Depuis quand êtes-vous adhérente à L’ASL ? Et pourquoi avez-vous choisi d’adhérer ?
“ On pense toujours que ces choses-là n’arrivent qu’aux autres, jusqu’au jour où l’on se retrouve seule face à une situation injuste. ”
Claire M :
Je suis adhérente à L’ASL depuis plusieurs années. Au départ, c’était une simple précaution : la fonction de
directrice d’école nous expose souvent à des tensions avec certaines familles, et je savais qu’il était utile de pouvoir compter sur une structure d’appui. Une collègue m’avait raconté comment L’ASL l’avait aidée à sortir d’un
conflit avec des parents ; j’avais donc adhéré « au cas où », sans imaginer un instant que je vivrais moi-même une telle situation.
On pense toujours que ces choses-là n’arrivent qu’aux autres, jusqu’au jour où l’on se retrouve seule face à une situation injuste, mise en cause pour avoir simplement fait son travail.
Pouvez-vous nous parler de votre situation ?
“ J’ai simplement appliqué le protocole PHARE, mais les parents ont pris cela comme une attaque contre leur enfant. ”
Claire M :
Tout a commencé par le signalement d’une famille : leur fils de CE2 semblait mis à l’écart dans la cour, moqué, insulté par un autre élève qui incitait ses camarades à l’isoler. Un enseignant a également confirmé avoir été témoin de comportements problématiques et en avoir par ailleurs informé les parents. Face à ces éléments, j’ai décidé d’activer
le protocole PHARE, en concertation avec mon équipe.
Le
conseiller pédagogique référent PHARE est venu à l’école. Il a rencontré les enfants, pris le temps d’écouter chacun et rédigé un rapport détaillé.
L’inspecteur de l’Éducation nationale (IEN) a ensuite conclu à
une situation probable de harcèlement. Il a convoqué les parents de l’élève mis en cause pour leur présenter les conclusions et proposer un travail de
coéducation : l’objectif n’est pas de sanctionner l’enfant, mais d’aider les parents à dialoguer avec lui pour améliorer la situation.
Mais
c’est à ce moment-là que les difficultés ont commencé. Les parents de l’élève mis en cause ont refusé les conclusions, ils ont perçu la démarche comme une attaque. S’en sont suivis des
mails quotidiens, des menaces de plainte, des messages agressifs, et même la création d’un groupe WhatsApp pour rallier d’autres parents contre moi.
Ils ont adressé un
courrier au médiateur du rectorat, puis au recteur et à la
DSDEN, m’accusant de partialité et de mauvaise gestion du protocole. Ils affirmaient que j’avais mené une enquête « à charge », que j’avais été « menaçante » envers leur fils et que j’avais « monté » les enfants les uns contre les autres. Petit à petit, la situation a pris des proportions ingérables. Je dormais mal, je craignais d’ouvrir ma boîte mail le matin. Sur les conseils de L’ASL, je me suis placée en
accident de travail imputable au service. J’avais la sensation d’être piégée, accusée à tort alors que j’avais simplement suivi la procédure prévue pour protéger un élève.
À quel moment avez-vous pris contact avec votre délégation ? Quel a été l’accompagnement de L’ASL ?
“ Ils m’ont aidée à reprendre pied, à comprendre mes droits et à agir avec méthode, pas avec peur. ”
Claire M :
Un
rendez-vous avait été organisé entre l’IEN,
le maire et les parents. Craignant de nouvelles attaques, j’ai préféré ne pas assister à la rencontre. En même temps,
j’ai découvert l’ampleur des échanges sur le groupe WhatsApp. Des parents m’ont transmis des captures d’écran : j’y lisais des messages mensongers, parfois humiliants. Une véritable cabale s’organisait contre moi. J’ai compris que cela pouvait dégénérer et j’ai appelé ma délégation.
Dès mon premier appel,
j’ai été écoutée et rassurée. Une collaboratrice a pris le temps de recueillir tous les éléments, puis la délégataire m’a rappelée pour m’expliquer les démarches à suivre. Elles m’ont conseillé de
rassembler toutes les preuves (mails, captures d’écran, témoignages), de
déclarer officiellement un accident de service, même sans arrêt de travail prolongé,
de remplir le registre Santé et Sécurité au Travail (RSST), et de
demander la protection fonctionnelle auprès du rectorat, afin d’être défendue en cas d’attaque ou de procédure.
L’association m’a également mise en relation avec l’avocat-conseil de ma délégation. Il a rédigé et envoyé une
lettre comminatoire aux parents, rappelant que leurs actions pouvaient relever de la
diffamation et du harcèlement moral. Ce courrier a été décisif : il a replacé les limites, calmé les esprits et fait retomber la pression. Grâce à cet accompagnement, j’ai retrouvé une forme de sérénité. L’ASL m’a permis de reprendre le contrôle, de comprendre mes droits et d’agir avec méthode plutôt qu’avec peur.
Où en est le dossier aujourd’hui ?
“ Les attaques se sont arrêtées. Je n’ai pas cherché la vengeance, seulement à retrouver la sérénité
dans mon travail. ”
Claire M :
L’IEN a convoqué les parents pour leur rappeler les règles de respect envers les personnels. Son intervention ainsi que la
lettre de l’avocat ont eu l’effet espéré : les parents ont cessé leurs attaques, le groupe WhatsApp a été fermé, et la situation s’est apaisée.
Je n’ai pas cherché la vengeance, seulement la sérénité. Après quelques semaines d’arrêt, j’ai repris mon poste. Les cicatrices restent, bien sûr, on ne sort pas indemne d’une mise en cause pareille, mais j’ai retrouvé le plaisir d’exercer mon métier.
L’école a également tiré les leçons de cette épreuve : nous avons renforcé
la vigilance dans la cour, organisé des “
cafés philo” pour parler du respect et fait intervenir
un gendarme pour expliquer aux enfants ce qu’est le harcèlement. Ces initiatives ont permis de
restaurer le climat scolaire et de tourner la page collectivement. Tout comme moi, le petit garçon victime de harcèlement a retrouvé la sérénité.
L’ASL a continué à me suivre dans les mois suivants. Savoir qu’ils sont là, qu’ils connaissent nos métiers et nos contraintes, change tout. C’est un appui concret, humain, et indispensable pour ceux qui, comme moi, ont un jour le sentiment d’être devenus la cible alors qu’ils ne faisaient que leur devoir.
*Par souci d’anonymat, le prénom a été modifié.