
Christophe A.*, professeur d’arts plastiques dans un lycée, a fait appel à L’ASL après avoir effectué un signalement. Il revient sur les faits et l’accompagnement de L’ASL.
Christophe A.*, professeur d’arts plastiques dans un lycée, a fait appel à L’ASL après avoir effectué un signalement. Il revient sur les faits et l’accompagnement de L’ASL.
“ On ne sait jamais ce qui peut arriver dans notre métier ”
Christophe A. : J’ai adhéré à L’ASL dès le début de mon activité voilà 10 ans. Mon père était lui aussi enseignant et adhérent. Il m’avait parlé de L’ASL, notamment parce qu’il avait fait appel à l’association lors d’un conflit avec un parent d’élève. C’est donc tout naturellement que j’ai pris mon adhésion. On ne sait jamais ce qui peut arriver dans notre métier, on peut avoir besoin juste de conseils, et parfois de plus. Pour ma part, je suis toujours accompagné actuellement.
“ C’est une obligation morale et légale de réagir face à une situation de danger ou de maltraitance. J’ai pris la décision de faire un signalement. ”
Il y a un peu plus d’un an, deux élèves m’ont confié être très mal à l’aise avec le comportement de leur prof d’EPS, relatant des propos tendancieux et des attouchements. Des accusations graves qui ne pouvaient être passées sous silence. J’ai alerté le proviseur du lycée, et nous avons essayé d’en savoir plus. S’agissait-il de faits réels ? D’une mauvaise interprétation ? D’autres témoignages me sont parvenus. Tout se recoupait, je croyais ces élèves. C’est une obligation morale et légale de réagir face à une situation de danger ou de maltraitance. J’ai pris la décision de faire un signalement. Mais ça n’a servi à rien. Je n’ai pas été pris au sérieux. J’ai reçu un courrier du rectorat qui mettait en cause mes relations avec l’enseignant en question, avec lequel j’avais eu une altercation. Comme si j’en avais gardé une forme de rancune et souhaitais me venger. Ce n’était pas dit ainsi, mais les allusions allaient en ce sens. Il s’est avéré que l’enseignant en question a su que j’étais à l’origine du signalement et a menacé de déposer plainte contre moi pour dénonciation calomnieuse. J’ai craint des représailles.
“ Un collaborateur m’a longuement écouté. À la suite de cela, il s’est entretenu avec la délégataire, et j’ai été rappelé dans la foulée par un militant. Ils m’ont conseillé de demander la protection fonctionnelle. ”
J’ai contacté ma délégation de L’ASL peu après avoir reçu le courrier du rectorat et que j’ai senti que mon alerte n’était pas prise au sérieux. Un collaborateur de L’ASL m’a longuement écouté. À la suite de cela, il s’est entretenu avec la délégataire, et j’ai été rappelé par un militant dans la foulée. Ils m’ont conseillé notamment de faire une demande de protection fonctionnelle. J’avoue que je connaissais vaguement cette possibilité, mais je ne savais pas ce qu’elle regroupait exactement ni comment l’actionner.
Ils m’ont expliqué les différentes mesures auxquelles j’avais le droit, indiqué la marche à suivre et accompagné dans la rédaction de la demande. J’ai donc déposé une demande sur la plateforme Colibris, mais j’ai reçu deux mois après une réponse négative. Pour le rectorat, je ne répondais pas aux conditions d’octroi, je n’étais pas considéré comme victime. Quand j’ai reçu la réponse, j’ai tenu informés mes interlocuteurs à L’ASL. Je voulais savoir ce qu’on pouvait faire en cas de refus. Pour la délégataire, il y avait un risque réel me concernant par rapport à l’agresseur que j’avais dénoncé. Surtout qu’il avait menacé de déposer plainte contre moi entre-temps. On m’a donc mis en contact avec l’un des avocats-conseil de L’ASL pour faire un recours administratif. L’avocat m’a reçu rapidement, et il m’a accompagné dans la démarche. En parallèle, il a vérifié si une plainte avait été déposée à mon encontre par l’enseignant mis en cause.
“ Je pense que j’ai fait ce qu’il fallait faire, je ne regrette pas. Ne rien dire, ça aurait été devenir complice. ”
La situation s’est envenimée. L’affaire s’est ébruitée et a commencé à enfler sur les réseaux sociaux, puis dans le journal local. De nombreux autres témoignages ont émergé, certains d’anciens élèves qui n’étaient plus scolarisés depuis longtemps. L’administration a instruit une enquête, mais sans suspendre le mis en cause. J’ai été convoqué par l’administration, mais j’ai eu le sentiment que j’aurais mieux fait de me taire. J’ai été personnellement très affecté par toute cette histoire, ça a eu un impact sur ma vie privée. L’enseignant m’a menacé à diverses reprises. Mes relations avec certains collègues se sont dégradées. Il y avait ceux qui soutenaient ma démarche, et les incrédules ou les proches de l’enseignant mis en cause qui m’en voulaient et me le faisaient payer. J’ai finalement obtenu la protection fonctionnelle qui m’a permis de demander une mutation. On ne le sait pas, mais la protection fonctionnelle, ce n’est pas seulement la prise en charge des frais d’avocats. Ça recouvre plein d’autres mesures. Les enseignants ne sont pas suffisamment informés à ce sujet, je trouve. Heureusement que j’ai été accompagné par L’ASL. D’ailleurs, je suis toujours en contact avec la délégation malgré ma mutation. Ils suivent toujours le dossier. Ce n’est pas fini. Une enquête administrative de l’inspection générale est en cours. Et les victimes ont déposé plainte. Je serai probablement amené à témoigner. Je pense que j’ai fait ce qu’il fallait faire, je ne regrette pas. Ne rien dire, ça aurait été devenir complice de ses agissements. Je ne voulais pas qu’un jour un des gamins qui s’est confié à moi frappe à ma porte en me demandant : « Vous avez fait quoi pour me protéger ? ». Mais c’est vrai que tout cela est particulièrement difficile, éprouvant. Il y a encore du travail à faire sur la protection des lanceurs d’alerte. La loi a été renforcée, mais ce sont aussi les mentalités qui doivent changer.
* Par souci d’anonymat, le prénom a été modifié
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