Les risques spécifiques aux chef.fe.s d’établissement

  • Publié le 30/07/2025
  • Temps de lecture : 10 min

Selon le dernier baromètre de L’Autonome de Solidarité Laïque, les personnels de direction – principaux en collège, proviseurs en lycée – sont trois fois plus exposés aux litiges que les enseignants. En première ligne face aux menaces pesant sur les établissements depuis quelques années, ils évoluent dans un contexte de fortes pressions : injonctions administratives, exigences de sécurité, responsabilité pénale, tensions avec les familles. Zoom sur leurs responsabilités, les risques encourus et l’accompagnement de l’ASL à travers des situations concrètes.

Des missions élargies

“ Le chef d’établissement représente l'État au sein de l'établissement. Il est l’organe exécutif de l’établissement. ”

Le chef d’établissement représente l’État au sein de l’établissement. Il est l’organe exécutif de l’établissement. C’est le principal du collège ou le proviseur du lycée. Le chef d’établissement est nommé par le ministre de l’Éducation et représente l’État dans l’établissement ; il dispose de l’autorité exécutive et de missions larges qui sont précisées aux articles R. 421 8 à R. 421 13 du Code de l’Éducation.

Ces missions ont été amplifiées par les récentes évolutions législatives et réglementaires notamment par le décret n°2023-782 du 16 août 2023. Le chef d’établissement est aujourd’hui en première ligne pour lutter contre le harcèlement scolaire, le cyberharcèlement et faire respecter les valeurs de la République et la laïcité, autant de missions qui l’exposent et qui rendent indispensables une vigilance juridique constante.

Gestion administrative

Le Chef d’établissement représente l’État dans tous les actes civils et en justice, sous autorité du Conseil d’administration (articles R. 421-8 à R. 421 13)
Il ordonne les dépenses et recettes, prépare et exécute le budget, signe les contrats et conventions.

Sécurité, hygiène

Le Chef d’établissement doit :

  • Assurer la sécurité des élèves, du personnel et des visiteurs
  • Initier le Document Unique d’Évaluation des Risques (DUERP), contrôler et faire exécuter les remédiations des défaillances (équipements, locaux, etc.
  • Déployer le Plan Particulier de Mise en Sûreté (PPMS) et pouvoir interdire l’accès ou suspendre les activités en cas d’urgence

Coordination des dispositifs de sécurité et de prévention

Le Chef d’établissement :

  • Collabore avec la police/gendarmerie, organise les diagnostics de sécurité, nomme un correspondant, et fait appel à des équipes mobiles de sécurité
  • Met en œuvre des plans de prévention, hygiène et santé au travail (DUERP,…)

Maintien de l’ordre et discipline

Le Chef d’établissement est garant de l’ordre public au sein de l’établissement, responsable de l’application du règlement intérieur
Il dirige la procédure disciplinaire, fixe les mesures conservatoires et organise le conseil de discipline

Encadrement pédagogique et relations humaines

Le Chef d’établissement :

  • Pilote le projet d’établissement, coordonne les équipes pédagogiques, veille à l’inclusion et à l’orientation des élèves
  • Fait le lien entre les enseignants, élèves, familles et partenaires.

Missions élargies par le décret du 16 août 2023

Le décret n° 2023-782 du 16 août 2023 a renforcé le rôle des chefs d’établissement :

  • En matière de harcèlement scolaire : il a l’obligation d’engager des procédures disciplinaires en matière de harcèlement ou de cyberharcèlement y compris lorsque l’élève victime est scolarisé dans un autre établissement scolaire.
  • En matière de laïcité : il a l’obligation d’engager une procédure disciplinaire lorsque l’élève commet « un acte portant une atteinte grave aux principes de la République », notamment au principe de laïcité.

Des risques multiples pour le Chef d’Établissement

“ Sur le terrain civil, le chef d’établissement (principal ou proviseur) doit répondre, comme tout membre du personnel d’éducation, des dommages causés ou subis par les élèves sous leur surveillance. ”

Les principaux de collège et les proviseurs de lycée exercent des fonctions qui les exposent à des responsabilités multiples, d’ordre civil, pénal et administratif, notamment dans le contexte du harcèlement scolaire, ou encore du respect de la laïcité.

A titre liminaire, il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 421-9 du code de l’éducation, le principal de collège tout comme le proviseur de lycée représentent l’établissement en justice et dans tous les actes de la vie civile.

Sur le terrain civil

Le chef d’établissement (principal ou proviseur) doit répondre, comme tout membre du personnel d’éducation, des dommages causés ou subis par les élèves sous leur surveillance. Cela s’étend aux dommages matériels, corporels ou moraux causés à des tiers ou entre élèves pendant le temps scolaire ou lors d’activités encadrées.

