* auteur de plusieurs ouvrages, dont « La laïcité falsifiée » (La Découverte, 2012) et « Laïcités sans frontières », avec Micheline Milot (Seuil, 2011).

Comment peut-on définir la morale laïque ?

L’expression de « morale laïque » a d’abord été employée sous Jules Ferry. A partir de 1882, le cours de religion et de morale religieuse est remplacé par un cours de morale laïque. Cet enseignement vise deux objectifs. Tout d’abord de socialiser les enfants et adolescents à la morale élémentaire dans une société. Le deuxième objectif était d’établir un équilibre entre les droits et les devoirs dans une société démocratique. On retrouve dans des manuels de l’époque une formule intéressante : « les droits de l’un sont les devoirs de l’autre et réciproquement ».

Parler aujourd’hui du concept de « morale laïque », c’est se situer dans cette filiation. Il faut toutefois actualiser le contenu de cette morale et adapter son enseignement.

 

En quoi la morale laïque peut-elle s’inscrire dans l’école actuelle ?

La morale laïque porte selon moi des valeurs de tolérance, de pluralisme et de réflexion. L’enseignement de la morale laïque doit être l’occasion de poser des questions éthiques. Ce n’est pas une morale complète, mais ce que j’appelle une « morale trouée », car elle laisse de la place pour les convictions de chacun. C’est une morale du lien social dans une société démocratique. A l’appui d’exemples concrets et du quotidien (actualité, séries TV, etc.), elle pourra porter par exemple sur une réflexion sur une l’appareil judiciaire, l’obéissance légitime et la désobéissance civique, ou encore le pluralisme dans la société.

Dans la société, existent en effet diverses familles de pensée qui défendent des systèmes de valeurs différents. L’école peut justement faire réfléchir à toutes ces valeurs. La morale laïque laisse de la place pour des valeurs religieuses. Elle exclut toutefois, selon moi, le fait qu’un groupe, par exemple religieux, puisse imposer ses propres valeurs à l’ensemble de la société.

 

Quels sont les enjeux de la mission mise en place par le ministre de l’éducation ?

Cette mission peut aboutir à une réflexion sur les relations entre l’école et la société. Je pense qu’elle devrait en amont faire une enquête, un état des lieux, au niveau des parents d’élève et de tous les personnels de l’éducation, des concierges au proviseur. Tous ces acteurs ont des préoccupations quant à cette morale laïque et font des expérimentations.

Dans son enseignement, la morale laïque devrait laisser une part importante au débat et s’appuyer sur la vie quotidienne. Elle sera ainsi progressive dans son contenu et son enseignement.