
Les agents de la fonction publique bénéficient d’une protection contre les attaques et violences d’une part et, d’autre part, contre les mises en causes civiles ou pénales dont ils peuvent être victimes dans l’exercice de leurs fonctions. Quelle est l’étendue de cette protection ? Dans quels cas un agent peut-il en faire la demande ? Tour d’horizon des caractéristiques de la protection fonctionnelle…
“ C’est désormais le Code général de la fonction publique (CGFP) qui encadre la protection fonctionnelle de l’agent public. ”
En vertu de l’article L134-1 du CGFP : « L’agent public ou, le cas échéant, l’ancien agent public bénéficie, à raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le Code pénal et par les lois spéciales, d’une protection organisée par la collectivité publique qui l’emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire, dans les conditions prévues au présent chapitre. »
Dans quel cas cette protection peut-elle être demandée ?
Une protection qui couvre trois aspects :
- Une protection contre les condamnations civiles prononcées à raison d’une faute de service qui n’aurait pas un caractère personnel détachable de l’exercice de ses fonctions (articles L134-1 et L134-2 du CGFP), mais qui peut prendre la forme de mesures diverses.
- Une protection lorsque la responsabilité pénale du fonctionnaire est mise en cause à l’occasion de faits commis dans l’exercice de ses fonctions et qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle (L134-4 du CGFP).
- Une protection de l’administration contre les attaques dont sont victimes les fonctionnaires et la réparation du préjudice qu’ils subissent.
Focus sur la protection de l’agent victime d’attaques
Quels faits ?
L’article L134-5 du CGFP énumère les faits contre lesquels la collectivité est tenue de défendre les agents :
- les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne ;
- les violences ;
- les agissements constitutifs de harcèlement ;
- les menaces ;
- les injures ;
- les diffamations ;
- les outrages.
La protection peut également s’exercer en cas d’attaques contre les biens des agents.
Il existe une protection particulière en cas d’atteinte aux valeurs de la république.
La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant les principes de la République et la circulaire du 9 novembre 2022 est venue renforcer cette protection dans les cas les plus graves :
“ ”
Quels faits ?
Cette protection particulière s’applique dans les situations de messages haineux en ligne et de contenus menaçants nommant un agent sur les réseaux sociaux (pétitions, diffusion d’informations personnelles, etc.), menaces ou tout autre acte d’intimidation à l’encontre d’une personne participant à l’exécution du service public de l’éducation.
Quelles conditions pour obtenir la protection fonctionnelle ?
Lorsque l’agent est victime, deux conditions cumulatives doivent être réunies :
- Un lien de causalité entre le fait générateur de l’agression/de l’attaque et les fonctions exercées par l’agent. Les faits doivent avoir eu lieu dans le cadre des fonctions de l’agent ou en raison de ses fonctions. Les attaques doivent être réelles, l’agent public devra établir la réalité des faits, le caractère intentionnel de l’attaque, son lien avec sa qualité d’agent public et l’effectivité du préjudice. Enfin, l’administration pourra refuser le bénéfice de la protection fonctionnelle (TA de Paris, 21 octobre 2022, n° 2104700) en l’absence de lien de causalité entre les fonctions exercées par l’agent et les attaques qui se sont exercées dans le cadre de la vie privée.
- L’absence de faute personnelle de l’agent
Est qualifiée de faute personnelle la faute commise par l’agent en dehors du service ou pendant le service si elle est tellement incompatible avec le service ou les « pratiques administratives normales » qu’elle revêt une particulière gravité ou révèle la personnalité de son auteur et les préoccupations d’ordre privé qui l’animent (CE du 28 décembre 2001, Valette, n° 213931). Il appartient à l’administration d’apprécier elle-même le caractère de la faute.
Lorsque l’agent est mis en cause :
- Dans le cadre des procédures civiles : articles L134-2 et L134-3 du CGFP
Sauf en cas de faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions, la responsabilité civile de l’agent public ne peut être engagée par un tiers devant les juridictions judiciaires pour une faute commise dans l’exercice de ses fonctions.
Lorsque l’agent public a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit d’attribution n’a pas été soulevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions n’est pas imputable à l’agent public, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui. - Dans le cadre des procédures pénales : article L134-4 du CGFP
Lorsque le fonctionnaire fait l’objet de poursuites pénales à raison de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions, la collectivité publique doit lui accorder la protection fonctionnelle.
Tel est le cas lorsqu’il est entendu en qualité de témoin assisté, ou lorsqu’il est placé en garde à vue ou se voit proposer une mesure de composition pénale. Quid de l’audition libre? Par une décision du Conseil constitutionnel en date du 4 juillet 2024, la haute juridiction s’est prononcée sur l’élargissement de la protection fonctionnelle lorsque l’agent est entendu sous le régime de l’audition libre.
Il convient enfin de rappeler que la circulaire du 5 mai 2008 a précisé que le fonctionnaire injustement mis en cause qui bénéficiait d’un non-lieu ou d’une relaxe peut obtenir une protection juridique pour engager une procédure de dénonciation calomnieuse ou demander des dommages et intérêts devant la juridiction civile.
En dehors de ces cas, le mécanisme de la protection fonctionnelle ne peut être mis en œuvre.
Un arrêt du Conseil d’État, du 9 décembre 2009 l’a rappelé, confirmant le rejet de la protection en matière disciplinaire, conformément à une jurisprudence établie.
