« La responsabilité pénale vise à sanctionner l’auteur d’une infraction, par une amende, une interdiction temporaire ou définitive d’exercer, voire une peine de prison en fonction de la gravité de l’acte.
La responsabilité civile permet aux victimes d’être indemnisées de leur préjudice sous forme de dommages et intérêts. »

 

La responsabilité civile, différente de la responsabilité pénale

La loi distingue deux types de responsabilité :

  • La responsabilité pénale vise à sanctionner l’auteur d’une infraction, par une amende, une interdiction temporaire ou définitive d’exercer, voire une peine de prison en fonction de la gravité de l’acte.
  • La responsabilité civile permet aux victimes d’être indemnisées de leur préjudice sous forme de dommages et intérêts. Lorsque la victime est mineure, ce sont ses parents ou autres représentants légaux qui introduisent l’action en responsabilité civile et qui perçoivent la somme d’argent pour le compte de l’enfant.

Lorsqu’il arrive quelque chose à un élève au sein de l’établissement scolaire, ses parents vont rechercher un responsable, éventuellement pour qu’il soit sanctionné, et pour recevoir des dommages et intérêts. Les actions pénales et civiles sont deux actions distinctes : les parents saisissent un tribunal pénal pour faire sanctionner l’auteur de l’infraction, ils saisissent un tribunal civil pour obtenir l’indemnisation du préjudice de l’enfant.

 

« La responsabilité civile du personnel d’éducation peut être recherchée dans trois cas de figure :
1. L’enseignant a lui-même causé un préjudice à l’enfant.
2. Un élève a causé un préjudice alors qu’il était sous la surveillance de l’enseignant.
3. Un élève a subi un préjudice alors qu’il était sous la surveillance de l’enseignant. »

 

Les situations de mise en jeu de la responsabilité civile du personnel d’éducation

Les articles 1240 et suivants du Code civil(1) déterminent les conditions de la responsabilité civile. C’est le régime de droit commun, qui s’applique à tous. À ce titre, la responsabilité civile du personnel d’éducation peut être recherchée dans trois cas de figure :

1. L’enseignant a lui-même causé un préjudice à l’enfant

L’enseignant a commis une faute ou il est coupable d’une infraction pénale : il est personnellement à l’origine du dommage. C’est notamment l’hypothèse de l’élève violenté ou harcelé, peu importe que l’acte soit ou non intentionnel.

Ex. : sans en avoir conscience, un enseignant vexe continuellement son élève. Si les preuves sont réunies, il peut être tenu responsable de harcèlement moral.

2. Un élève a causé un préjudice alors qu’il était sous la surveillance de l’enseignant

Dans ce cas, peu importe la victime. Le personnel d’éducation peut être tenu civilement responsable du comportement de son élève qui cause un préjudice à un autre élève ou à un tiers, simplement parce que l’élève auteur du préjudice est sous la surveillance de l’enseignant. Sa responsabilité peut être également engagée dans ce cadre si l’élève a causé un dommage matériel. On parle de responsabilité civile du « fait d’autrui(2) ». Il est à noter que la responsabilité du fait d’autrui n’est pas transposable au pénal : l’enseignant ne peut en aucun cas être sanctionné pénalement à la place de l’élève auteur du préjudice.

Ex. : c’est l’hypothèse classique de l’enfant qui pousse violemment un camarade, le blessant grièvement : l’enfant n’est pas responsable civilement, c’est l’enseignant qui le surveille qui l’est ; l’enseignant, en revanche, ne peut être poursuivi pour coups et blessures involontaires. Autre ex. : un élève met le feu à un bâtiment voisin de la cour de récréation. Dans ce cas, le personnel d’éducation en charge de la surveillance de la récréation est responsable civilement.

3. Un élève a subi un préjudice alors qu’il était sous la surveillance de l’enseignant

Cette situation vise les cas de négligence ou d’imprudence du personnel d’éducation : l’élève est victime d’un préjudice causé par un camarade, par un tiers ou par une chose (un ballon, par ex.) alors qu’il est sous la surveillance du personnel d’éducation.

Ex. : un enfant disparaît lors d’une sortie scolaire, un élève se blesse sur un coin de table en chahutant dans la classe, il s’étouffe en mangeant à la cantine, etc. Dans ces hypothèses, les parents de la victime peuvent rechercher la responsabilité du personnel d’éducation.

