des données personnelles
L’utilisateur d’un réseau social n’a pas nécessairement conscience de la portée de ses publications : sa e-réputation peut être en jeu, il doit en être dûment alerté. L’utilisateur, en outre, surtout lorsqu’il s’agit d’un jeune élève, ne maîtrise pas l’usage qui est fait de ses données personnelles par les éditeurs des plateformes. L’école peut participer à le lui enseigner.
#4 La responsabilité du personnel d’éducation
L’usage des réseaux sociaux à l’école présente des risques à l’encontre des élèves, mais aussi des enseignants.
- Lorsque l’enseignant utilise les réseaux sociaux comme support pédagogique, il doit respecter certaines obligations légales, notamment en matière de protection des données et de droit à l’image. À défaut, sa responsabilité peut être mise en cause.
- En tant que personnel éducatif, l’enseignant peut être tenu responsable en cas de cyber délit commis par un de ses élèves sur un camarade, sur le fondement d’un manquement à son obligation de surveillance ou d’une faute d’abstention.
Le personnel d’éducation, au même titre que les élèves, doit donc être dûment formé aux risques et aux dérives des réseaux sociaux à l’école.
Comment bien faire usage des réseaux sociaux à l’école ?
« Aucun cadre réglementaire dédié n’est encore en place à ce sujet, mais des dispositions légales éparses permettent de définir des règles pour user des réseaux sociaux sans prendre de risques. »
Quel que soit l’avis sur la question, il sera de plus en plus difficile de faire sans les réseaux sociaux à l’école. Aucun cadre réglementaire dédié n’est encore en place à ce sujet, mais des dispositions légales éparses permettent de définir des règles pour user des réseaux sociaux sans prendre de risques.
2 obligations légales à respecter
- Le droit à l’image, part du droit au respect de sa vie privée, est un droit civil consacré par le Code civil(6). En ce qui concerne l’usage des réseaux sociaux à l’école, il implique pour l’enseignant d’obtenir l’autorisation écrite des parents préalablement à la diffusion de photos de l’élève sur un réseau social.
- La loi informatique et libertés (loi n° 78-17 du 6 janvier 1978) et le RGPD édictent des règles contraignantes en matière de protection des données personnelles. Les mineurs sont particulièrement protégés : le traitement des données personnelles des enfants de moins de 15 ans est soumis au consentement de ses parents(7).Dans la mesure où les réseaux sociaux collectent et traitent les données personnelles des utilisateurs, l’enseignant ne peut en aucun cas les utiliser avec ses élèves de moins de 15 ans dans le cadre d’un projet pédagogique, à moins que le compte soit ouvert au nom de la classe, sans aucune publication de données personnelles des élèves.
3 pistes de réflexion utiles
Dans la mesure où les règles d’usage des réseaux sociaux sont encore au stade de la construction, l’enseignant doit prendre des précautions importantes, et notamment :
- Prendre conscience de la mission de sensibilisation aux réseaux sociaux. Des supports éducatifs existent à cet effet, comme l’illustrent les ressources proposées par l’École des réseaux sociaux(8).La mise en place et la diffusion des informations relatives à une procédure d’alerte en situation de crise sont également recommandées, pour minimiser les dérives à l’usage des réseaux sociaux entre élèves. Le guide « Gérer une situation de crise liée à une publication sur un réseau social »(9),rédigé par la déléguée académique à l’éducation aux médias et à l’information, peut servir de support.
- Tenir compte de l’âge des élèves pour évaluer la pertinence de l’usage d’un réseau social à l’école dans le cadre d’un projet pédagogique.
- Fixer un cadre strict avant de mettre en œuvre le projet pédagogique. L’enseignant à cet effet réfléchit, élabore et diffuse une charte.
La charte peut par exemple fixer les règles suivantes :
- Le lieu et la fréquence auxquels l’élève peut utiliser le réseau social support du projet.
- Le type de contenus qu’il est autorisé à diffuser, quand et comment.
- La liste exhaustive des personnes avec lesquelles il peut communiquer et interagir.
- L’obligation de prendre connaissance des paramètres de confidentialité des données sur le réseau social préalablement à son utilisation.
- La manière dont il doit s’exprimer sur le réseau social.
À titre personnel, l’enseignant veille à faire un usage maîtrisé des réseaux sociaux, pour protéger sa vie privée.
Une formation ASL dédiée aux risques liés à l’usage du numérique
Dans une approche préventive des risques du métier, L’ASL dispense des formations reconnues par le ministère de l’Éducation nationale parmi lesquelles une formation spécifique sur les risques liés à l’usage du numérique.
Conduite par un binôme, composé d’un militant de L’ASL et d’un avocat-conseil du réseau, cette formation apporte des connaissances juridiques permettant d’identifier les cyberviolences et d’adopter les bons comportements pour se prémunir des risques et conflits éventuels. Une analyse de cas concrets illustrant différentes situations complexes où la responsabilité peut être engagée est également proposée.
Vous souhaitez en bénéficier ? Pour vous inscrire, renseignez-vous auprès de la délégation départementale de L’ASL.
Sources
- https://www.cnil.fr/fr/droits-numeriques-des-mineurs-la-cnil-publie-les-resultats-du-sondage-et-de-la-consultation-publique
- https://help.twitter.com/fr/managing-your-account/account-restoration
- https://www.facebook.com/help/157793540954833
- https://www.tiktok.com/safety/fr-fr/guardians-guide/
- https://www.education.gouv.fr/bo/15/Hebdo17/MENE1506516D.htm?cid_bo=87834
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006419288/
- https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000037085952
- https://www.schoolofsocialnetworks.org/fr/le-coin-des-enseignants/
- https://fr.calameo.com/read/00498626064def962bc41?page=3