1 – Pouvez-vous nous parler de votre parcours qui vous a amenée à vous spécialiser sur la question de l’inclusion des enfants en situation de handicap ?

« Ce sujet du groupe social m’a interrogée. Comment faire pour que ces enfants aient leur place malgré des pathologies lourdes ? J’ai donc travaillé dans une logique d’intégration dans le milieu scolaire, et notamment dans les crèches. »

L’inclusion existait très peu lorsque j’ai commencé à travailler, mais la question des enfants en situation de handicap m’a intéressée très tôt. J’ai initié un premier parcours en psychologie et en psychopathologie de l’enfant pour comprendre dans le détail le développement du petit humain, avant de m’apercevoir que j’avais besoin d’être plus dans une démarche éducative et d’accompagnement des enfants dans leur développement. C’est pour cette raison que je suis devenue éducatrice de jeunes enfants. La rencontre avec des trajectoires atypiques du développement de l’enfant m’a permis de comprendre comment les enfants grandissaient au-delà des acquisitions attendues à leur âge. J‘ai travaillé très vite en milieu pédiatrique médico-social pour accompagner au long cours des enfants et leur famille dans des situations de handicap lourd, avec pour objectif d’aider ces enfants à maximiser leurs chances de progression pour s’inscrire dans un groupe.

Ce sujet du groupe social m’a interrogée. Comment faire pour que ces enfants aient leur place malgré des pathologies lourdes ? J’ai donc travaillé dans une logique d’intégration dans le milieu scolaire, et notamment dans les crèches. J’ai découvert alors que le milieu de la petite enfance n’était pas prêt à accueillir des enfants atypiques. Parce que les crèches étaient bouleversées dans leurs représentations et leurs organisations. Je me suis alors intéressée au milieu ordinaire de la petite enfance, avec l’ambition de démocratiser et faciliter l’accueil des enfants en situation de handicap. Je suis devenue directrice de crèche.

Ensuite, j’ai eu l’occasion au sein de mon entreprise de développer en Rhône-Alpes un dispositif d’accompagnement des crèches appartenant à un même réseau pour engager des accompagnements personnalisés au sein du collectif. Je continue aujourd’hui à mener ce dispositif à un niveau national afin de l’uniformiser dans les régions où l’entreprise est implantée. Parallèlement, je reste formatrice, j’interviens au sein des crèches sur le sujet de l’inclusion et aussi la protection de l’enfance.

2 – Le principe d’accessibilité à l’ensemble des lieux d’accueil collectif, sans discrimination d’aucune sorte, quelle que soit la nature du handicap, est un droit fondamental et une obligation nationale. Cela a été confirmé par la loi du 11 février 2005, rappelé par la Charte nationale pour l’accueil de l’enfant. Qu’en est-il dans la réalité ? Quel constat tirez-vous de votre expérience sur le terrain ?

« Mon expérience sur le terrain montre que les crèches sont accueillantes, pleines de bonne volonté, mais elles se sentent désœuvrées face à des situations qui sortent de l’ordinaire et sont susceptibles de se dégrader assez rapidement. »

Dans mon métier, la loi du 11 février 2005 a été une véritable révolution. Elle a apporté la notion de « situation de handicap » et a aussi défini le rôle fondamental de l’environnement dans la vie des individus. Je considère que mon travail est « un environnement », celui de la crèche, et qu’il doit changer pour pouvoir faciliter l’accès et la vie des enfants au sein du groupe. Pour la petite enfance, j’ajouterai le décret du 7 juin 2010, parce qu’il œuvre en faveur de l’accueil des enfants atteints de maladies chroniques ou en situation de handicap. Je regrette juste qu’il ne constitue pas un caractère d’obligation de l’accueil. Car même si aujourd’hui beaucoup de crèches accueillent des enfants en situation de handicap, ils ne sont souvent qu’un ou deux dans le même groupe. Et beaucoup de familles restent ainsi sans mode d’accueil.

Les sondages auprès des professionnels montrent qu’ils sont en attente d’accompagnement des situations atypiques. De plus, les crèches vivent des difficultés institutionnelles, avec, par exemple, la pénurie de personnel. Tout cela met en péril l’accueil des enfants les plus fragiles, alors qu’ils demandent encore plus de réflexivité professionnelle et de stabilité.

Mon expérience sur le terrain montre que les crèches sont accueillantes, pleines de bonne volonté, mais elles se sentent désœuvrées face à des situations qui sortent de l’ordinaire et sont susceptibles de se dégrader assez rapidement. Il y a donc un manque de moyens humains et de ressources.

