Laurence V.*, directrice d’une école élémentaire, enseigne en classe de CE2. À la suite d’une main courante déposée par les parents d’un élève, elle a fait appel à L’ASL. Elle revient sur les faits et l’accompagnement de L’ASL.

Depuis quand êtes-vous adhérente à L’ASL ? Et pourquoi avez-vous choisi d’adhérer ?

“ Que ce soit pour nous conseiller ou nous accompagner, les militants de L’ASL sont des interlocuteurs essentiels pour les personnels d’éducation. ”

J’ai adhéré voilà 20 ans lorsque j’ai commencé à enseigner. J’avais un collègue militant qui m’avait conseillé de devenir adhérente, compte tenu des risques auxquels sont régulièrement exposés les personnels d’éducation. J’avoue que je ne pensais pas en avoir besoin un jour. Et pourtant… Je suis bien contente de l’avoir écouté ! Que ce soit pour nous conseiller ou nous accompagner, les militants de L’ASL sont des interlocuteurs essentiels pour les personnels d’éducation.

Pouvez-vous nous parler de votre situation ?

“ J’ai évoqué une prise en charge, j’étais prête à accompagner les parents pour solliciter l’aide nécessaire. Mais ils ne coopèrent pas. ”

Un petit garçon de ma classe de CE2 présente ce qui s’apparente à des « troubles du comportement ». Il n’est pas diagnostiqué, d’où les guillemets. Il est arrivé dans notre école cette année et a beaucoup de mal à s’intégrer. Il est violent verbalement et physiquement avec ses camarades, s’oppose à moi systématiquement. Il peut par exemple refuser de travailler ou de se lever pour écrire au tableau, être agressif et violent avec les autres élèves et les adultes de l’école. J’ai moi-même été victime de ses coups, ses crises de colère sont ingérables… C’est extrêmement difficile pour tout le monde. Je me sens impuissante et je me sens coupable pour les autres élèves. J’ai eu plusieurs rendez-vous avec les parents pour tenter de comprendre, faire part des problèmes rencontrés. Après plusieurs récidives de l’enfant, j’ai évoqué une prise en charge, j’étais prête à accompagner les parents pour solliciter l’aide nécessaire. Mais ils ne coopèrent pas, nient les faits et me disent que chez eux tout va bien. Que le problème vient de l’école. Ce n’est pas rare que des parents d’enfant violent soient dans le déni. Or ce déni ne fait qu’aggraver la situation. Si cet enfant est en souffrance, sa souffrance a besoin d’être entendue. Même si c’est fatigant physiquement et moralement, il n’est pas responsable, il est le premier à souffrir de son comportement qui n’engendre que mal-être pour lui et rejet des autres enfants.

J’ai été un peu plus ferme lors du dernier rendez-vous, une petite fille venait d’être agressée et blessée par l’élève en question, et il fallait trouver une solution pour que la paix revienne dans la classe, cela me pesait énormément. J’envisageais de discuter avec l’équipe de l’éventualité d’une IP [information préoccupante]. La réponse des parents ne s’est pas fait attendre. Il y a deux mois, j’ai reçu un SMS de la gendarmerie sur mon portable, m’informant que les parents avaient déposé une main courante me mettant en cause, affirmant que leur fils était harcelé par certains camarades, que j’étais au courant et que je laissais faire. Mais aussi que je faisais preuve de comportements agressifs envers lui. Je suis tombée des nues.

À quel moment avez-vous pris contact avec votre délégation ? Quel a été l’accompagnement de L’ASL ?

“ J’ai été rappelée le soir même par la délégataire qui m’a immédiatement conseillé de demander la protection fonctionnelle ”

J’ai appelé L’ASL le lendemain. Un peu en panique, j’ai expliqué la situation à la collaboratrice technique qui m’a rassurée et a ouvert un dossier. J’ai été rappelée le soir même par la délégataire qui m’a immédiatement conseillé de demander la protection fonctionnellecompte tenu du risque que la main courante ne se transforme en plainte. Je connaissais la protection fonctionnelle, mais j’ignorais qu’elle pouvait être demandée même en l’absence de plainte. La délégataire m’a expliqué en détail la marche à suivre et a proposé de m’accompagner dans la demande. J’ai contacté la direction académique et eu un entretien avec la secrétaire générale. J’ai fait un signalement dans le registre RSST (santé et sécurité au travail), informé par mail L’IEN (inspecteur de l’Éducation nationale) et effectué la demande de protection fonctionnelle.

Où en est le dossier aujourd’hui ?

“ Je suis en attente, mais j’ai bon espoir. Je suis aussi en relation régulièrement avec L’ASL. Ils suivent mon dossier, me demandent régulièrement des nouvelles. ”

La psychologue scolaire est venue me voir cette semaine à la suite d’une réunion de l’équipe éducative à laquelle je n’ai pas participé. Les parents de cet enfant se sont dit très inquiets, ils ont un autre enfant scolarisé dans notre établissement. Ils disent avoir peur pour lui, estiment que leurs enfants ne sont pas en sécurité, que l’école ne fait pas assez pour eux. Ils ont contacté le rectorat et déposé une plainte. C’est tout récent. Je suis anéantie. Leurs propos ne sont qu’un tissu de mensonges, ils me mettent personnellement en cause. Et je suis très angoissée à l’idée que ces parents entraînent d’autres familles à agir. J’ai déjà entendu parler des effets boules de neige de ce genre qui ont des conséquences dramatiques sur la vie de l’enseignant. Mon IEN me soutient, heureusement. Dès le départ, il a constaté que les reproches des parents étaient bancals et ne pouvaient pas correspondre à la réalité. Il a confiance en moi et il a dit qu’il bataillait pour que le rectorat m’accorde la protection fonctionnelle. Il semblerait que quand on est mis en cause, ce soit plus compliqué.

Je suis en attente, mais j’ai bon espoir. Je suis aussi en relation régulièrement avec L’ASL. Ils suivent mon dossier, me demandent régulièrement des nouvelles. C’est important aussi, ce soutien-là. On se sent moins seul, surtout que les militants de L’ASL ont déjà eu affaire à ce genre de cas, donc ils connaissent les rouages. J’ai rendez-vous avec la délégataire prochainement. Comme une plainte a été déposée et que je suis toujours en attente de la protection fonctionnelle, on va voir ce qu’on fait.

* Par souci d’anonymat, le prénom a été modifié

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