
Selon le dernier baromètre de L’Autonome de Solidarité Laïque*, les personnels de direction – principaux en collège, proviseurs en lycée – sont trois fois plus exposés aux litiges que les enseignants. En première ligne face aux menaces pesant sur les établissements depuis quelques années, ils évoluent dans un contexte de fortes pressions : injonctions administratives, exigences de sécurité, responsabilité pénale, tensions avec les familles. Zoom sur les missions et les risques professionnels des chefs d’établissement, et l’accompagnement de L’ASL à travers des situations concrètes.
Des missions élargies au sein des collèges et des lycées
“ Le chef d’établissement représente l'État au sein de l'établissement. Il est l’organe exécutif de l’établissement. ”
Le chef d’établissement représente l’État au sein de l’établissement. Il est l’organe exécutif de l’établissement. C’est le principal du collège ou le proviseur du lycée. Le chef d’établissement est nommé par le ministre de l’Éducation et représente l’État dans l’établissement ; il dispose de l’autorité exécutive et de missions larges qui sont précisées aux articles R421-8 à R421-13 du Code de l’éducation1.
Ces missions ont été amplifiées par les récentes évolutions législatives et réglementaires, notamment par le décret n° 2023-782 du 16 août 20232. Le chef d’établissement est aujourd’hui en première ligne pour lutter contre le harcèlement scolaire, le cyberharcèlement et faire respecter les valeurs de la République ainsi que la laïcité : autant de missions qui l’exposent et qui rendent indispensable une vigilance juridique constante.
Gestion administrative
Le chef d’établissement représente l’État dans tous les actes civils et en justice, sous autorité du conseil d’administration (articles R421-8 à R421-13 du Code de l’éducation1).
Il ordonne les dépenses et recettes, prépare et exécute le budget, signe les contrats et conventions.
Sécurité, hygiène
Le chef d’établissement doit :
- assurer la sécurité des élèves, du personnel et des visiteurs ;
- initier le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), contrôler et faire exécuter les remédiations des défaillances (équipements, locaux, etc.) ;
- Déployer le plan particulier de mise en sûreté (PPMS) et pouvoir interdire l’accès ou suspendre les activités en cas d’urgence.
Coordination des dispositifs de sécurité et de prévention
Le chef d’établissement :
- collabore avec la police et la gendarmerie, organise les diagnostics de sécurité, nomme un correspondant, et fait appel à des équipes mobiles de sécurité ;
- Met en œuvre des plans de prévention, hygiène et santé au travail (DUERP, par exemple).
Maintien de l’ordre et discipline
Le chef d’établissement est garant de l’ordre public au sein de l’établissement et responsable de l’application du règlement intérieur.
Il dirige la procédure disciplinaire, fixe les mesures conservatoires et organise le conseil de discipline.
Encadrement pédagogique et relations humaines
Le chef d’établissement :
- pilote le projet d’établissement, coordonne les équipes pédagogiques, veille à l’inclusion et à l’orientation des élèves ;
- fait le lien entre les enseignants, élèves, familles et partenaires.
Missions élargies par le décret du 16 août 2023
Le décret n° 2023-782 du 16 août 20232 a renforcé le rôle des chefs d’établissement :
- en matière de harcèlement scolaire : il a l’obligation d’engager des procédures disciplinaires en cas de harcèlement ou de cyberharcèlement, y compris lorsque l’élève victime est scolarisé dans un autre établissement scolaire ;
- en matière de laïcité : il a l’obligation d’engager une procédure disciplinaire lorsque l’élève commet « un acte portant une atteinte grave aux principes de la République », notamment au principe de laïcité.
De multiples risques du métier
“ Sur le terrain civil, le chef d’établissement (principal ou proviseur) doit répondre, comme tout membre du personnel d’éducation, des dommages causés ou subis par les élèves sous leur surveillance. ”
Les principaux de collège et les proviseurs de lycée exercent des fonctions qui les exposent à des responsabilités multiples, d’ordre civil, pénal et administratif, notamment dans le contexte du harcèlement scolaire, ou encore du respect de la laïcité.
Il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 421-93 du Code de l’éducation, le principal de collège, tout comme le proviseur de lycée, représentent l’établissement en justice et dans tous les actes de la vie civile.
Sur le terrain civil
Le chef d’établissement (principal ou proviseur) doit répondre, comme tout membre du personnel d’éducation, des dommages causés ou subis par les élèves sous leur surveillance. Cela s’étend aux dommages matériels, corporels ou moraux causés à des tiers ou entre élèves pendant le temps scolaire ou lors d’activités encadrées.
Toutefois, conformément à l’article 911-44 du Code de l’éducation, l’action en responsabilité exercée par la victime, ses parents ou ses ayants droit sera intentée contre l’État et sera portée devant le tribunal de l’ordre judiciaire du lieu où le dommage a été causé et dirigée contre l’autorité académique compétente, c’est-à-dire la rectrice ou le recteur d’académie.
La responsabilité pénale du chef d’établissement
Elle peut être engagée dans plusieurs situations :
Par exemple, en cas d’atteinte directe ou indirecte à l’intégrité d’un élève (par action ou négligence grave) ; en cas de manquement à l’obligation de sécurité et de surveillance (article L121-3 du Code pénal5, loi Fauchon6). En matière de harcèlement scolaire, sa responsabilité pourra être engagée si l’établissement ne prévient pas ou ne sanctionne pas des faits pourtant signalés.
D’ailleurs, ce contentieux relatif à la gestion de faits de harcèlement scolaire pourra également être portée devant les juridictions administratives sur le terrain d’une faute de service. Les décisions prises par le conseil de discipline, par exemple dans les cas d’exclusion d’un élève (pour des faits de violences, de port de tenue manifestant une appartenance religieuse, etc.), pourront également être contestées devant le juge administratif.
Ainsi, les missions du chef d’établissement l’exposent et, bien qu’il parvienne souvent à régler des litiges par le dialogue, il peut malheureusement être victime de mises en cause injustifiées, ou même d’atteintes graves contre sa personne.