Les circonstances d’un accident en crèche/EAJE

« L’accident peut avoir diverses origines selon les circonstances. Il est important de déterminer l’origine de l’accident pour identifier un éventuel responsable ainsi que le régime de responsabilité applicable. […] La responsabilité du gestionnaire de l’EAJE est toujours engagée. »

On parle d’accident en crèche lorsqu’un enfant est blessé ou qu’il décède alors qu’il se trouve dans la structure d’accueil. L’accident peut avoir diverses origines selon les circonstances. Il est important de déterminer l’origine de l’accident pour identifier un éventuel responsable ainsi que le régime de responsabilité applicable.

 

Un jeune enfant se blesse seul, en utilisant ou non un équipement

Un enfant glisse lors d’un jeu d’eau, fait une chute à draisienne, se coince un doigt dans une porte, se fait mal alors qu’il manipule un jouet défectueux, etc. Dans ces exemples fréquents, les blessures sont plus ou moins graves. En règle générale, les précautions et les équipements de sécurité dans l’établissement d’accueil du jeune enfant atténuent la gravité de la blessure. Mais il arrive que les conséquences soient dommageables : traumatisme, dents cassées, os fracturés, voire décès.

Dans ces situations, plusieurs responsables peuvent être mis en cause :

  • Le directeur de crèche, en cas de manquement à son obligation de sécurité. Si l’accident implique un défaut de sécurité des locaux ou des équipements, la responsabilité du directeur de crèche peut être mise en cause.

Les exigences en termes de sécurité dans les EAJE sont définies dans le référentiel pris par arrêté du 31 août 2021(1). Le texte détaille avec précision les normes applicables. Exemple : « Toute surface vitrée (fenêtre, miroir, oculi, etc.) à portée d’enfants est sécurisée (verre feuilleté type securit, stadip ou équivalent) ou revêtue d’un film autocollant offrant les mêmes propriétés. »

  • Le directeur et les agents de crèche, en cas de manquement au devoir de surveillance. Si un enfant est blessé alors qu’il se trouve sous la surveillance du personnel de l’EAJE, qui fait preuve de négligence, d’inattention ou de défaut de prudence, la responsabilité des agents en charge peut être mise en cause. Le cas échéant, la responsabilité du directeur de crèche est alors également recherchée.
  • La responsabilité du gestionnaire de l’EAJE est toujours engagée. Le gestionnaire d’un EAJE, dans la majorité des cas, est la commune ou une association.

 

Un jeune enfant se blesse en jouant ou en se disputant avec un autre enfant

Dans ce cas de figure, la responsabilité des personnels de crèche peut être engagée en cas de défaut de surveillance. Les parents de l’enfant ayant causé les blessures peuvent également être tenus pour responsables.

 

Le régime de responsabilité en cas d’accident en crèche/ EAJE

« En cas d’accident en crèche, rechercher la responsabilité civile du personnel ou de l’établissement permet aux parents de la victime de se faire indemniser sous forme de dommages et intérêts. […] La mise en œuvre de la responsabilité pénale vise à sanctionner l’auteur des blessures par une peine d’amende ou de prison. »

La loi distingue deux régimes de responsabilité : responsabilité civile et responsabilité pénale.

 

La responsabilité civile des agents de crèche

En cas d’accident en crèche, rechercher la responsabilité civile du personnel ou de l’établissement permet aux parents de la victime de se faire indemniser sous forme de dommages et intérêts.

Si l’accident a causé des blessures nécessitant une hospitalisation du jeune enfant, par exemple, mettre en œuvre la responsabilité civile leur permet d’obtenir le remboursement des frais médicaux, et éventuellement des frais de garde de l’enfant pendant sa convalescence.

En pratique, les parents font appel à leur assurance, qui se retourne vers l’assurance RC professionnelle de la crèche.

  • En vertu des articles 1240 et suivants du Code civil(2), les personnels de crèche mettent en jeu leur responsabilité civile en cas de faute, de négligence ou d’imprudence causant un préjudice à l’enfant. Les parents de l’enfant victime doivent donc prouver une faute, une négligence ou une imprudence, et justifier un préjudice.
  • L’article 1242 du Code civil(3) précise les contours de la responsabilité du fait d’autrui. Si la faute, la négligence ou l’imprudence est le fait d’un enfant, ses parents sont responsables à sa place. Si c’est le fait d’un personnel salarié, l’employeur est responsable à sa place.
  • En vertu de l’article R2324-33 II du Code de la santé publique(4), le gestionnaire de l’EAJE garantit ses employés, ainsi que tous les intervenants de la crèche, contre les conséquences de leur responsabilité civile en cas de dommage causé à un enfant.

