Selon le dernier baromètre de L’Autonome de Solidarité Laïque1, les directrices et directeurs d’école sollicitent deux fois plus L’ASL au regard de leur nombre (près de 20 % des demandes alors qu’ils ne représentent que 4,7 % des adhérents) que les chefs d’établissement ou les enseignants. Ces chiffres révèlent leur surexposition aux risques professionnels. Directrices et directeurs d’école apparaissent en première ligne, avec un rôle qui dépasse de loin la simple coordination pédagogique : garants de la sécurité, interlocuteurs des familles, référents institutionnels, ils assument aujourd’hui des responsabilités accrues, susceptibles de les exposer personnellement, en particulier en situation de conflits. Focus sur les missions et les risques professionnels des directeurs d’école, souvent méconnus, et sur l’accompagnement essentiel proposé par L’ASL.

Des missions élargies au sein des établissements

“ Les missions du directeur d’école (...) comportent trois volets : le pilotage pédagogique, le bon fonctionnement de l’école et les relations avec les partenaires. ”

Le métier de directeur d’école comporte des enjeux et des risques particuliers, qui peuvent avoir une incidence sur le plan juridique.
Les missions du directeur d’école, qui sont précisées notamment dans la circulaire du 1er décembre 20142 dite « Référentiel métier des directeurs d’école » comportent trois volets : le pilotage pédagogique, le bon fonctionnement de l’école et les relations avec les partenaires.
Ces missions ont été élargies par les récentes évolutions législatives, notamment la loi Rilhac du 21 décembre 20213 et les décrets des 144 et 16 août 20235, qui modifient le cadre de l’autorité du directeur tout en précisant de nouvelles obligations liées à cette fonction.

Sécurité des personnes et des biens

Le directeur est responsable de la sécurité des élèves et du personnel dans l’enceinte de l’établissement. À ce titre, il est responsable de :

  • l’organisation des dispositifs d’alerte et d’évacuation (PPMS, exercices incendie…) ;
  • le déclenchement de procédures en cas de harcèlement (ex. : cellule pHARe) ;
  • la prévention des accidents dans les locaux ou la cour ;
  • l’organisation de la surveillance ;
  • etc.

Une défaillance peut entraîner une mise en cause, parfois injustifiée, devant les autorités administratives ou judiciaires.

Hygiène et salubrité des locaux

Bien que les locaux soient sous la responsabilité de la commune, le directeur a l’obligation d’alerter en cas de manquement constaté à l’hygiène, à la propreté ou à la sécurité sanitaire. Il est également l’interlocuteur de la mairie pour faire remonter ces situations, ce qui peut le placer en position délicate.

Autorité et pilotage

Le directeur est également garant du bon fonctionnement pédagogique et organisationnel de l’école :

  • Répartition des services,
  • Gestion des emplois du temps,
  • Coordination de l’équipe pédagogique.

Cette autorité fonctionnelle, parfois mal perçue, l’expose à des conflits relationnels internes ou à des contestations de décisions, notamment dans les situations de tension avec les familles ou les personnels.

Relations avec les parents d’élèves

La directrice ou le directeur joue un rôle d’interface entre l’institution et les familles. Dans les cas sensibles (harcèlement, conflits interpersonnels…), il est souvent le premier exposé aux critiques, à la pression, voire à des plaintes injustifiées. Cette position « en première ligne » est souvent vécue comme un isolement et un stress professionnel important.

Autorité et nouveaux risques liés à la loi Rilhac

Depuis l’entrée en vigueur des décrets des 14 et 16 août 2023 :

  • Le directeur dispose d’une autorité fonctionnelle sur l’ensemble des personnes présentes dans l’école pendant le temps scolaire, mais il ne s’agit pas d’une autorité hiérarchique.
  • Il a la possibilité, à titre conservatoire, de suspendre l’accès à l’établissement pour un élève dont le comportement présente un risque, dans le cadre strict prévu par la loi.

Cette extension des pouvoirs s’accompagne d’un accroissement du risque juridique, le directeur étant tenu d’appliquer de façon rigoureuse les procédures prévues par la réglementation.
En conséquence, le directeur d’école peut voir sa responsabilité engagée au niveau civil, pénal ou encore administratif.

Des risques du métier accrus

“ La responsabilité pourra, par exemple, être recherchée sur le terrain civil s’il cause personnellement un préjudice (faute de surveillance), ou si un élève subit un préjudice alors qu’il était sous la surveillance du personnel éducatif. ”

Ces missions élargies pour le directeur d’école sont autant de zones de risques où leurs responsabilités peuvent être mises en jeu.

La responsabilité pourra, par exemple, être recherchée sur le terrain civil s’il cause personnellement un préjudice (faute de surveillance), ou si un élève subit un préjudice alors qu’il était sous la surveillance du personnel éducatif.

