Depuis le 1er mars 2022, les articles L134-1 à L134-8 du Code général de la fonction publique définissent désormais la protection juridique, après l’abrogation de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983. Quelle est sa définition ? Quelles conditions pour en bénéficier ? Quelles démarches faut-il effectuer ? De quelles mesures concrètes peut bénéficier l’agent ? La protection fonctionnelle est-elle toujours accordée ? Éclairages du bâtonnier Jean-Marc André, spécialisé en droit pénal et social.

Quels sont les textes de référence sur la protection fonctionnelle ?

La protection juridique a longtemps été définie par l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983, la fameuse loi portant droits et obligations des fonctionnaires. Depuis le 1er mars 2022, l’article 11 a été abrogé. Les textes de référence sont désormais les articles L.134-1 à L.134-8 du Code général de la fonction publique. Ces textes, au demeurant, reprennent les dispositions de l’ancien article 11 de la loi de 1983 et sont désormais insérés dans un chapitre IV dont le titre est « Protection dans l’exercice des fonctions ».   

Qu’est-ce que la protection juridique du fonctionnaire ?

La protection de l’agent public, encore appelée protection fonctionnelle, désigne les mesures de protection et d’assistance dues par l’administration à un agent qu’elle emploie. Elles peuvent s’appliquer lorsque celui-ci est victime d’atteintes physiques, telles que des violences ou d’atteintes morales – diffamation, injures, harcèlement – envers sa personne ou ses biens. Il peut s’agir, par exemple, d’une dégradation de véhicule.  

Mais à quelles conditions peut-on en bénéficier ?

Il faut que les faits se soient déroulés à l’occasion de l’exercice des fonctions de l’agent ou bien si l’agent fait l’objet de poursuites judiciaires pour des actes liés à sa fonction. C’est ainsi que l’article L.134-4 du Code général de la fonction publique dispose : « Lorsque l'agent public fait l'objet de poursuites pénales à raison de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, la collectivité publique doit lui accorder sa protection ».  Donc, a contrario, si la faute de l’agent public est une faute personnelle, détachable de l’exercice des fonctions, la protection n’est pas due.   

Qu’est-ce que la faute personnelle détachable du service ?

On entend ainsi par faute personnelle détachable du service, la faute d’une gravité exceptionnelle et qui, de fait, ne peut raisonnablement être rattachée au fonctionnement du service. C’est la faute incompatible avec la fonction de l’agent, la faute inadmissible au regard des droits, des devoirs et des règles déontologiques. C'est encore la faute motivée par une volonté de nuire, une intention malveillante, une faute motivée par un intérêt personnel, voire des préoccupations d’ordre privé.  Elle implique bien évidemment la responsabilité personnelle de l’agent à l’origine du dommage.   

Quelles sont les démarches à effectuer pour demander le bénéfice de la protection ?

La demande de protection juridique doit être formalisée par un courrier rédigé par le fonctionnaire. Le courrier doit être détaillé et être envoyé dans un délai bref suite à la survenance des faits. L’administration dispose alors d’un délai de 2 mois pour répondre. À défaut de réponse dans le délai de 2 mois, cela équivaut à un rejet de la demande. La demande doit être formalisée par pli recommandé auprès du supérieur hiérarchique et du rectorat.   

Quelles sont concrètement les mesures dont peut bénéficier l’agent public ?

En matière pénale, cela peut être la prise en charge des frais d’avocat, pour une assistance en garde à vue, dans le cadre d’une audition libre ou d’une composition pénale, ou encore devant le juge d’instruction, dans le cadre d’une mise en examen ou lorsque l’agent est placé sous le statut de témoin assisté.   

Quelles sont les autres mesures dont peut bénéficier le fonctionnaire ?

Parmi les autres mesures, le rectorat peut décider de faire procéder à une enquête administrative en cas de suspicion de harcèlement, engager une procédure disciplinaire contre un élève ou à l’encontre d’un agent auteur. Il y a aussi l’assistance par un avocat devant une juridiction lorsque l’agent est victime, à la fois pour le représenter ou l’assister et pour évaluer et chiffrer ces préjudices. Lorsqu’un agent est victime dans le cadre de ses fonctions – harcèlement, menaces, injures, outrage, diffamation – l’administration est tenue de le protéger et de réparer ces préjudices.  C’est ainsi que l’administration règlera à la place de l’auteur condamné définitivement les dommages et intérêts dus à l’agent victime. À charge pour l’administration de se retourner ensuite contre l’auteur des faits. La protection de l’agent par son administration, dans le cadre défini par la loi, apporte à l’agent public soutien et assistance, afin de lui permettre de garantir ses droits.   

Toutefois, la protection n’est pas nécessairement toujours accordée

C’est le cas lorsque l’administration estime que les éléments du dossier n’ouvrent pas droit au bénéfice de la protection, parce que la qualification des faits par l’administration est différente de celle de l’agent public.  C’est le cas encore lorsque l’agent est victime de comportements déplacés, inadaptés de la part de parents ou à l’occasion d’un conflit professionnel quelconque qui ne nécessite pas nécessairement une réponse judiciaire.  Enfin et surtout, c’est le cas lorsque l’agent commet un acte répréhensible, fautif, un manquement déontologique. Dans ces hypothèses, la protection du fonctionnaire issue de la loi ne trouvera pas à s’appliquer.   

Dès lors, vers qui s’orienter ?

Les personnels d’éducation peuvent se tourner vers L’ASL qui saura les accompagner pour la prise en compte de leurs difficultés.  

Bâtonnier Jean-Marc André

Le bâtonnier Jean-Marc André,  avocat-conseil de la délégation des Yvelines, est spécialisé dans les domaines du droit pénal et du droit social.

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