  1. Recherche de responsabilité : le parent de l’élève victime ou auteur du dommage saisit le juge civil, aux fins de déterminer le responsable.
  2. Substitution de responsabilité : si la responsabilité du personnel d’éducation est reconnue, c’est l’État qui se substitue à lui pour indemniser le représentant légal de l’enfant mineur.
  3. Action récursoire : l’État peut se retourner ensuite contre le personnel d’éducation responsable, pour se faire rembourser le montant des dommages et intérêts versés au parent. L’enseignant reconnu responsable risque en outre une procédure disciplinaire.

 

La responsabilité civile de l’enseignant, un mécanisme en trois temps

En raison du statut spécifique du personnel d’éducation, le régime de droit commun du Code civil doit être articulé avec l’article L911-4 du Code de l’éducation(3). En cas de dommage survenu au sein de l’établissement scolaire, et pendant tous les temps où le personnel d’éducation est en charge des élèves, sa responsabilité civile est mise en jeu dans le cadre d’une procédure en trois étapes :

1. Recherche de responsabilité

Le personnel d’éducation est responsable à condition que sa responsabilité soit prouvée. Trois éléments sont nécessaires pour constituer cette preuve :

  • Il y a eu négligence, faute ou infraction

Ex. : l’absence de précautions pendant une activité sportive à risque peut être considérée comme de la négligence ; le défaut de surveillance pendant la récréation peut être jugé fautif ; l’enseignant qui frappe un enfant est coupable d’une infraction.

  • Il y a eu préjudice

Ex : le bijou de valeur d’un élève est endommagé lors d’une bagarre, le parent d’élève peut demander à être indemnisé sur le fondement du préjudice matériel pour rembourser le bijou ; l’élève se fracture un bras en cours de sport, ses parents se fondent sur le préjudice physique pour demander des dommages et intérêts.

  • C’est le personnel d’éducation qui est l’auteur de la négligence, de la faute ou de l’infraction à l’origine du préjudice

L’étape de recherche de responsabilité civile se déroule devant le Tribunal judiciaire. Conformément à la loi, l’agent public n’est jamais mis en cause devant ce tribunal : il est représenté par l’État, plus précisément par l’autorité académique. L’enseignant ne comparaît pas devant le juge civil, et il n’est engagé d’aucune manière à ce stade de la procédure.

2. Substitution de responsabilité

Dans l’hypothèse où le jugement reconnaît la responsabilité, et si le juge alloue des dommages et intérêts à la victime, c’est l’État qui règle le montant de l’indemnisation. À ce stade, le personnel d’éducation n’est toujours pas engagé, de quelque manière que ce soit, dans la procédure : en aucun cas le personnel d’éducation ne peut être condamné par le juge civil à verser à la victime les dommages et intérêts.

3. Action récursoire

L’État, substitué au personnel d’éducation dans le versement de l’indemnisation, décide librement d’exercer ou non une action récursoire. C’est seulement à ce stade que le personnel d’éducation peut être sollicité dans le cadre de l’affaire. En cas de contestation, ce sont les juridictions administratives qui sont compétentes. C’est-à-dire que si l’enseignant conteste le titre de perception émis par l’État pour se faire rembourser des dommages et intérêts versés à la victime, le litige est porté devant le Tribunal administratif.

 

Exemples de mise en jeu de la responsabilité civile du personnel d’éducation

Un enseignant ne peut pas être condamné par un juge civil à verser des dommages et intérêts aux parents d’élèves victimes de harcèlement moral

Le 2 février 2022(4), la jurisprudence rappelle et confirme le principe de substitution de l’État au personnel d’éducation :

  • Des parents d’élèves exercent une action en responsabilité civile à l’encontre d’une enseignante, devant le juge civil, l’accusant de harcèlement moral.
  • La Cour d’appel déclare l’enseignante coupable de harcèlement moral et la condamne à verser des dommages et intérêts aux parents des victimes.
  • La Cour de cassation annule la décision de la Cour d’appel : l’enseignant ne peut jamais être mis en cause devant un Tribunal civil, c’est l’État qui s’y substitue pendant la procédure, les parents d’élèves intentent une action contre l’État devant le juge civil.