Ces lois et décrets ont cependant apporté une incitation très forte. On considère aujourd’hui qu’on ne peut pas refuser un enfant en situation de handicap en crèche.

3 – Quelles sont les particularités du handicap des tout-petits ? En quoi accompagner les enfants en âge préscolaire/en bas âge, en crèche est-il différent d’accompagner des enfants plus âgés à l’école ?

« La spécificité de la petite enfance, c’est qu’il s’agit souvent de la période du diagnostic. »

Ce sont vraiment deux périodes différentes. Les attentes ne sont pas les mêmes. Le temps de la petite enfance des 0-3 ans ou 0-6 ans (puisqu’on accueille parfois jusqu’à cet âge), est un temps complètement dissocié du reste.

La spécificité de la petite enfance, c’est qu’il s’agit souvent de la période du diagnostic. La plupart du temps, les situations de développement atypique se révèlent en cours d’accueil à la crèche. Peu d’enfants se trouvent avec un handicap évoqué ou diagnostiqué. Pour des raisons différentes, qui s’entendent très bien : parce que les parents ne savent pas que la crèche est un lieu d’accueil pour eux, parce que le parcours de soins est très fort et impacte la famille et aussi parce qu’il faut du temps à la famille pour se réorganiser.

Aujourd’hui, il n’est pas rare que des médecins de tous ordres, et notamment ceux des CAMSP, les centres d’actions médico-sociaux précoces, encouragent les parents à confier leur enfant en crèche, ce qui n’existait pas du tout avant. C’est révélateur du rôle et du poids de la crèche.

Une autre spécificité : la crèche est le premier lieu social collectif pour l’enfant et sa famille. Et elle va aussi contribuer à les acheminer vers la scolarisation. Pour moi, la crèche est un passage tout aussi fondamental que l’école, puisqu’elle va être le témoin des possibles et des points de vigilance dont l’école va pouvoir éventuellement s’instruire et être le relais. En cas d’orientation en milieu spécialisé, il en va de même. Nous sommes complémentaires, le travail initié va permettre à ceux qui suivent d’avoir la connaissance pour gérer au mieux ensuite le parcours de l’enfant.

4 – À quelles problématiques sont confrontées les EAJE (établissements d’accueil du jeune enfant) et ses personnels (EJE, auxiliaires, etc.) ? Quels sont les leviers et les freins de l’accueil en crèche des enfants en situation de handicap ?

« Le temps fait partie des freins éventuels. […] Le levier, c’est le collectif. »

Le temps fait partie des freins éventuels. Il est essentiel dans nos métiers. Le temps de l’accompagnement individuel de l’enfant au sein du collectif, le temps de faire connaissance, d’observer, pour ensuite mieux s’ajuster. Les crèches en ont besoin pour construire des projets inclusifs et reconstruire leurs pratiques au bénéfice de tous. Il leur faut faire un pas de côté pour analyser leurs observations, dégager des pratiques, des actions d’accompagnement. Et les directeurs d’établissement ou leur délégation ont besoin de temps pour accompagner ces familles qui attendent de faire des points réguliers, d’être écoutées, etc. Il faut aussi du temps pour se mettre en relation avec le médico-social, organiser des réunions, mettre en place des regards croisés autour de la famille. Sans cela, on risque d’avoir des discontinuités dans les bonnes pratiques pour l’enfant. Il est donc indispensable qu’il y ait suffisamment de personnes pour pouvoir dégager ce temps, si nécessaire.

Le levier, c’est le collectif. Quelles que soient les équipes, leurs configurations, et leur nombre, elles représentent la pluridisciplinarité, une prise de recul et de relais nécessaires pour faire face à certaines situations. Et puis, le dynamisme d’un groupe d’enfants, il n’y a rien de tel ! Toutes ces interactions sont précieuses et nourrissent les enfants. Le groupe est très porteur.

5 – Les personnels de crèche sont-ils suffisamment formés ?

« De manière générale, ils ont besoin de formation sur le sujet, parce que le handicap vient bousculer des représentations personnelles et professionnelles. »

La formation est un sujet majeur. Les professionnels sont tous en attente de formation et en même temps chacun se dit qu’il « sait » accueillir des enfants, quels qu’ils soient. De manière générale, ils ont besoin de formation sur le sujet parce que le handicap vient bousculer des représentations personnelles et professionnelles. Il leur faut s’exprimer, se situer dans leurs pratiques, comprendre les enjeux de l’inclusion et contribuer à cet équilibre familial auquel ils doivent répondre.