Toutefois, conformément à l’article L911-4 du Code de l’éducation6, il ne pourra être attrait devant une juridiction civile, l’État est substitué à l’agent devant le tribunal judiciaire en matière civile.

Au niveau pénal, la responsabilité est personnelle et le directeur d’école pourra voir sa responsabilité engagée, par exemple en cas d’infractions volontaires ou involontaires liées à une faute grave (blessures, mise en danger d’autrui…), en cas de non-respect des obligations de sécurité ou de signalement d’un danger avéré.

Enfin, sa responsabilité pourra être engagée devant les tribunaux administratifs, par exemple en cas de défaut dans l’organisation du service ou d’incident ayant trait au fonctionnement général de l’école.

Cas concrets liés aux missions et risques professionnels des directeurs d’école

Élise H., mise en cause par des parents à la suite d’un signalement de harcèlement scolaire

Le contexte

Élise H., directrice d’une école élémentaire, a été sollicitée par des parents persuadés que leur enfant était victime de harcèlement. Bien qu’elle n’ait pas identifié d’éléments probants, elle a appliqué strictement la procédure en vigueur en sollicitant l’activation de la cellule pHARe. Cette cellule, composée d’intervenants extérieurs à l’école (directeurs de circonscription, conseillers pédagogiques…), a mené une enquête et conclu à l’absence de situation de harcèlement caractérisé.

Cette issue ne satisfaisant pas les parents, ces derniers ont déposé une main courante à l’encontre de la directrice et l’en ont informée, l’accusant de passivité face à une situation de danger et la menaçant de porter plainte. Par la suite, le climat s’est tendu : d’autres familles, influencées par les parents, ont en effet annoncé leur intention d’agir de même. La directrice craignant alors de se retrouver convoquée dans le cadre d’une procédure judiciaire, malgré son strict respect du cadre réglementaire, a contacté L’ASL pour être informée et accompagnée.

L’accompagnement de L’ASL

Des renseignements juridiques professionnels
• Dès la prise de contact avec la collaboratrice de L’ASL départementale, Élise H. a pu décrire la situation vécue, les démarches entreprises, les craintes ressenties et l’absence de réponse à ses interrogations. Elle a pu ouvrir un dossier, et a été orientée vers un militant de l’association pour un accompagnement global. Ce dernier l’a rassurée sur la portée d’une main courante, qui n’est pas une plainte et ne produit aucun effet juridique immédiat, et l’a confortée dans les démarches déjà accomplies en lui confirmant la règlementation en vigueur. Il lui a apporté tous les conseils nécessaires pour qu’elle puisse entreprendre toutes les démarches lui permettant d’avoir le soutien de sa hiérarchie : demande de protection fonctionnelle, signalement dans le registre santé et sécurité au travail (RSST), déclaration d’accident de service (même sans arrêt de travail), aide du service social des personnels, du médecin de prévention, puisque cette situation a un impact certain sur son état de santé.

• L’équipe de la délégation l’a aussi informée des possibles suites judiciaires et des démarches à entreprendre le cas échéant.
Compte tenu de la sensibilité du dossier et du risque d’un dépôt de plainte à son encontre, le militant a contacté le service juridique national de L’ASL, afin de s’assurer que toutes les implications potentielles de la situation avaient bien été anticipées, notamment en cas d’audition ou d’évolution vers une procédure pénale.

Un accompagnement de bout en bout

• Le dossier d’Élise H. a été suivi dans la durée par L’ASL, qui est restée en lien avec l’adhérente pour assurer le conseil en fonction de l’évolution de la situation et rester à ses côtés.
• Devant la crainte d’un dépôt de plainte et d’une convocation, L’ASL a proposé l’intervention d’un avocat-conseil de son réseau, qui est un expert du droit de l’éducation. L’équipe de L’ASL a également rappelé l’intérêt d’activer la protection fonctionnelle auprès de l’administration, ce que la directrice a pu obtenir sans difficulté grâce à l’appui de L’ASL. Ce dispositif, prévu par la loi, permet notamment la prise en charge des frais d’avocat.

L’intervention de l’avocat-conseil

Face à cette situation, l’avocat-conseil a reçu Élise H., afin de faire le point sur les diligences qu’elle a effectuées face à cette problématique de harcèlement supposé (a-t-elle bien suivi le protocole pHARe à mettre en œuvre : écoute des protagonistes, informations des parents, suivi de la situation post-évènement) ? A-t-elle pris attache auprès de sa hiérarchie ?

En l’état actuel du dossier, seule une main courante aurait été déposée contre elle.
L’avocat a rassuré Élise H. sur le fait qu’elle ne sera donc pas entendue par les services de police. Toutefois, si les parents devaient déposer plainte, Élise sera prochainement entendue par un officier de police judiciaire, probablement sous le régime de l’audition libre. Le cas échéant, il conviendra qu’elle soit accompagnée de l’avocat-conseil qui assistera à ses côtés à cette audition, veillera au bon déroulé de celle-ci et pourra présenter ses observations.