Toutefois, conformément à l’article 911-4 du code de l’éducation, l’action en responsabilité exercée par la victime, ses parents ou ses ayants droit sera intentée contre l’État, et sera portée devant le tribunal de l’ordre judiciaire du lieu où le dommage a été causé et dirigée contre l’autorité académique compétente, c’est-à-dire le Recteur ou la Rectrice d’académie.

La responsabilité pénale du chef d’établissement

Elle peut être engagée dans plusieurs situations :
Par exemple, en cas d’atteinte directe ou indirecte à l’intégrité d’un élève (par action ou négligence grave) ; en cas de manquement à l’obligation de sécurité et de surveillance (article L121-3 Code pénal, loi Fauchon). En matière de harcèlement scolaire, sa responsabilité pourra être engagée si l’établissement ne prévient pas ou ne sanctionne pas des faits pourtant signalés.
D’ailleurs, ce contentieux relatif à la gestion de faits de harcèlement scolaire pourra également être portée devant les juridictions administratives sur le terrain d’une faute de service. Les décisions prises par le conseil de discipline, par exemple dans les cas d’exclusion d’un élève (pour des faits de violences, de port de tenue manifestant une appartenance religieuse etc…), pourront également être contestées devant le juge administratif.

Ainsi, les missions du chef d’établissement l’exposent et bien qu’il parvienne souvent à régler des litiges par le dialogue, il peut malheureusement être victime de mises en cause injustifiées ou même d’atteintes graves contre sa personne.

Cas concret #1 : Antoine B., mis en cause par un parent à la suite d’une décision en conseil de discipline

Le contexte

Dans un collège, Antoine B, le principal, a dirigé la procédure disciplinaire à l’encontre d’un élève de 4ème ayant tenu de façon récurrente des propos à caractère raciste et homophobe à l’encontre d’un professeur. Il a par ailleurs activement participé à une tentative d’encerclement de ce même professeur, avec d’autres élèves. Le Conseil de Discipline a statué sur le comportement de cet élève et décidé de son exclusion définitive de l’établissement, comme pour les autres élèves concernés. La procédure a été menée conformément au cadre réglementaire, avec convocation des parties, consultation des représentants et délibération formelle.

Malgré cela, le père de l’élève a contesté la décision. Il en a fait appel auprès de l’autorité académique compétente, puis a saisi le Procureur de la République, accusant Antoine B de « dénonciation calomnieuse » et de « faux et usage de faux ». Le chef d’établissement, mis en cause publiquement, et redoutant une procédure pénale a fait appel à L’ASL.

L’accompagnement de L’ASL

Des conseils et des renseignements juridiques professionnels

  • Monsieur B a contacté L’ASL afin d’avoir les premiers éléments de réponses face à cette situation. Après un premier échange téléphonique, Monsieur B a été très rapidement en contact avec un militant de L’ASL qui a pu l’écouter et le rassurer. Il lui a rappelé, dans un premier temps, que les actes posés dans le cadre d’un Conseil de Discipline sont collégiaux, réglementaires, et ne peuvent être assimilés à une infraction pénale en l’absence de faux intentionnels ou de propos mensongers. Ces premiers éléments ont permis de rassurer monsieur B quant aux éventuelles suites judiciaires.
  • Le militant de L’ASL lui a ensuite conseillé de prendre l’attache des services du rectorat (médecin de prévention, assistante sociale des personnels) compte tenu de l’impact que cette situation avait sur son état de santé. Il lui a bien évidemment rappelé la nécessité de solliciter la protection fonctionnelle
  • La gravité des chefs d’accusation signalés par les parents – bien qu’infondés – a conduit L’ASL à transmettre le dossier à son service juridique national qui a proposé une rencontre dans le cadre d’une consultation juridique organisée (CJO) avec un avocat-conseil spécialisé.

Un accompagnement de bout en bout

  • La délégation est restée en lien régulier avec M. B. pour assurer un suivi attentif de l’évolution du dossier et de la situation sur le terrain. Monsieur B. a ainsi signalé que d’anciens élèves rodaient autour de son véhicule et de son domicile, craignant pour sa sécurité. L’ASL a conseillé à M.B de consigner tous les éléments en lien avec cette situation et d’en informer par écrit sa hiérarchie notamment par signalement dans le registre Santé et Sécurité au Travail.
  • Conformément à ses droits en tant que fonctionnaire d’État, M. B. a donc sollicité la protection fonctionnelle auprès du rectorat. L’ASL l’a accompagné dans cette démarche. Ce dispositif lui a garanti la prise en charge des frais de défense par l’administration et le soutien officiel de celle-ci en cas de procédure.
  • Au-delà de l’analyse juridique indispensable pour poser le cadre de la situation, M.B. a pu compter sur la disponibilité et le soutien de L’ASL à chaque fois qu’il l’a sollicitée. L’ASL a par ailleurs exercé une vigilance particulière face à l’impact psychologique et sécuritaire ressenti par l’adhérent en l’appelant régulièrement pour avoir de ses nouvelles.