Par exemple, lorsqu’un enfant va être accueilli, si son physique est très impacté, cela bouleverse beaucoup personnellement les professionnels qui ne savent pas quel regard ils vont porter sur lui. Autre exemple : l’accueil d’un enfant polyhandicapé, très limité dans ses mouvements. Qu’est-ce qu’on va pouvoir lui apporter ? Quel est le sens de cet accueil ? Ou encore un enfant dont la pathologie ou le handicap a été diagnostiqué très tôt, dès la naissance ou même avant, et qui du coup, ne va pas être dans le même cheminement ni les mêmes perceptions par rapport à ses parents, les professionnels vont avoir besoin de se réajuster, de comprendre ces mécanismes particuliers.

Et cela fait partie de mes actions d’intervention. La guidance pour ajuster le geste, répondre au mieux aux besoins de l’enfant, mieux l’accompagner pendant le repas, pendant un temps, pour pouvoir ensuite prendre un peu de distance, etc. Une de mes actions de formation consiste d’ailleurs à apprendre à se désolidariser des soucis que le handicap peut générer chez les proches, d’avoir la juste distance.

Les professionnels ont besoin de travailler avec les autres, de se nourrir des échanges. Le vase clos n’est pas possible. Il y a un enrichissement mutuel à travailler ensemble, on apprend des compétences de chacun.

 6 – Vous êtes vous-même formatrice inclusion handicap, quels types de formations dispensez-vous ? En quoi consistent ces formations et à qui s’adressent-elles plus précisément ?

« Je fais de la formation continue auprès de tous les professionnels de la petite enfance, des assistants maternels, en classe inter-crèche ou pour des équipes complètes. J’interviens aussi en intra-crèche. […] J’accompagne également des gestionnaires de crèches dans l’élaboration des projets d’établissement inclusif. »

Je fais de la formation continue auprès de tous les professionnels de la petite enfance, des assistants maternels, en classe inter-crèche ou pour des équipes complètes. J’interviens aussi en intra-crèche, en journée, sur quelques heures, pour organiser des sessions d’observation, puis d’accompagnement des équipes. J’anime des temps d’échange, d’analyse de pratiques sur la base du développement des enfants.

J’accompagne également des gestionnaires de crèches dans l’élaboration des projets d’établissement inclusif pour dégager les « facilitateurs de l’inclusion », par exemple des organisations souples, des locaux adaptés, etc.

Les thématiques sont très diverses : l’inclusion et les enjeux pour la scolarisation, l’accompagnement à la parentalité, etc. On travaille la démarche d’observation puisque dans cette mission de prévention, il faut aussi pouvoir observer et alerter au bon moment, ni trop tôt ni trop tard. C’est un des grands sujets en petite enfance. Un autre sujet : le partenariat médico-social, tout simplement. Comment je fais, à quel rythme, etc. ? Et, bien évidemment, toute la notion de suivi de l’enfant, cette responsabilité au long cours, car l’accueil peut se poursuivre jusqu’à 6 ans, jusqu’à la scolarisation éventuelle.

J’aborde aussi la question économique dans mes formations. Il faut que les parents tiennent bon moralement, mais aussi économiquement. Or, je constate que si beaucoup de parents arrivent à maintenir leur travail pendant le temps de crèche, ils réduisent leur temps de travail ou arrêtent lors de l’entrée à l’école, parce que la prise en charge de leur enfant n’est plus la même. Donc on essaie aussi de retarder ce moment-là, pour la vie des familles et des fratries.

7 – Comment se déroule l’accueil d’un enfant à besoins particuliers en crèche ?

« L’accueil en crèche d’un enfant en situation de handicap se fait de manière classique, plutôt naturellement. »

L’accueil en crèche d’un enfant en situation de handicap se fait de manière classique, plutôt naturellement. En crèche s’organisent des temps de familiarisation, d’adaptation, qui sont suffisamment longs et souples pour laisser tout le monde faire connaissance. C’est un temps pendant lequel les parents vont pouvoir livrer ce qu’ils souhaitent, qui va permettre aussi à une équipe de s’appuyer sur l’expertise parentale. Si l’enfant bénéficie de soins à l’extérieur, la crèche peut se mettre en contact avec le secteur du soin en accord avec les parents pour décider de la fréquence et du type d’échanges nécessaires. Généralement, cela n’a pas lieu tout de suite, on laisse le professionnel s’imprégner de l’enfant et ce qu’il livre. Ensuite, j’amène les équipes à travailler des temps d’observation réguliers pour dégager des besoins peut-être plus spécifiques. Notre travail tout au long de l’accueil consiste à trouver l’équilibre entre l’attention renforcée dont l’enfant a besoin pour accéder à son autonomie, et toute l’immersion naturelle, c’est-à-dire tout ce qui va nous échapper. Et c’est là aussi que le groupe est une force.

