Comment se caractérisent les conduites addictives ?

Pour Béatrice Martinez, infirmière scolaire dans le bassin de Narbonne et secrétaire générale adjointe du SNIES Unsa, l’addiction en milieu scolaire est un phénomène qui prend de l’ampleur et qui touche des élèves de plus en plus jeunes. « Les pratiques illicites qui, il y a quinze ans, touchaient les lycées, concernent aujourd’hui les collèges. En sixième, 80 % des élèves ont déjà consommé du tabac au moins une fois. Certains élèves ont démarré leur tabagie à 7 ou 8 ans et fument un paquet de cigarettes par jour à l’âge de 12 ans ! On constate une banalisation de la part des parents au sujet du tabagisme de leurs enfants. » Produit licite, qui ne désocialise pas, le tabac est une substance dont la dangerosité paraît éloignée.

Le Dr Corinne Vaillant, secrétaire générale du Syndicat national des médecins scolaires et universitaires (SNMSU), constate de son côté que si le tabagisme des adolescents est toujours présent, l’entrée en masse dans la consommation est moindre en classe de seconde depuis l’entrée en vigueur le 1er février 2007 de l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à l’usage collectif.

Elle estime, en revanche, que l’alcool est devenu très accessible aux jeunes. « Certaines situations, comme l’alcoolisation massive, sont plus bruyantes et plus visibles. Il faut différencier les jeunes qui ont une conduite initiatique, et qui pratiquent le « binge drinking » (ou « biture express ») et les jeunes qui ont une conduite répétitive, précise Corinne Vaillant. Dans le premier cas, il est important ni de dramatiser, ni de laisser passer. Cette attitude d’ivresse peut être une façon d’attirer l’attention si l’élève est en souffrance. Il faut éviter toute évolution vers un événement grave (coma éthylique), comprendre pourquoi le jeune s’est comporté de cette façon et si nécessaire, faire appel à des professionnels de santé en dialoguant avec les parents, susceptibles d’encadrer le jeune. » Face à ce phénomène préoccupant, la prévention des conduites addictives doit désormais intégrer la consommation d’alcool. C’est pourquoi la version actualisée du guide d’intervention en milieu scolaire mis en ligne sur le site Eduscol y consacre un chapitre.

Quant au cannabis, beaucoup de familles sont dans le déni et ont des difficultés à prendre conscience du danger, alors que leurs enfants n’hésitent pas à consulter les professionnels de santé. Ils savent que consommer du cannabis n’est pas si simple. « Enseignants, parents et professionnels de santé doivent rétablir ensemble les dangers du cannabis, qui s’est trop facilement banalisé » alerte Corinne Vaillant. Là encore, il faut distinguer la consommation occasionnelle de la consommation répétitive.

Les conséquences sur le parcours scolaire des élèves

« La première conséquence de ces addictions, explique Béatrice Martinez, c’est l’absentéisme perlé, les trous dans l’emploi du temps des élèves, qui entraînent des difficultés à suivre les cours. Les enseignants évoquent des élèves moins motivés, moins à l’écoute, peu concentrés. Ils l’attribuent à cette consommation de substances. Pour nous, personnels de santé, il s’agit d’une montée du mal-être chez ces adolescents qui sont en grande difficulté sociale et familiale. Leur consommation de produits illicites est la réponse immédiate à ce mal-être. »

Le risque identifié est celui de la désocialisation progressive. De plus, la consommation de cannabis donne accès à des réseaux qui peuvent conduire à des pratiques délinquantes, agressives ou inadaptées, en raison de la dépendance et du manque. Pour le Dr Corinne Vaillant, « cette dégradation à titre individuel et collectif peut être préjudiciable à l’atmosphère d’une classe. » Il s’agit alors pour les professionnels de santé d’intervenir en signalant de façon non nominative au chef d’établissement une consommation inquiétante et en sollicitant la mise en place d’une action de prévention permettant d’enrayer le phénomène.

Quels recours possibles pour le personnel enseignant ?

A la différence du personnel enseignant, les personnels de santé (infirmières, médecins scolaires, assistantes sociales…) sont informés des situations d’addiction à travers les entretiens individuels menés avec les élèves lors des visites médicales. Les jeunes signalés comme « à risques » par une infirmière peuvent être vu par le médecin de l’Education nationale.

Mais que peut faire un enseignant lorsqu’il détecte une conduite à risque ? « Les enseignants doivent savoir qu’il y a au sein de l’Education nationale des professionnels de santé qui peuvent prendre en charge l’élève, rappelle Corinne Vaillant. Nous sommes d’ailleurs régulièrement sollicités en cas de suspicion de conduite addictive importante. Dans la mesure où la consommation de cannabis est illégale, nous ne pouvons pas, en tant que professionnels de santé, évoquer la situation d’un élève avec l’équipe pédagogique. De plus, ce que nous confient les élèves relève du secret médical. S’il a un doute sur un élève, l’enseignant peut faire part de son inquiétude à un professionnel de santé et s’enquérir si une suite y a été donnée. Nous lui répondrons dans le respect du secret médical. «