Avez-vous réussi à assurer les cours à vos élèves dès le début du confinement ?

Comme l’ensemble des enseignants en France, nous avons connu en début de confinement des problèmes de connexion aux plateformes officielles. Il était donc impossible de pratiquer la classe virtuelle.
Mais c’est la mise en place globale qui a été la plus difficile. En effet, une semaine avant le confinement, un collègue de notre établissement a été testé positif au coronavirus, et bien qu’il ait été mis à l’isolement tout de suite, la décision a été prise, en concertation avec les services académiques, de fermer le lycée avant l’annonce officielle. Cette fermeture ayant été décidée du jour au lendemain, nous n’avons vraiment pas eu le temps de nous préparer. Nous étions donc très inquiets sur la manière dont nous pourrions communiquer avec nos élèves.

Comment avez-vous pu faire face à cette problématique ?

N’ayant pas de répertoire téléphonique et mail des élèves, il a fallu constituer un fichier ad hoc à partir des fiches de chaque élève, disponibles sur Pronote. De mon côté, j’avais constitué un groupe WhatsApp avec certains de mes élèves lors d’un précédent voyage scolaire, ce qui m’a beaucoup aidée. Avec certains de mes collègues nous avons également utilisé la plateforme Discord, mais notre administration nous a demandé très rapidement de ne plus le faire étant donné le non-respect du RGPD avec ce type de réseau.
Les quinze premiers jours ont donc été très chronophages. Non seulement il a fallu s’habituer à cette nouvelle manière de travailler mais aussi acquérir les données pratiques et se former à de nouveaux outils que nous n’avions pas l’habitude d’utiliser. Pour certains de mes collègues, cela était d’autant plus compliqué qu’ils n’avaient pas d’ordinateurs. Le lycée a donc dû mettre en place des créneaux horaires pour que les enseignants puissent utiliser les ordinateurs de l’établissement pour l’envoi de leurs cours aux élèves.

Comment vous êtes-vous organisée pour faire cours à vos élèves ?

D’abord, il a fallu reprendre mes cours afin de modifier leur présentation pour qu’ils soient adaptés à cette nouvelle façon d’enseigner. Les supports ne pouvaient pas être les mêmes.
Il n’était pas possible au début de faire la classe virtuelle, donc j’envoyais mes cours avec des vidéos à regarder sur YouTube ou Dailymotion pour les rendre plus dynamiques, plus vivants. L’idée est de développer le sens analytique de mes élèves avec des exercices didactiques : les amener à réfléchir en cherchant les différentes réponses aux exercices sur les supports vidéo envoyés. Il faut surtout éviter les cours magistraux si nous voulons garder les élèves motivés !

Comment avez-vous pu maintenir un enseignement professionnel à distance ?

Pour les élèves de terminale en bac pro, cela ne posait pas vraiment problème car il s’agit, à ce stade de leur formation, surtout d’enseignements théoriques.
Pour les élèves de CAP, acquérir et valider les connaissances est plus difficile puisque nous avons plus d’enseignements pratiques. Nous avions, par exemple, initié avant le confinement la formation de secourisme, puisqu’ils doivent être préparés à devenir sauveteurs/secouristes du travail. Nous n’avons pas pu finir cette formation et donc ils ne peuvent, pour le moment, être évalués pour l’obtention du diplôme. Avec ces élèves, l’idée est donc de modifier l’ordre du programme, en nous concentrant sur les cours théoriques, quitte à commencer à étudier les sujets prévus l’année prochaine. Cela permettra de laisser, à partir de la rentrée, plus de temps pour les enseignements pratiques afin de ne pas prendre de retard sur le programme complet des deux années.
Ce ne sont pourtant pas les élèves les plus mal « lotis ». Certaines formations, qui ne comportent pratiquement que des enseignements pratiques, sont complètement à l’arrêt. C’est le cas des formations de type « menuiserie » par exemple. En effet, il est impossible de pratiquer en dehors de l’atelier, pour des raisons pratiques et de sécurité, et certains élèves n’ont parfois même pas d’ordinateurs pour suivre les cours !

Avez-vous tout de même pu adapter quelques cours d’enseignement professionnel dans certains cas ?

Oui, c’est le cas pour certains de mes élèves qui suivent les spécialisations « aide à domicile » et « structure médico-sociale ». La situation sanitaire actuelle est un sujet qui touche de près leur futur secteur d’activité. Nous avons donc pu utiliser de nombreux exemples liés aux techniques mises en place pour faire face à la pandémie comme support d’apprentissage. Nous avons étudié ces différents cas pratiques pour réviser les connaissances enseignées tout au long de l’année : analyse des recommandations, gestes barrières, activités et soins prioritaires…

Pensez-vous aujourd’hui indispensable de reprendre les cours en présentiel ?

Oui, c’est très important. Avant tout pour les enseignements pratiques et les travaux en ateliers. Il ne faut pas prendre trop de retard sur le programme, au risque de ne pouvoir le rattraper ou que l’année qui suit ne soit trop dense pour les élèves.
Cette reprise est tout aussi importante afin de maintenir un rythme pour les élèves. Nous constatons qu’ils commencent à s’essouffler, il y a donc un risque de démotivation et de lassitude.
Il y a également un enjeu social à cette reprise. L’éloignement de l’institution peut être dangereux, les élèves ont besoin d’un contact « physique ». Le lien social est une motivation importante pour eux, pour se lever le matin… Nous voyons bien, après deux mois, les limites du virtuel.