Le défaut de surveillance renforcée pendant un cours d’EPS constitue une faute de l’enseignant

Dans un arrêt du 5 novembre 1998(5), la Cour de cassation retient que :

  • L’exercice qui consiste pour l’élève à sauter sur une poutre, qui n’est pas rembourrée, présente un risque élevé, même dans le cadre d’un cours de sport dispensé à des élèves de 15 ans.
  • Le défaut de surveillance de l’enseignant est avéré si l’élève se blesse en tombant, alors que l’enseignant n’est pas suffisamment proche de la poutre pour assurer la parade de l’enfant.
  • Le défaut de surveillance constitue alors une faute, de nature à engager la responsabilité civile de l’État et à condamner l’État à indemniser la victime.

De même, la Cour de cassation juge le 23 octobre 2003(6) que la position anormale d’un rouleau de flotteurs en bord de piscine peut constituer un danger que le professeur d’EPS ne peut ignorer : en cas de blessure d’un élève, le professeur est fautif et la responsabilité civile de l’État peut être engagée.

Le défaut de surveillance s’apprécie en fonction des circonstances

Dans un arrêt du 7 mars 1989(7) :

  • Un élève s’est écarté du chemin pendant une randonnée, malgré les avertissements des professeurs. Il provoque un éboulement, qui blesse un camarade. Les parents recherchent la responsabilité de l’État pour indemniser l’enfant blessé.
  • La Cour de cassation estime que, eu égard à la nature de la randonnée et à l’âge des élèves, la surveillance des professeurs était suffisante.
  • Aucune faute n’a été commise, la responsabilité de l’État du fait du comportement de l’élève à l’origine de la blessure de son camarade n’est pas en cause. Les parents pourront alors rechercher la responsabilité de l’élève fautif.

Dans un arrêt du 12 mai 2009(8), la Cour d’appel, au contraire, a retenu que le défaut de surveillance à l’origine de la blessure d’une élève de 5 ans pendant la récréation était constitutif d’une faute engageant la responsabilité de l’État, eu égard au jeune âge de l’enfant.

Exemple d’action récursoire de l’État à l’encontre de l’enseignant

En principe, l’État peut engager une action récursoire à l’encontre du personnel d’éducation en vue d’obtenir le remboursement des dommages et intérêts versés en raison d’une faute personnelle à l’origine d’un dommage.

En pratique, l’action récursoire est rarement mise en œuvre sur le fondement d’un défaut de surveillance. Lorsque la faute du personnel d’éducation est « détachable de ses fonctions », pour une infraction pénale, par exemple, l’État en revanche exerce une action récursoire.

Dans un arrêt du 12 décembre 2008(9), par exemple, l’État a demandé à l’enseignant coupable de coups et blessures sur ses élèves le remboursement des dommages et intérêts versés par l’État aux victimes. Le jugement confirme que l’action récursoire de l’État est fondée, mais précise que le montant à rembourser par l’enseignant n’est pas nécessairement identique au montant versé par l’État.

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Trois cas d’exonération de responsabilité

La loi prévoit que le personnel d’éducation est exonéré de sa responsabilité civile – c’est-à-dire qu’il ne peut en aucun cas être poursuivi pour le remboursement de dommages et intérêts versés à la victime – dans 3 cas :

  • Force majeure : une tempête, par ex., est un évènement de force majeure ; en cas de blessure d’un élève suite à la chute d’une tuile, le personnel d’éducation n’est pas responsable.
  • Faute de la victime : si la victime a participé à son propre préjudice, la responsabilité de l’enseignant est atténuée. Ex. : l’élève qui se blesse dans une bagarre qu’il a lui-même provoquée a contribué à son préjudice, allégeant la responsabilité du personnel d’éducation. Il est à noter que la faute de la victime s’apprécie en fonction de son âge.
  • Fait d’un tiers : si un tiers a concouru au préjudice, la responsabilité est partagée. Ex. : si un enfant se blesse lors d’une sortie au musée, le personnel d’éducation est responsable au même titre que le directeur du musée.

Conformément à la prescription triennale, la responsabilité civile du personnel d’éducation ne peut plus être engagée passé un délai de 3 ans à compter du préjudice.

 

Sources

  1. Article 1240 du Code civil
  2. Article 1242 du Code civil
  3. Article L911-4 du Code de l’éducation
  4. Arrêt de la Cour de cassation du 2 février 2022
  5. Arrêt de la Cour de cassation du 5 novembre 1998
  6. Arrêt de la Cour de cassation du 23 octobre 2003
  7. Arrêt de la Cour de cassation du 7 mars 1989
  8. Arrêt de la Cour de cassation du 12 mai 2009
  9. Arrêt du 12 décembre 2008