Depuis plusieurs années la société ANNUAIRE FR, dont le siège social est à Strasbourg, inonde les directeurs d’école, mais aussi toutes les professions libérales, de contrats qui les inscrivent dans son annuaire des professionnels Internet. En contrepartie cette société réclame des sommes importantes de l’ordre de 1 500 € chaque année avec inscription renouvelable par tacite reconduction. Il s’agit d’une véritable tromperie et de nombreuses plaintes ont été déposées à l’encontre de cette société. Les Autonomes de Solidarité Laïques et leur Fédération (FAS) ont comparu à plusieurs reprises en tant que témoins face aux actions commerciales de cette société.

Cet article est découpé en plusieurs parties : 
– 2014 : une première condamnation pénale importante soumise à l’appréciation de la Cour d’appel de Colmar
– 2015 : un arrêt sévère de la Cour d’appel de Colmar qui confirme la culpabilité de la société ANNUAIRE FR et de son gérant 
– Février 2016 : l’arrêt de la Cour d’appel de Colmar soumis à l’appréciation de la Cour de cassation
– Un avertissement solennel des parties civiles devant la Cour resté sans effet

2014 : une première condamnation pénale importante soumise à l’appréciation de la Cour d’appel de Colmar

Le 14 janvier 2014, le Tribunal Correctionnel de Strasbourg a condamné Monsieur Benedikt Wohlfart et la société ANNUAIRE FR pour pratiques commerciales trompeuses, ainsi que pour ventes ou achats par personne morale de produits ou prestations de service sans facturation conforme.

Le gérant est alors condamné à deux ans d’emprisonnement, dont un an avec sursis, ainsi qu’à une amende de 30 000 euros. La société ANNUAIRE FR est quant à elle condamnée à une amende de 100 000 euros et se voit infliger une interdiction d’exercer sur le territoire français, le Tribunal ordonne par ailleurs la fermeture de son établissement de Strasbourg.

2015 : un arrêt sévère de la Cour d’appel de Colmar qui confirme la culpabilité de la société ANNUAIRE FR et de son gérant

Dans son arrêt rendu en audience publique, la Cour d’appel de Colmar confirme le jugement sur la culpabilité de Monsieur Benedikt Wohlfart et de la SARL ANNUAIRE FR. Elle condamne Monsieur Benedikt Wohlfart au paiement d’une amende de 37 000 euros et prononce à son encontre une interdiction, pour une durée de cinq ans, d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle, ou une société commerciale.

La Cour a confirmé le jugement déféré sur la peine d’amende prononcé à l’égard de la SARL ANNUAIRE FR, soit la somme de 100 000 euros. Elle a en outre ordonné à l’encontre de la SARL ANNUAIRE FR et son gérant :

  • L’interdiction pour une période de cinq ans d’exercer l’activité professionnelle ayant permis la commission de l’infraction pour pratiques commerciales trompeuses.
  • La fermeture de l’établissement pour une période de cinq ans ayant servi à commettre la même infraction.
  • La publication par extrait de sa décision sur le délit de pratiques commerciales trompeuses, par diffusion d’un message informant le public, aux frais des condamnés et dans la limite de 6 000 euros par publication dans les journaux « Les dernières nouvelles d’Alsace » et « Le Monde ».

La Cour a rejeté une partie des demandes des parties civiles et fait droit à une partie des demandes des parties civiles dans les termes précisés dans un tableau qui est annexé à l’arrêt.

De façon à éviter toute confusion, il nous apparaît important de rappeler les termes précis de la condamnation rendue par la Cour d’appel de Colmar en audience publique. Il sera également intéressant de s’attacher à certains constats de la Cour qui éclaireront les agissements des prévenus.

1 – Sur le délit de pratiques commerciales trompeuses

La Cour précise qu’ il est reproché aux deux prévenus d’avoir, entre le 1er janvier 2010 et le 28 janvier 2013, commis ce délit à Strasbourg au préjudice de 1 128 victimes.

Après une analyse minutieuse de plusieurs pages, la Cour indique que la présentation du formulaire qui avait été envoyé aux futures victimes constituait une indication ou une présentation fausse ou de nature à induire en erreur, quant à la nature du service, ses caractéristiques essentielles, ses qualités substantielles, sa composition, les conditions de son utilisation en ce que le contenu et la composition du formulaire constituaient une présentation fausse ou de nature à induire en erreur sur la gamme réelle des prestations de service possibles et sur leur contenu. Cette présentation constituait également une indication ou une présentation fausse ou de nature à induire en erreur sur le prix ou le mode de calcul du prix, les conditions de vente ou de paiement au sens des dispositions légales en ce qu’elles constituaient une présentation fausse ou de nature à induire en erreur sur la possibilité de gratuité des fonctionnalités de base comme sur la possibilité de conditions tarifaires multiples et non uniques.

La Cour relève que cette campagne était assumée par Monsieur Benedikt Wohlfart qui n’a jamais contesté avoir validé les formulaires. Bien plus, il sera rendu responsable d’avoir adressé 1 332 368 envois en 2008, 12 600 en 2010.