 

En clair, voici à quoi s’attendre en cas d’accident en crèche :

  1. Les parents mettent en cause la responsabilité du personnel de crèche. L’action est menée devant les juridictions administratives si le gestionnaire de l’établissement est une commune, et devant les juridictions judiciaires si le gestionnaire est une association.
  2. Le juge recherche la responsabilité. En l’absence de faute, de négligence ou d’imprudence, la responsabilité civile du personnel est écartée et l’assurance des parents les indemnise. En cas de faute, de négligence ou d’imprudence, la responsabilité civile du personnel est mise en jeu.
  3. En cas de condamnation au paiement de dommages et intérêts, c’est le gestionnaire de l’établissement qui paye : la commune ou l’association.

 

La responsabilité pénale du personnel de crèche

La mise en œuvre de la responsabilité pénale vise à sanctionner l’auteur des blessures par une peine d’amende ou de prison. Dans le cadre d’un accident en crèche, le personnel mis en cause est poursuivi pour blessures involontaires ou homicide involontaire en cas de décès du jeune enfant.

En vertu des articles 121-1 et suivants du Code pénal(5) :

  • Une faute d’imprudence ou de négligence, ou un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité, peut être considéré comme un délit en cas de blessures involontaires.
  • La personne qui n’a pas directement causé le dommage, mais qui y a contribué du fait de sa position, est également responsable. Le directeur de crèche, à cet égard, peut être mis en cause au pénal.
  • La responsabilité de la personne morale, gestionnaire de l’EAJE, peut également être engagée au pénal.

L’article 221-6(6) du Code pénal prévoit qu’un homicide involontaire constitue le fait de causer le décès d’autrui par « maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité ».

 

Zoom sur 3 jurisprudences en matière d’accident en crèche/EAJE

Cour de cassation, Crim., 16 février 2016(7)

Cette jurisprudence illustre les rares cas de mise en œuvre de la responsabilité pénale des crèches en cas d’homicide involontaire. En l’espèce, un jeune enfant était décédé suite à des faits survenus en crèche sous la surveillance d’auxiliaires de puériculture. Les responsabilités civile et pénale des auxiliaires de puériculture et du gestionnaire de l’établissement étaient mises en jeu.

    1. La cour d’appel avait déclaré les auxiliaires de puériculture coupables d’homicide involontaire sur le fondement d’un défaut de surveillance. De même, l’association gestionnaire de la crèche, en tant que personne morale, avait été déclarée coupable d’homicide involontaire.
    2. La cour de cassation avait cassé l’arrêt de la cour d’appel au motif que les fautes n’étaient pas suffisamment caractérisées.
    3. L’affaire avait été remise en jugement devant la cour d’appel. La justice avait définitivement condamné, au civil et au pénal, le gestionnaire de la crèche. Les auxiliaires de puériculture avaient été relaxées au pénal. Leur responsabilité civile, en revanche, avait été réaffirmée(8).

 

Cour de cassation, Chambre crimelle, 7 octobre 2003(9)

Cette autre jurisprudence illustre le cas de mise en jeu de la responsabilité pénale d’une crèche pour blessures involontaires aggravées. La cour de cassation, en l’espèce, confirme la position de la cour d’appel qui avait prononcé un non-lieu.

Les personnels n’ont pas commis de « faute caractérisée exposant l’enfant à un risque d’une particulière gravité qu’ils ne pouvaient ignorer ». Il n’y a pas lieu de mettre en jeu leur responsabilité pénale.

 

Cour administrative d’appel de Marseille, 12 mai 2022(10)

Cette troisième jurisprudence illustre les cas plus fréquents de maladresse ou d’imprudence commise par un personnel de crèche, sans causer de préjudice à l’enfant. Sans préjudice, la responsabilité civile ou pénale de l’agent ne peut être mise en cause. Le gestionnaire, employeur du personnel fautif, peut en revanche faire prononcer une sanction disciplinaire. En l’espèce, un auxiliaire de puériculture avait oublié un enfant dans la crèche au moment de fermer.

  • Les juges ont considéré l’acte comme fautif, sur le fondement du défaut de sécurité et de protection. En l’absence de dommages, les parents ne sont pas fondés à demander une indemnisation. L’employeur de l’auxiliaire de puériculture, le maire en l’occurrence, a par contre obtenu l’autorisation de prononcer une sanction disciplinaire à l’encontre de l’auxiliaire de puériculture.

 

Sources

  1. Arrêté du 31 août 2021 créant un référentiel national relatif aux exigences applicables aux établissements d’accueil du jeune enfant
  2. Articles 1240 et suivants du Code civil : La responsabilité extracontractuelle
  3. Article 1242 du Code civil : La responsabilité extracontractuelle en général
  4. Article R2324-33 II du Code de la santé publique : Personnels
  5. Articles 121-1 et suivants du Code pénal : Dispositions générales
  6. Article 221-6 du Code pénal : Des atteintes involontaires à la vie
  7. Cour de cassation, Chambre criminelle du 16 février 2016
  8. « L’association des œuvres des crèches de Nice condamnée définitivement », Monaco-Matin, 23 juin 2017
  9. Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 7 octobre 2003
  10. Cour administrative de Marseille, 12 mai 2022