Pour sa défense, Élise H. pourra également recourir à une lettre comminatoire afin que cessent les accusations injustifiées des parents face à une situation que cette adhérente a parfaitement su analyser et gérer.

Laurent D., mis en cause à la suite d’un accident dans la cour de récréation

Le contexte

Tandis qu’il participait à une activité physique spontanée dans la cour, un élève de CE1 a chuté durant la récréation. L’enfant, souffrant de troubles de la psychomotricité, s’est blessé au niveau du genou et a dû être opéré. Bien que l’intervention des adultes ait été jugée rapide et conforme, l’évolution post-opératoire est restée compliquée, et l’élève a conservé des séquelles.

Estimant que l’école aurait pu agir plus vite ou prévenir l’accident, les parents ont assigné le directeur de l’école, Laurent D., qui n’a pas commis de faute dans l’organisation de la surveillance et a respecté les obligations en la matière. Cette assignation devant le juge civil aux fins de désignation d’un expert (en l’occurrence un médecin) a suscité de fortes inquiétudes de la part du directeur, d’autant que la procédure a par la suite révélé une incompréhension du cadre juridique applicable.

L’accompagnement de L’ASL

Des conseils pour rassurer l’adhérent face à une situation d’urgence.
• Le militant de L’ASL a expliqué à Laurent D. que la responsabilité civile des enseignants et des directeurs est, selon la loi du 5 avril 19377, substituée par celle de l’État. À ce titre, ni un enseignant ni un directeur ne peuvent être directement assignés devant le juge civil. Ce rappel a permis de dissiper les premières inquiétudes.
• L’adhérent, qui a reçu par voie d’huissier une assignation devant le tribunal judiciaire, a immédiatement adressé ce document à L’ASL, qui l’a mis en contact avec l’avocat-conseil de la délégation qui a assuré la défense du directeur.

Un dossier suivi pas à pas
• L’ASL est restée aux côtés de Laurent D. tout au long de la procédure. Elle l’a assisté dans ses démarches auprès de l’administration, notamment pour l’activation de la protection fonctionnelle. Ce soutien a permis de garantir la prise en charge des frais d’avocat.
• Le dossier a été suivi de la première instance jusqu’à son terme, en appel par un avocat-conseil du réseau de L’ASL

L’accompagnement par un avocat-conseil

Laurent D. a été mis en relation avec un avocat-conseil de L’ASL. L’avocat a pu rassurer le directeur d’école et lui rappeler les dispositions protectrices de la loi de 19377 (désormais codifiées à l’article L911-4 du Code de l’éducation8) et le principe de substitution de l’État. Ce principe prévoit que l’action en responsabilité civile portée devant le tribunal judiciaire du lieu du dommage doit être dirigée contre l’autorité académique compétente, c’est-à-dire la rectrice ou le recteur, et jamais à l’encontre d’un membre de l’enseignement.

En conséquence, l’action intentée contre le directeur a du être déclarée irrecevable. Dans ce dossier, il a fallu attendre toutefois un arrêt de cour d’appel pour que notre adhérent soit mis hors de cause. Les requérants ont par ailleurs été condamnés à payer la somme de 2 000 euros au titre des frais de justice, ainsi qu’aux entiers dépens, c’est-à-dire les timbres fiscaux et les frais de constat d’huissier.

La procédure a duré moins d’un an entre l’assignation de première instance et l’arrêt de cour d’appel, ce qui est remarquable. Toutefois, elle a constitué une véritable « épée de Damoclès » sur le dos de notre adhérent, qui s’est vu convoquer devant un tribunal, pour la première fois de sa carrière, après 30 ans dans l’Éducation nationale. Cette procédure était d’autant plus anxiogène que les parents d’élèves réclamaient des dommages et intérêts au directeur pour un montant de 5 000 euros pour procédure abusive ; ils ont naturellement été déboutés de cette demande.

Face à cette procédure, notre adhérent a toutefois pu compter sur l’accompagnement et le soutien du duo « L’ASL et son avocat-conseil » pendant tout le temps de cette procédure.

Sources
  1. Baromètre de L’ASL 2023-2024
  2. Circulaire du 1er décembre 2014 dite « Référentiel métier des directeurs d’école »
  3. Loi Rilhac du 21 décembre 2021
  4. Décret n° 2023-777 du 14 août 2023 relatif aux directeurs d’école
  5. Décret n° 2023-782 du 16 août 2023 relatif au respect des principes de la République et à la protection des élèves dans les établissements relevant du ministre chargé de l’Éducation nationale
  6. Article L911-4 du Code de l’éducation
  7. Loi du 5 avril 1937
  8. Article L911-4 du Code de l’éducation
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