Injure et diffamation, quelle différence ? Quand elles sont commises sur internet, ont-elles un caractère public ou privé ? Et pour les réseaux sociaux ? Quelles sont les sanctions encourues ? Quelles sont les actions ouvertes aux victimes d’injures et diffamation en ligne ? Peut-on déposer plainte ? Maître Florence Lec nous éclaire sur le sujet.

Me Florence Lec

Me Florence Lec, avocat-conseil de la délégation des Hauts-de-Seine et de la délégation du Val-de-Marne, est spécialisée dans le domaine du droit civil et du droit public.

Qu’est-ce qu’une injure ?

L’injure est réprimée à l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Il s’agit de « Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ». Il peut s’agir de toute parole écrite ou expression quelconque de la pensée, adressée à une personne, dans l’intention de la blesser ou de l’offenser.

Qu’est-ce qu’une diffamation ?

La diffamation est réprimée à l’article 29 alinéa premier de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Il s’agit de « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé. » Il faut l’imputation d’un fait précis, peu importe que le fait en question soit vrai ou faux. Si la personne n’est pas expressément nommée, il faut qu’elle soit identifiable. C’est par exemple un directeur d’école qui est accusé sur  les réseaux sociaux de violences envers un élève.

 

Les injures et diffamations en ligne ont-elles un caractère privé ou public ?

L’injure et la diffamation peuvent être publiques ou privées. Ces infractions auront un caractère public dès lors qu’elles pourront être entendues ou lues par un public. En revanche, elles auront un caractère privé dès lors qu’elles seront adressées par son auteur à sa victime sans qu’aucune tierce personne ne soit présente. Ce sera aussi le cas lorsqu’elles sont prononcées par son auteur devant un cercle restreint de personnes partageant les mêmes intérêts, en la présence ou en l’absence de la victime.

 

Pouvez-vous donner un exemple ?

C’est l’exemple d’un courriel envoyé par une directrice d’école concernant le comportement d’un élève et de ses parents à l’académie et à l’inspection d’éducation nationale. La Cour de cassation estimait que ces correspondants sont liés à l’expéditeur par une communauté d’intérêts, de sorte que ces propos ne sont pas publics.

 

Et pour les propos tenus sur un réseau social ?

Pour les propos tenus sur un réseau social, l’appréciation se fait au cas par cas, au regard du nombre d’« amis » ayant accès aux propos. La diffamation et l’injure pourront être publiques si, selon le verrouillage choisi par le détenteur du compte, les propos sont accessibles à un nombre d’amis dépassant un cercle restreint ou s’ils sont en accès libre à tous. En revanche, ces propos prononcés sur un réseau social peuvent être considérés comme non publics s’ils ont été diffusés sur un compte accessible uniquement à un nombre restreint d’amis sélectionnés par l’auteur des propos ou formant une communauté d’intérêts.

 

Quelles sont les sanctions encourues ?

La diffamation et l’injure publique sont punies d’une amende de 12 000 euros pour la diffamation. L’amende est de 45 000 euros si la diffamation est dirigée contre un fonctionnaire. La peine sera portée à un 1 an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende en cas d’injure ou de diffamation publique à caractère raciste, sexiste, homophobe ou handiphobe. Depuis la loi du 24 août 2021, si ces faits d’injures contre ces personnes vulnérables sont commis par une personne chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, les peines seront alors portées à 3 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

 

Et pour la diffamation et l’injure non publique ?

La diffamation et l’injure non publiques sont punies d’une contravention de 38 euros. La peine est emportée à 1 500 euros si les infractions revêtent un caractère raciste, sexiste, homophobe ou handiphobe.

 

Quelles sont les actions ouvertes aux victimes ?

Il est possible de faire retirer un contenu sur internet. S’il s’agit d’une publication, il convient de s’adresser à l’auteur du contenu. S’il s’agit d’un  commentaire sous une publication, il conviendra de s’adresser au responsable du site ou du réseau social sur lequel se trouve le commentaire. S’il refuse de retirer ses propos, il conviendra de  s’adresser à l’hébergeur. Si, toutefois, celui-ci ne retire pas le contenu signalé, il est possible de faire un signalement dans un cadre judiciaire et, en cas d’urgence et de préjudice évident, la voie du référé pourra être utilisée. Enfin, il est également possible de signaler à la police et à la gendarmerie des propos diffamatoires ou injurieux sur internet si on est témoin ou victime à travers la plateforme en ligne PHAROS.

 

Peut-on déposer plainte ?

Oui, il est possible de déposer plainte contre l’auteur de propos diffamatoires ou injurieux. Attention, l’injure et la diffamation font l’objet d’un régime particulier avec une prescription très courte, de 3 mois à 1 an, lorsqu’elles sont dirigées contre les personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, nation, race, religion, sexe ou handicap. S’agissant de publication sur internet, il faut aller vite, car elles peuvent être retirées aussi vite qu’elles ont été publiées. Je conseille de conserver la preuve du contenu par la voix du constat d’huissier. On peut déposer plainte au commissariat, mais il est plutôt conseillé, pour éviter que la prescription soit acquise, de déposer une plainte avec constitution de partie civile ou de saisir directement la juridiction par le biais d’une citation directe. Dans ce cadre, L’Autonome de Solidarité laïque et les avocats du réseau apporteront tous les conseils nécessaires afin de vous accompagner dans ces démarches.

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