Il existe bien un projet d’accueil comme il y a le PAI (Projet d’accueil individualisé) à l’école, mais il est loin d’être systématique. L’observation et le suivi de l’enfant par les crèches constituent une forme d’accompagnement personnalisé, et j’interviens justement pour formaliser tout cela et permettre aux équipes, mais aussi à l’enfant et ses parents, d’acter et de mesurer toute l’évolution de l’enfant pendant la durée de son accueil. Quand on le formalise, cela constitue un projet qui, page après page, fait état de toute cette évolution. Et c’est formidable, je ne connais aucun enfant qui n’ait pas montré d’évolution.

Concernant les liens avec le médico-social, il peut s’agir de temps d’observation, de séances de kiné ou de psychomotricité, qui peuvent avoir lieu dans les crèches si ça ne dérange pas l’enfant, voire au sein du groupe d’enfants si tout le monde est d’accord. Tout dépend du soignant, de ses objectifs et de ses habitudes.

Je pense aussi qu’il est facile de se mettre en relation avec le soin pour articuler des pratiques, mais que souvent le partenariat s’effiloche avec le temps. Je suis là pour aider les crèches à se manifester et presque à « contractualiser » un partenariat régulier.

Pour résumer, l’accueil d’un enfant en situation de handicap n’est pas plus compliqué.

8 – Cet accompagnement des 0-6 ans, mène-t-il nécessairement à la scolarisation par la suite ?

« C’est plus en l’attente d’une orientation spécialisée, puisque les IME accueillent à partir des 6-8 ans de l’enfant. La crèche constitue le sas, car, malheureusement, il n’existe pas d’autre établissement pour constituer un palier avant l’établissement spécialisé. »

Les enfants peuvent fréquenter la crèche jusqu’à leurs 6 ans selon des conditions imposées par la CAF, c’est-à-dire s’ils sont bénéficiaires de l’AEEH (allocation d’éducation de l’enfant handicapé). Cela laisse du temps aux familles. L’accueil des 0-3 ans va aussi laisser le temps à la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) d’effectuer son travail et d’accorder le bénéfice de l’AEEH aux enfants qui, de ce fait, vont pouvoir rester jusqu’à leurs 6 ans.

Pour moi, il est toujours nécessaire de se poser chaque année la question du renouvellement de la crèche, de s’interroger sur sa pertinence, mais aussi l’intérêt qu’a l’enfant de continuer à fréquenter la crèche, ne serait-ce que pour une question de poids, de taille par rapport au matériel qui devient trop petit, mais aussi d’ergonomie des professionnels.

Est-ce que ça donne lieu à une scolarisation ? C’est plus en l’attente d’une orientation spécialisée, puisque les IME (instituts médico-éducatifs) accueillent à partir des 6-8 ans de l’enfant. La crèche constitue le sas, car, malheureusement, il n’existe pas d’autre établissement pour constituer un palier avant l’établissement spécialisé.

L’accueil à la crèche accompagne naturellement les enfants jusqu’à la scolarisation, que ce soit à 3 ans ou un peu plus tard si besoin, avec pour objectif une mise à disposition des informations utiles à l’enfant pour les enseignants, pour faciliter sa vie à l’école.

9 – Selon vous, en quoi l’inclusion des enfants en situation de handicap en crèche est-elle essentielle ?

« L’inclusion est essentielle aussi pour l’enfant qui, dans une situation de fragilité, va construire une image positive de lui-même parce qu’il a une place parmi les autres, tout simplement. »

En premier lieu, l’inclusion est essentielle pour tous les enfants qui y rencontrent l’altérité. L’identité de l’enfant se construit sur la confrontation avec la différence et la ressemblance. L’enfant va tout naturellement catégoriser ses rencontres. C’est donc à nous de connoter très positivement la différence. Et cette micro-société va donner des enfants grandissants, des ados, des adultes, puis les employeurs de demain. C’est tellement naturel en démocratie de faire ça !

