Surveillance et éducation en temps de COVID-19

Alexis C. et Osias I., respectivement AED dans des lycées publics des Deux-Sèvres et du Morbihan, tombent immédiatement d’accord sur un point : depuis un an, leur quotidien a été bouleversé. « Avec le Covid, on est constamment en train de dire aux élèves de remettre leur masque, de faire attention, de passer au bon endroit… c’est fatiguant pour nous et ça crée une distance vis-à-vis d’eux », explique Osias.

Car si le fait de surveiller les élèves, d’assurer leur sécurité, ou encore de faire respecter le règlement intérieur de l’établissement est au cœur des missions de l’AED, ce n’est souvent pas la partie qui les motive le plus. « On a surtout un rôle éducatif qui est très fort. On ne s’en rend pas toujours compte sur le moment, mais il arrive qu’on recroise un élève des années plus tard et qu’il nous dise qu’on lui a apporté une présence ou une parole qui a été importante pour lui », insiste Alexis.

Cette composante éducative, diffuse, mais réelle, se retrouve tout au long des différentes tâches de l’AED : surveillance dans la cour de l’établissement ou lors de certains devoirs, accompagnement dans les sorties scolaires, détection et régularisation des absences… Pour Osias, loin de l’image du « pion », l’AED est bien « le bras droit du conseiller principal d’éducation (CPE), celui qui est sur le terrain et en première ligne ».

Le métier d’assistant d’éducation : un  « tremplin », entre opportunité et précarité

La nature des contrats (renouvelables six ans au maximum) fait néanmoins du statut d’AED davantage une étape dans un parcours qu’un vrai métier dans lequel se projeter sur le long terme. Ainsi, il est souvent exercé, comme pour Alexis et Osias, en parallèle des études. « D’ailleurs, on n’a pas vraiment de formation », regrette ce dernier. « C’est un métier qui s’apprend surtout sur le terrain », abonde Alexis.

Si la question du projet à l’issue du contrat est bien abordée lors du recrutement, « ensuite c’est à nous de le gérer, il n’y a pas d’accompagnement », concède Alexis. Et d’ajouter : « J’ai vu des chefs d’établissement demander des dérogations pour garder un an de plus des AED qui avaient une famille à charge, le temps pour eux de se retourner… mais aucune n’a été accordée. »

Cette relative précarité du statut, qui fait que beaucoup d’AED ne sont que de passage, ne facilite pas non plus les interactions avec les autres personnels. « On est en bas de l’échelle, et on ne pense pas forcément à nous solliciter au bon moment », regrette Osias. « Malgré cela, on arrive quand même à construire de belles choses », nuance-t-il toutefois.

Devoir d’exemplarité et qualités relationnelles

Il s’agit pour eux non seulement de créer un climat de confiance avec les élèves, mais aussi de savoir travailler en équipe avec les autres personnels de l’établissement. Leurs pairs, les enseignants, les CPE, l’administration, les agents d’entretien et même les agents en cuisine : « Je travaille dans un internat alors je suis en lien avec tout le monde pour m’assurer que, quel que soit le cadre, les élèves ne débordent pas », avance Alexis.

Et le quotidien avec les élèves n’est pas toujours simple non plus. « Chaque établissement est différent, explique Osias. Là où je suis aujourd’hui, en lycée, cela se passe très bien. Mais au collège, on fait davantage de surveillance, et j’ai travaillé dans un établissement en réseau d’éducation prioritaire où c’était nettement plus compliqué. »

Avant tout, l’AED doit se montrer exemplaire face aux élèves pour asseoir son autorité. Ensuite, ce sont ses qualités relationnelles qui sont mises à l’épreuve pour apaiser les conflits. Mais il arrive aussi qu’il se sente impuissant. « Le cas typique, c’est celui du carnet de liaison où on fait remonter un comportement problématique de l’enfant, et où le parent nous répond : “mon enfant me dit que c’est faux, je ne vous crois pas », regrette Alexis.

Face aux risques et tensions, l’importance du soutien associatif

Face à ce type de situations qui peuvent, à la longue, s’avérer frustrantes, les deux AED s’accordent à dire que la présence d’un acteur comme L’ASL est précieuse. Osias en a fait l’expérience lorsque, visé par des propos racistes, il a tenu à faire comprendre à l’élève la gravité de son comportement. « La direction de mon établissement a bien réagi, mais le soutien de L’ASL a été clé pour aller plus loin avec eux et mettre en place une réponse éducative appropriée », assure-t-il.

De son côté, Alexis a pu mesurer la nécessité du réseau syndical et associatif lorsque celui-ci a épaulé un de ses collègues, accusé d’abandon de poste suite à une incompréhension avec l’administration de son établissement. « Cela aurait pu aller loin, et même jusqu’à son renvoi s’il n’avait pas été soutenu », témoigne-t-il.

Si le métier d’AED est par nature au carrefour de nombreux risques et situations conflictuelles (« La vie scolaire, c’est le bureau des plaintes », s’amuse Alexis), chacun préfère néanmoins retenir les aspects positifs de son quotidien. Rappeler que c’est l’esprit d’équipe et le projet collectif d’éducation qui compte, et qu’ils sont au cœur de celui-ci. Et Osias de conclure : « Quand la vie scolaire va bien, c’est tout l’établissement qui va bien. »