L’intervention de l’avocat-conseil

  • Face à cette situation et à l’inquiétude légitime du principal, un rendez-vous de consultation juridique a rapidement été fixé avec l’avocat-conseil de sa délégation.
  • Tout d’abord, il a été nécessaire qu’Antoine B communique l’ensemble des pièces du dossier à son avocat-conseil. Ensuite, celui-ci a pu notamment les examiner et observer que l’ensemble des règles qui régissent la procédure disciplinaire a bien été respecté.
  • En ce qui concerne les actions qui auraient été entreprises par les parents sur le terrain de la dénonciation calomnieuse et des faits de faux et usage de faux, il conviendra de vérifier si le procureur de la République a effectivement été saisi de ces actions. Si tel était le cas, l’avocat-conseil a informé Antoine B qu’il pourrait être entendu prochainement par les services de police, probablement sous le régime de l’audition libre. Le cas, échéant, il a conseillé à Antoine B de le prévenir dans les plus brefs délais afin qu’il l’accompagne lors de cette audition où il veillera au bon respect de la procédure, des droits d’Antoine B et pourra déposer des observations.

Cas concret #2 : Sandrine G., menacée de mort par un parent d’élève

Le contexte

Sandrine G., proviseure ainsi que le CPE de l’établissement, ont été visés par des menaces de mort proférées à deux reprises à quelques mois d’intervalle par la mère d’une élève. Ces menaces faisaient suite à une interdiction de la proviseure concernant l’élève de porter une abaya dans l’établissement scolaire, conformément au règlement intérieur et aux directives ministérielles.

Sandrine G. a déposé plainte le jour même de l’agression verbale sur les conseils de L’ASL qui a suivi le dossier.

L’accompagnement de L’ASL

Des conseils et des renseignements juridiques professionnels

  • Dès son appel, le jour même, la délégation de L’ASL lui a apporté un premier niveau d’écoute, de soutien moral et des conseils sur les démarches à entreprendre, notamment la demande de protection fonctionnelle, le dépôt de plainte, la rédaction d’un signalement circonstancié, et l’importance de faire remonter les faits à l’autorité hiérarchique.
  • L’équipe de L’ASL a mis Sandrine G. en contact avec l’avocat-conseil de la délégation qui l’a accompagnée dans le dépôt de sa plainte.

Un dossier suivi pas à pas

  • La délégation est restée en contact avec Sandrine G. tout au long de la procédure. Elle l’a assistée dans ses démarches auprès de l’administration, notamment pour l’activation de la protection fonctionnelle. Ce soutien a permis de garantir la prise en charge des frais d’avocat.
  • Durant la procédure civile et pénale, Mme G. a été accompagnée par l’avocat-conseil de sa délégation.

L’accompagnement par un avocat-conseil

  • Dans ce dossier, l’avocat-conseil avait pu conseiller notre adhérente pour le dépôt de plainte.
  • Il a ensuite pu rassurer la proviseure en l’informant du placement en garde à vue puis du placement sous contrôle judiciaire du parent d’élève. La mesure de contrôle judiciaire prévoyait une interdiction d’entrer en contact avec les victimes.
  • Le Procureur ayant décidé de renvoyer quelques mois plus tard la prévenue devant le tribunal correctionnel, l’avocat-conseil et la proviseure ont pu préparer l’audience à l’occasion de plusieurs réunions de travail. Il s’agissait notamment de rassembler toutes pièces et témoignages permettant de démontrer la culpabilité de la prévenue mais aussi et surtout de démontrer les préjudices subis par notre adhérente (en l’occurrence un préjudice moral important). Enfin, il s’agissait pour l’avocat-conseil de rassurer et d’informer Madame G sur le déroulé d’un procès pénal, qui est souvent une véritable épreuve pour les victimes.
  • Le tribunal a fait droit aux demandes de la proviseure et l’avocat-conseil s’est ensuite chargé de faire exécuter la décision qui n’a pas été frappée d’appel.
Sources
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dossier