L’inclusion est essentielle aussi pour l’enfant qui, dans une situation de fragilité, va construire une image positive de lui-même parce qu’il a une place parmi les autres, tout simplement.

Elle est bénéfique pour les parents. C’est la fenêtre de temps qui leur est nécessaire pour prendre leurs fonctions parentales et ne pas subir des décisions. L’occasion pour eux d’essayer le milieu ordinaire et de découvrir qu’il est ou n’est peut-être pas le bon choix.

Enfin, elle donne – et je reprends les mots d’un collègue – « de l’épaisseur au métier ». Beaucoup d’équipes se retrouvent bousculées dans leurs représentations, l’enfant en situation de handicap les oblige à aller plus loin, elles innovent, deviennent créatives. C’est extrêmement riche pour les professionnels aussi.

10 – Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples d’initiatives ou de dispositifs d’accompagnement qui ont retenu votre attention ?

« On fait petit à petit tomber les barrières, on devient plus souple, on accompagne les enfants à leur rythme. Beaucoup d’entre eux ont ainsi accédé à la scolarisation, avec juste un petit peu de retard. »

Il y en a eu plein. J’ai toujours vécu des accueils très agréables. Même si les débuts étaient parfois un peu compliqués, la ténacité a toujours payé. On fait petit à petit tomber des barrières, on devient plus souple, on accompagne les enfants à leur rythme. Beaucoup d’entre eux ont ainsi accédé à la scolarisation, avec juste un petit peu de retard. J’ai même connu des situations où les parents remettaient en question un diagnostic, car le développement de leur enfant avec la crèche était si harmonieux que l’on ne percevait plus le handicap. C’est fantastique, quelle victoire sur tous les préjugés !

J’ai également expérimenté des dispositifs d’accompagnements des troubles du spectre de l’autisme en collaboration étroite avec des éducatrices spécialisées qui venaient très régulièrement sur une crèche, guidaient les professionnels avec des astuces pédagogiques et apportaient aussi des stratégies à l’enfant pour pouvoir mieux profiter de son environnement. A partir du moment où cette articulation s’est faite, les enfants ont évolué de manière extraordinaire.

La réussite d’un dispositif est très « personne-dépendante ». Il faut que tout le monde soit de bonne composition, là au bon moment. Il faut aussi passer des barrières institutionnelles, être très disponible, très engagé, mais cela fonctionne, et ce même pour des enfants très lourdement handicapés.

11 – Comment, selon vous, peut-on promouvoir et développer l’égalité d’accès aux structures d’accueil collectives ? Quels sont les axes possibles d’amélioration de l’accueil du jeune enfant en situation de handicap ?

« Le soin, le médico-social et l’éducation sont des systèmes qui pourraient être encore plus ouverts. Ils doivent prendre le temps de se rencontrer. »

Pour promouvoir cette égalité d’accès, il est avant tout indispensable de communiquer auprès des familles, qu’elles sachent que l’accueil de leur enfant en situation de handicap est possible.
Je pense aussi que le soin, le médico-social et l’éducation sont des systèmes qui pourraient être encore plus ouverts. Ils doivent prendre le temps de se rencontrer.

Bien sûr, le secteur de la petite enfance souffrant de difficultés structurelles et institutionnelles depuis de nombreuses années, il a besoin de plus de moyens humains. Car il y a des enjeux sociétaux derrière. Pour que la société aille bien, que les enfants n’arrivent pas avec du retard à l’école, on doit aussi travailler la question du repérage des troubles.

La crèche a d’ailleurs des missions de prévention confiées par le gouvernement. Ces derniers temps, on en a beaucoup entendu parler avec la stratégie nationale pour l’autisme. Les professionnels de la petite enfance, considérés comme des professionnels de première ligne, sont attendus pour contribuer au repérage des troubles du neurodéveloppement. On sait que les interventions précoces portent leurs fruits, il faut donc aussi donner des moyens à la crèche, à la fois financiers et humains. Il faut globalement plus d’interactions entre les différents intervenants. Plus d’accompagnement des professionnels, plus de dispositifs, plus de guidance, plus d’ouverture à toutes ces questions-là.

Le monde « normal » n’existe pas, il n’est que mixité, brassage des différences.

On doit donc accompagner tous les professionnels du « care » dans cette optique de pouvoir être confronté à des situations diverses.