2 – Sur le délit d’achat ou vente de produits ou prestations de service pour une activité professionnelle sans facturation conforme

La Cour rappelle que l’article L441-3 du Code de commerce prévoit que la facture mentionne la date à laquelle le règlement doit intervenir et qu’elle précise les conditions d’escompte applicable en cas de paiement à une date antérieure à celle résultant de l’application des conditions générales de vente ainsi que le taux des pénalités exigibles le jour suivant la date de règlement inscrit sur la facture. Il est précisément reproché aux prévenus d’avoir commis ce délit à Strasbourg entre le 1er janvier 2010 et le 28 janvier 2013 « en ayant établi des factures ne mentionnant pas l’escompte accordé en cas de paiement anticipé, les intérêts de retard en cas de paiement tardif »La Cour considère que ce délit est imputable tant à Benedikt Wohlfart qu’à la SARL ANNUAIRE FR dont la responsabilité est engagée par les agissements de son gérant ayant agi de manière fautive pour le compte de cette personne morale.

3 – Sur les responsabilités et les peines prononcées par la Cour

La Cour, pour prononcer les peines qui ont été ci-dessus indiquées, prend en considération que la SARL ANNUAIRE FR réalisait à l’époque des faits un chiffre d’affaire annuel d’approximativement 1 000 000 euros et actuellement de 2 000 000 euros selon « les déclarations hésitantes » du gérant devant la Cour. Toujours selon ces déclarations devant la Cour, celle-ci a constaté que la société n’employait aucun salarié en 2011 et une secrétaire en 2014 embauchée à Strasbourg.

La Cour a encore constaté que sur les 1 300 000 lettres qui avaient été envoyées pour inciter à passer commande, 6 500 avaient été retournées et sur ces retours, au moins 1 128 plaintes avaient été recensées par le Parquet de Strasbourg. La Cour précise que : « ces données illustrent l’importance des moyens financiers investis, le caractère collectif de la tromperie et l’étendue des dommages découlant des délits, en terme de trouble à l’ordre public, économique et commercial. […] Pour rentrer dans leurs fonds et réaliser une plus-value rapide, les prévenus avaient cherché un maximum de gain sur la base d’une tromperie ». La Cour poursuit : « la gestion par les prévenus des contentieux avec les plaignants témoigne également de leur froide détermination pour obtenir rapidement l’encaissement des fonds, y compris en cas de résistance des victimes ». Enfin, concernant les victimes, la Cour souligne cette appréciation suivante : « comme l’avait relevé le Tribunal de Grande Instance et comme le mettent en évidence les parties civiles, ces victimes avaient été harcelées par des mises en demeure, ce qui avait eu pour conséquence, pour certaines, le développement d’un sentiment d’angoisse et d’anxiété ».

Février 2016 : l’arrêt de la Cour d’appel de Colmar soumis à l’appréciation de la Cour de cassation

La société ANNUAIRE FR et son gérant ont formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la Cour d’appel de Colmar qui souhaite mettre un terme définitif à leurs agissements. Cela signifie que cette décision n’est pas encore définitive tant sur le plan pénal que sur le plan civil.

Un avertissement solennel des parties civiles devant la Cour resté sans effet

Devant la Cour d’appel de Colmar, Me Lagarde et le Bâtonnier Francis Lec qui représentaient une vingtaine de directrices ou directeurs d’école ayant été victimes des agissements des prévenus, ont demandé solennellement à Monsieur Wohlfart de cesser sans délai ce harcèlement moral décrit par la Cour. Force est de reconnaître qu’ils n’ont pas été entendus puisque ces procédés sont encore en cours en 2015. Ils ont rappelé que chaque directrice ou directeur d’école avait pris le soin de demander l’annulation expresse de leur soi-disant demande d’inscription obtenue dans des conditions frauduleuses. Ils ont également demandé que les prévenus cessent leurs démarches intempestives et leur véritable harcèlement pour obtenir le paiement de leurs factures qui ne reposaient sur aucun fondement juridique. Compte tenu de ce qui précède, les directrices d’école ayant fait l’objet d’un véritable harcèlement estiment que leur constitution de partie civile était recevable dès lors qu’il résultait à l’évidence un préjudice direct entre l’infraction qui était commise par les prévenus et le harcèlement supporté par les parties civiles depuis plusieurs années.

La Cour n’a pas suivi ce point de vue et a estimé qu’il n’y avait pas en l’état de préjudice direct, aucune somme n’ayant été réclamée au chef d’établissement personnellement. La Cour rappelle que dans ces circonstances, seules les communes pouvaient engager l’école concernant ces contrats litigieux.

Chacun l’a compris, il était essentiel que la voix de la Fédération, des ASL et des enseignants qui souffrent de cette situation soit entendue par la Cour. Ils l’ont été fortement et il faut espérer que la Cour de cassation rejettera le pourvoi qui a été formé. Cela mettrait un terme à l’invraisemblable défi de la société ANNUAIRE FR.