En effet, la haute juridiction a relevé que l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 n’a « ni pour objet, ni pour effet d’ouvrir droit à la prise en charge par l’État des frais qu’un fonctionnaire peut engager pour sa défense dans le cadre d’une procédure disciplinaire diligentée à son encontre par l’autorité hiérarchique dont il relève ou des frais qu’il expose pour contester devant la juridiction administrative une sanction disciplinaire prise à son encontre » (CE du 9 décembre 2009, req. n° 312483).
Quelles mesures de protection ?
Lorsqu’elle accorde la protection fonctionnelle, l’administration devra indiquer selon quelles modalités elle envisage d’accorder la protection.
Celle-ci peut prendre plusieurs formes :
- Les actions de soutien et de prévention ;
- L’assistance juridique et judiciaire à l’agent ;
- La protection financière ;
- La réparation des préjudices subis.
Les actions de soutien et de prévention :
L’article L134-6 du CGFP prévoit :
“ Lorsqu'elle est informée, par quelque moyen que ce soit, de l'existence d'un risque manifeste d'atteinte grave à l'intégrité physique de l'agent public, la collectivité publique prend, sans délai et à titre conservatoire, les mesures d'urgence de nature à faire cesser ce risque et à prévenir la réalisation ou l'aggravation des dommages directement causés par ces faits. Ces mesures sont mises en œuvre pendant la durée strictement nécessaire à la cessation du risque. ”
Ces mesures visent à éviter la réalisation du dommage pour l’agent ou, si le dommage a eu lieu, ont pour but de soutenir l’agent et éviter l’aggravation du dommage.
Cela implique que l’administration peut mettre en œuvre des actions de prévention et de soutien au bénéficiaire de la protection afin d’assurer sa sécurité :
- Permettre le changement de numéro de téléphone, d’e-mail ou de service, l’information des autorités compétentes afin d’organiser une mesure de surveillance du domicile dans les cas les plus graves ;
- Demander à l’auteur des actes de les faire cesser, et s’il s’agit d’un autre agent, engager une procédure disciplinaire ;
- Favoriser la prise en charge médicale par un dispositif d’aide particulier ;
- Saisir le procureur de la République pour l’aviser des faits susceptibles de constituer un délit au sens de l’article 40 du CPP.
- Signaler sur la plateforme PHAROS tout contenu suspect ou illicite constitutif notamment de faits d’incitation à la haine ou de cyberharcèlement.
L’assistance juridique et judiciaire
- Le choix de l’avocat
L’agent est libre de choisir son défenseur. S’il n’en a pas choisi un, l’administration peut l’assister dans le choix de l’avocat.
Bon à savoir : l’administration ne peut désigner elle-même un avocat pour représenter les intérêts de l’agent, elle ne peut que le conseiller et lui communiquer les coordonnées d’un avocat inscrit dans son ressort territorial.
Dans les dossiers ouverts par l’ASL, l’avocat choisi sera en général celui du réseau d’avocats de l’ASL qui aura assisté l’adhérent dès la première consultation juridique et qui connait déjà le dossier.
- Les honoraires d’avocat
L’administration doit prendre en charge les honoraires :
– Soit elle rembourse les frais engagés par l’agent ;
– Soit elle paye directement les honoraires à l’avocat après conclusion d’une convention d’honoraires.
Bon à savoir : de jurisprudence constante, l’octroi de la protection fonctionnelle ne peut avoir pour effet de contraindre l’administration à prendre à sa charge l’intégrité des frais engagés (CE du 2 avril 2023, n °249805).
L’administration peut ainsi décider de ne rembourser à son agent qu’une partie des honoraires lorsque ceux-ci n’étaient pas nécessaires pour assurer sa défense ou que leur montant apparait manifestement excessif au regard notamment des pratiques tarifaires habituelles, des prestations effectivement accomplies, de la complexité du dossier, etc. (CE du 22 décembre 2021, n° 438918).
- Les autres mesures concernant l’assistance juridique et judiciaire
L’administration doit accorder des autorisations d’absence pour les besoins de la procédure et prendre en charge les frais de déplacement (cf. décret du 3 juillet 2006 qui fixe les modalités de remboursement des déplacements des personnels civils de l’État).
En outre, l’administration prendra en charge les frais de justice (frais d’huissier, expertise, consignation).
La protection financière
Dans le cadre de son activité professionnelle quotidienne, tout agent public peut voir engager sa responsabilité personnelle alors même qu’il ne fait qu’exécuter ses fonctions.
Dans cette hypothèse, si un agent bénéficiant de la protection fonctionnelle fait l’objet d’une condamnation par une juridiction pénale ou civile, il va pouvoir solliciter son employeur pour qu’il prenne en charge la condamnation.
L’idée est d’éviter que l’agent public ne supporte la responsabilité qui devrait normalement incomber à son employeur pour des fautes du service. Bien entendu, cette possibilité n’est envisageable que si l’agent n’a pas commis une faute personnelle détachable du service, c’est-à-dire sans lien avec l’exercice de ses fonctions.
Par ailleurs, et en cas de procédure, l’agent public sera amené à exposer des frais de procédure pour se défendre.
La protection fonctionnelle peut aussi conduire l’administration à prendre en charge les frais de procès avancés par le bénéficiaire ou avancer elle-même ces frais.